Depuis le début des quotas, on nous rebat les oreilles avec le maintien des exploitations familiales. J'aimerais bien qu'on m'explique ce que c'est exactement ? Beaucoup de pays européens ont suivi ce même objectif, mais chacun dans un schéma différent.
Le Danemark a incité ses producteurs à s'agrandir énormément, avec couramment un million de litres pour une famille. On a critiqué ce système très (trop) lourd en investissement. Certes, ils l'ont payé cash avec la crise financière de 2008 et celle du prix du lait en 2009. Mais d'après les échos du réseau EDF, pour 2011, ça ne marcherait pas trop mal…
Aux Pays-Bas, on a organisé le marché des quotas. Les exploitations ont pu se spécialiser. Je rachète du quota, je fais réaliser tous les travaux des champs et d'épandage, et j'augmente ma productivité du travail. Bilan : des résultats financiers par UTA parmi les meilleurs d'Europe !
En Allemagne du Sud, je garde une petite structure (vingt vaches et cinquante hectares), mais je touche des aides du Land pour être le jardiner de l'espace. En Allemagne du Nord, je suis un entrepreneur familial et je monte un atelier de 800 vaches, avec de la main-d'oeuvre salariale…
En France, chaque région a son modèle, mais tous les schémas européens pourraient s'appliquer. Pourtant, tous les syndicats continuent en façade de défendre une ferme familiale modèle 1983.
Beaucoup d'entre nous pensent qu'aujourd'hui, 80 à 100 vaches, avec un salarié et un robot, c'est une ferme familiale. Mais on a encore beaucoup de chemin à parcourir pour y arriver, avec notre moyenne à 55 vaches. Quand on a un quota de 350 000 l, on est trop haut pour les attributions gratuites, les TSST saupoudrent 5 000 ou 15 000 l par an. Pas facile d'arriver aux 800 000 l pour 2 UTH qui permettraient de remettre la France sur les rails de la compétitivité de ses voisins.
On garde notre sacro-saint lien quota-foncier qui oblige à trouver des systèmes compliqués pour, parfois, reprendre le quota de son voisin. D'où le fleurissement des Ballman et des SCL mais qui, reconnaissons-le enfin, ne protègent personne. Tous les risques restent pour « l'associé » qui investit sur son corps de ferme. Comment empêcher l'autre de partir pour une meilleure location non-officielle ?
Ceux qui, dans les contrats, s'attachent au maintien des références historiques individuelles me font penser à des cédants cherchant un moyen de se payer une rente de situation en valorisant leur « droit à vendre du lait » lorsqu'ils céderont leur atelier laitier… mais pas à des entrepreneurs. Je n'y vois pas de stratégie pour développer ni même maintenir la production française actuelle.
Je suis parfois pessimiste en me disant que nous allons avoir une sacrée gueule de bois quand nous ouvrirons enfin les yeux, comprenant que notre marché laitier ne peut pas être protégé à hauteur des vingt-deux milliards de litres produits aujourd'hui.
On s'est retranché derrière nos produits à forte valeur ajoutée. Mais dès que les éleveurs produisent un peu plus, il faut transporter notre lait en Belgique pour le sécher. Les privés annoncent déjà qu'ils garderont la production de produits à forte valeur ajoutée en France, mais avec des volumes limités. C'est à l'étranger qu'ils feront produire la grosse cavalerie (lait UHT, emmental, beurre poudre…) dans des usines à forte capacité (500 Ml et plus), spécialisées (un à trois produits seulement) et situées dans des zones à faibles frais de collecte.
Les coopératives, elles, sont beaucoup plus ennuyées car obligées de collecter tout le lait de leurs producteurs. Certaines envisagent même de reconstruire des outils de traitement des surplus de lait (tours de séchage). Il faudra donc supporter, sur le prix du lait, les amortissements de ces investissements en 2015 au plus tôt.
Il n'est pas trop tard pour engager une vraie restructuration de la production laitière. Acceptons un débat qui permet à ceux qui veulent agrandir leur troupeau de le faire, même s'ils doivent employer des salariés, dans des zones où les surfaces disponibles sont importantes, les voies de communication nombreuses et les sous-produits valorisables par l'élevage… Cela pour être capable de faire jeu égal avec nos voisins. Dans le même temps, trouvons un système d'aide permettant de payer les producteurs des régions plus difficiles (montagnes…) pour rémunérer leur rôle dans l'occupation des territoires, le maintien des paysages et leur contribution à l'activité touristique, secteur majeur pour la France.
UN ÉLEVEUR DE PICARDIE
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