
Démarrer l'année laitière 2013 sous le signe de la vache indienne ne peut être qu'un heureux présage ! Ce choix mérite pour le moins des félicitations aux rédacteurs de la revue, et à Pascale Le Cann en particulier. Elle reconnaît d'emblée qu'il faut oublier ses repères habituels, que nos critères de productivité par vache, par hectare ou par travailleur n'ont guère de sens dans ce payscontinent qui sera bientôt le plus peuplé du monde. L'Inde affiche sa confiance et sa volonté de préserver son autonomie laitière, avec une consommation de près de 100 litres de lait par habitant, et ce malgré une progression de 20 millions d'habitants par an. Mais l'originalité de ce message est dans la façon de produire et de valoriser ce lait. L'essentiel des 120 millions de tonnes de lait est produit par 70 millions de microtroupeaux de 1 à 3 vaches ou plus, souvent des bufflonnes produisant moins de 1 000 l/an. Celles-ci se contentent de paille et de coproduits de 1 ou 2 ha de cultures céréalières et légumières, donc sans pénaliser les cultures vivrières et sans frais. Tout en produisant un lait très riche en protéines et en matières grasses, bien valorisé en circuits courts, puisque les trois quarts du prix reviennent au producteur.
Seulement 25 % du lait sont valorisés par le circuit formel, principalement par les coops, après ramassage et refroidissement en tank collectif dans les villages, modèle que nous avions connu chez nous à l'après-guerre. Et malgré toutes les limites concernant la production, l'hygiène, le transport et la distribution, ce modèle de microtroupeaux fait vivre dignement plus de 100 millions de familles, en y incluant les colporteurs et les distributeurs. Ce modèle assure aussi l'autonomie de ce pays où le lait est un aliment quotidien et la source principale de protéines pour une large part de la population hindoue, qui ne consomme pas de viande.
Tout est dit ou presque dans cet article sur la conciliation des valeurs religieuses et sociales, sans oublier la cohérence économique et écologique de cette production très autonome. Mais il y a aussi quelques témoignages qui montrent que cet équilibre est précaire et que les responsables politiques, économiques et scientifiques misent maintenant sur l'augmentation massive de la production par vache par la génétique ainsi que par troupeau en développant les cultures fourragères, début de la spirale des investissements illimités, au nom du progrès et de la théorie des économies d'échelle ! Actuellement, en Inde, pour une production d'un million de litres de lait, plus de 500 familles vivent sobrement mais dans la dignité - pour qui a vu les bidonvilles de Calcutta ou d'ailleurs - alors que près de chez nous, au Danemark, ce million de litres n'arrive plus à faire vivre décemment une seule famille !
En ces temps où le chômage est redevenu un fléau majeur en Europe, il y a sûrement quelque chose qui cloche dans nos critères de productivité et dans notre politique laitière ! Il nous reste encore quelques mois pour rectifier la copie de la Pac post-2013.
André PFLIMLIN, Auteur de « Europe laitière : valoriser tous les territoires pour construire l'avenir » Éditions France Agricole, 2010
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