« Stupeur et incompréhension dominent chez les herbagers à l'énoncé du projet de modification de la directive nitrates. En cause, la modulation des rejets azotés des laitières en fonction de leur régime alimentaire. S'il est incontestable que les rejets azotés des vaches augmentent quand elles sont à l'herbe, il est tout aussi incontestable que l'herbe a une capacité à exporter des quantités d'azote bien supérieures à une culture de maïs. Appréhender les systèmes agricoles par le petit bout de la lorgnette conduit à une aberration. Dans les bassins versants à algues vertes de Bretagne, les éleveurs sont encouragés à développer l'herbe, car les systèmes herbagers sont « les moins susceptibles d'entraîner des fuites d'azote dans l'eau », selon tous les experts scientifiques. Ils seront parallèlement confrontés à des normes Corpen contraignantes s'ils développent ces systèmes herbagers. Où est la cohérence ? Il est à craindre que les producteurs cherchent à maintenir leurs moyens de production et délaissent l'herbe au profit du maïs. Et pourtant, les vertus de l'herbe ne manquent pas : couverture permanente des sols, pompe à nitrates, zéro pesticide, stockage de carbone et biodiversité. En outre, cette réforme remettrait en cause la mesure agroenvironnementale “Système fourrager économe en intrants” signée par plus de 1 200 fermes bretonnes, risquant l'incompréhension et le découragement des éleveurs s'engageant dans la reconquête de la qualité de l'eau.
De toute évidence, ce projet va à l'encontre de l'objectif de réduction des pollutions par les nitrates affiché dans le programme d'action. Quelles solutions ? Les promoteurs du projet avancent que le passage à 170 kg d'azote par hectare de SAU au lieu d'hectare de SDN (surfaces épandables + pâturées) permet de compenser l'augmentation de la norme. C'est oublier que pour les systèmes pâturants, la SDN est déjà très proche de la SAU !
Dans l'immédiat, seule une dérogation au plafond des 170 kg d'azote/hectare, à obtenir auprès de la Commission européenne, permettrait de sortir de l'impasse et redonner un peu de sens à cette réforme. De nombreux pays européens du Nord bénéficient déjà de cette dérogation : par exemple, 250 kg de N/ha pour les fermes avec plus de 70 % d'herbe dans la SAU aux Pays-Bas. Pour l'avenir, il pourrait être intéressant d'appliquer la méthode des bilans entrées-sorties de l'azote, qui permet d'appréhender les systèmes d'exploitation dans leur globalité et de faire un lien direct entre le résultat du bilan et le risque de fuite d'azote dans le milieu. Ce qui est, à l'évidence, l'objectif de la directive nitrates ! Gageons que les auteurs de ce texte prennent la mesure de leur égarement et veillent à la cohérence des politiques publiques. C'est leur crédit qui est en jeu.
PATRICK THOMAS, COPRÉSIDENT DU CEDAPA
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