Quand on est fils d’éleveur allaitant et qu’on rêve de s’installer à son tour, est-ce qu’on s’imagine traire des vaches laitières un jour ? C’est bien ce que font Étienne et Gauthier Decherf, deux frères de 28 et 30 ans, à la tête depuis un an d’une centaine de Prim’holsteins sur la commune de Berthen (Nord).
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Avec un père éleveur de Blondes d’Aquitaine (50 mères et un atelier de 150 places d’engraissement), ces deux grands gaillards des Flandres ont toujours souhaité être agriculteurs à leur tour et la chance leur a souri il y a un peu plus d’un an. Étienne raconte : « J’étais salarié à mi-temps chez mon père et à mi-temps sur une autre exploitation à quelques kilomètres. Mon frère Gauthier était technico-commercial chez Unéal en vaches laitières. Le week-end, on aidait notre père en attendant de pouvoir nous installer à notre tour. Sur la ferme on travaille beaucoup en entraide avec des voisins et aussi en Cuma, c’est comme ça qu’on a appris que cette exploitation, à 3 km de chez nous, cherchait des repreneurs. »
La passion de l’élevage en famille
Deux associés qui partaient en retraite et le troisième qui souhaitait quitter la ferme pour un tout autre projet de vie, les candidatures furent nombreuses dans ce secteur très prisé pour la pomme de terre et pourtant, ce sont les Decherf qui ont été choisis. « Il y avait du monde pour reprendre les 50 ha mais beaucoup moins pour continuer les vaches, alors que nous ça nous emballait ! »
« Sur le papier, c’est moi qui suis installé, explique Étienne, associé avec mon père. Gauthier est salarié pour l’instant ; l’idée c’est qu’il trouve une autre structure pour s’agrandir ou qu’il reprenne derrière notre père lorsqu’il prendra sa retraite. » Mais dans les faits, pas de différence : les deux frères conduisent ensemble le troupeau laitier. Leur père quant à lui les laisse gérer : « Il nous a toujours dit : « si vous faites des laitières, je n’y mettrai pas les pieds », sourit Étienne. On en a beaucoup discuté, il nous a suivi dans le projet et nous donne un petit coup de main si besoin, mais c’était clair du départ : ce n’était pas à lui d’effectuer le travail ici. Ce n’est pas à 56 ans qu’on se lance dans un troupeau comme ça ! »
Côté travail, ils sont 6 sur la structure : le père et un salarié sur les Blondes d’Aquitaine, les deux frères sur l’atelier laitier, aidés d’un salarié à mi-temps (l’un des anciens associés) et un apprenti. Travailler en famille, c’est un atout selon eux : « Mentalement c’est plus simple, la charge est partagée. Gauthier et moi sommes sur la même longueur d’ondes : on est jeunes, motivés, on veut bosser et on se complète bien. »
Une reprise de 800 000 € pour 1 million de litres
Étienne, le plus jeune des deux, est donc arrivé à Berthen début 2023 pour travailler à mi-temps avec les cédants. Puis son installation s’est concrétisée en novembre de la même année. « Tout s’est fait en direct, sans l’intermédiaire de la Safer. Les cédants ont toujours été clairs sur leur objectif d’installer un jeune, on a vraiment instauré une relation de confiance. » L’un des associés censé partir en retraite a même souhaité continuer et est devenu salarié à mi-temps.
Côté finances, la reprise de l’atelier lait se chiffre à 800 000 € pour le bâti, les animaux, le matériel (télescopique, pailleuse, salle de traite, etc.) et le stock fourrager. « On compte à peu près 110 €/1000 l d’investissement avec les intérêts, à 4 % ça pèse quand même », rappelle Gauthier. Les cédants ont quant à eux financé la TVA.
« On n’aurait jamais imaginé s’installer en vaches laitières puisque notre père élève des allaitantes, c’est l’occasion qui s’est présentée. » Les deux jeunes éleveurs aiment ce métier et sont d’ailleurs dedans depuis plus longtemps : « J’ai travaillé 7 ans en fermes laitières, explique Étienne. Et Gauthier était technicien dans cette filière. » Et l’effet wahou a été immédiat ici : « Quand on a visité, on était hyper enthousiasmes, l’outil de production est récent et bien agencé. Ça aurait été vraiment dommage de tout arrêter ! »
Ils ont à cœur de remercier les cédants : « Ils avaient réalisé de bons choix en termes de bâtiment et d’organisation, ce qui nous fait gagner beaucoup de temps au quotidien dans le travail. Grâce à ça, on n’a pas eu besoin de faire de gros investissements en arrivant et on peut déjà se projeter dans l’avenir. »
Un outil performant permettant de nouveaux projets
Un an plus tard, les deux frères sont plutôt satisfaits. « On s’était fixé dans un premier temps de réaliser le même volume que nos cédants », se souvient Gauthier. Et c’est chose faite : avec 1 million de litres produits avant leur installation, ils tablent là sur 1,25 Ml avec une production moyenne de 35 litres/VL (43 g/l de TB et 35 g/l de TP). Ce qui semble avoir fait la différence : le changement de ration. « On a commencé par arrêter la distribution au godet désileur en achetant un bol mélangeur. On apporte aussi de la pulpe et de l’ensilage d’herbe toute l’année alors qu’elles en avaient pendant 6 mois avant. Et enfin, on a arrêté le Dac pour être en ration complète. »
Étienne et Gauthier ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin : « Avec 1Ml produits, nos prédécesseurs généraient 200 000 € d’EBE (moyenne sur les 3 dernières années). On a cet objectif là a minima pour rembourser nos prêts. On attend les résultats comptables pour voir si on l’atteint ou pas. » Et ils peuvent d’ailleurs produire plus puisque Danone leur a octroyé 500 000 litres supplémentaires, en concertation avec l’OP du secteur.
Du côté des projets, les éleveurs comptent passer aux robots de traite. « Aujourd’hui, le niveau des vaches est déjà très bon. Notre facteur limitant c’est les 2 traites par jour. » Et l’autre argument des robots : la diminution de l’astreinte. Les deux jeunes sont certes motivés au boulot, mais ils aspirent aussi à avoir du temps pour leur famille. « Les robots doivent arriver au printemps 2025, mais on réfléchit aussi par la suite à embaucher de la main-d’œuvre qualifiée supplémentaire. »
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