Le comté, une utopie concrétisée

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Dans son livre Les Héritiers du comté : résistance et renaissance de 1945 à 2013, Jean-Jacques Bret, ancien directeur de l’interprofession, témoigne de ce qui a constitué les valeurs et les clés de la réussite de la filière.

Travailleur de l’ombre mais personnalité reconnue par tous, l’ancien directeur du CIGC (l’interprofession du comté) a pris plaisir à écrire cet ouvrage. « C’était une opportunité de faire revivre­ les challenges et les batailles collectives », précise Jean-Jacques­ Bret. Pas question pour autant d’en faire une œuvre polémique. À part quelques anecdotes – comme le blocage pendant cinq ans de la parution au JO de la liste des membres du CIGC par Pierre Cormorèche, alors président de la FNSEA – Jean-Jacques Bret reste discret sur les bagarres que les Francs-Comtois ont dû mener pour préserver leurs petites fruitières (il y en avait encore 160 en 2013) et valoriser l’AOC décrochée en 1958. L’essentiel est pour lui de transmettre la mémoire d’une filière qui s’est structurée en dehors de la vision syndicale et professionnelle­ dominante de l’époque, convaincue que concentrer les outils et industrialiser les process était la seule voie possible.

« S’arc-bouter sur les fruitières semblait être une aberration totale compte tenu des lois du marché, commente aujourd’hui notre interlocuteur. Mais nourris d’un atavisme multigénérationnel, les Francs-Comtois voulaient avant tout transmettre un patrimoine ancestral commun, consubstantiel de la solidarité villageoise. Inébranlables dans leurs convictions, les responsables professionnels restaient imperméables aux diagnostics pessimistes qui leur étaient opposés. Cette force collective encore reste pour moi un mystère. »

L’appartenance culturelle, gouvernail de la filière comté

Partager une identité aussi forte ne suffisait toutefois pas à assurer un avenir alors que jusqu’en 1991, le comté vivait des crises à répétition, avec un fromage à la qualité hétérogène, sur fond de conflits afférents à la sélection montbéliarde. Il fallait doter la filière de solides bases juridiques et économiques, ainsi que d’un contrôle qualité. Ce qui fut fait. Né en 1969, le contrat CIGC a été une révolution. Il a instauré le paiement du lait en fonction du prix du comté blanc à quatre mois (durée minimum d’affinage). Ce dernier évolue selon la qualité des matières premières et les pratiques des affineurs. « Les producteurs, gestionnaires de leur outil de transformation, acceptaient d’être rémunérés en fonction du marché et non pas selon un prix garanti, avec le risque que si le marché s’écroulait, le prix aussi, détaille Jean-Jacques Bret. Pour le marxiste­ que j’étais, cet accord revenait à donner le pouvoir aux affineurs dans un modèle dominant-dominé. En fait, il s’est révélé être la source d’une alchimie positive. Un dispositif vertueux, à l’inverse de la logique actuelle des Égalim, qui part des coûts de production. »

Anne Bréhier

Publié aux éditions Raison et Passions.

© Vanderelst - La force du comté, premier fromage AOP en France, avec 60 000 t produites chaque année à partir du lait de 2 400 exploitations, c’est son rapport qualité-prix. Pour Jean-Jacques Bret, « il doit rester un fromage populaire, et non pas devenir un produit d’élite ».Vanderelst

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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