« ÉCONOMES GRÂCE AU PÂTURAGE, MAIS AUSSI PRODUCTIFS »

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Noëlle et Christian Leclerc, en Gaec, développent un système aussi peu dépensier que possible. Au coeur d'une région à vocation laitière, ils veulent répondre aussi aux opportunités de production.

FERMER LE SILO DE MAÏS-ENSILAGE AU PRINTEMPS devient inhabituel. Noëlle et Christian Leclerc l'ont fait durant quarante-cinq jours en 2013, et trois mois en 2014. « Nos stocks fourragers guident notre décision. Si nous estimons ne pas faire la soudure jusqu'aux prochains ensilages, nous le fermons. Cette décision était nécessaire l'an passé après une récolte fourragère 2013 médiocre. » Ce 100 % pâturage ne serait pas possible si la stratégie principale du couple ne reposait pas sur une valorisation maximale de l'herbe. L'utilisation d'une désileuse automotrice en Cuma ne la modifie pas fondamentalement. Cette année, en mai et juillet, le maïs s'est limité à 2 ou 3 kg de MS/vache.

« POUR 8 000 €, LE PÂTURAGE EST MIEUX ORGANISÉ »

Pour Noëlle et Christian, pas question de semer plus de maïs : 17,5 ha pour l'atelier lait et 2,5 ha pour les taurillons sur une surface totale de 80 ha. Les 60 ha restants sont en herbe. « Cultiver plus de maïs signifierait une correction azotée plus élevée de la ration, et donc une plus grande dépendance aux intrants. » Voilà plus de quinze ans que les éleveurs ont fait le pari d'une conduite économe en s'appuyant sur le pâturage. L'aménagement en 2011 de 300 mètres de chemins consolide définitivement les 22 ha pâturés. « Pour un investissement de 8 000 €, subvention déduite, le pâturage est mieux organisé. Les vaches ne traversent plus la route. » L'autre élément qui le sécurise estun arrosage gratuit avec les eaux d'une station d'épuration voisine. Cette volonté de valoriser au mieux les prairies se traduit par un rendement que les réseaux d'élevage normands (Inosys) calculent à 7,8 t de MS/ha en 2013 pour une fertilisation de 54 kg/ha d'azote minéral. Du lisier est également épandu. C'est 1,5 t de plus que le groupe de comparaison de 10 à 30 % de maïs dans la SFP (avec 12 kg d'azote en plus, résultats 2014-2015 non disponibles).

« NOUS UTILISONS DES ALIMENTS SIMPLES, MOINS CHERS »

« Avecle pâturage mi-mars à mi-novembre, nous limitons les concentrés, reprend Noëlle. En zéro maïs l'an passé, seul le gluten de blé a fourni l'énergie aux débuts de lactation. Cette année, les pluies d'août ont relancé la pousse de l'herbe, ce qui a permis de produire plus longtemps du lait à pas cher, appréciable en période de crise. » Par sécurité, 400 à 800 g de correcteur azoté sont apportés selon la quantité de maïs-ensilage (3 à 6 kg de MS), plus du concentré tanné aux débuts de lactation. Cette stratégie de valorisation des fourrages est reprise en hiver. La ration de base est enrichie en azote par un tiers d'ensilage d'herbe. « Que ce soit en hiver ou au pâturage, nous utilisons des aliments simples, moins chers : du tourteau de colza en ration semi-complète et du tourteau de colza tanné, à partir de 20 à 22 kg, distribué à la brouette », ajoute Christian. Le tout se traduit par une consommation et un coût de concentrés bien plus faibles que le groupe de référence (voir tableau). « Le maïs-ensilage désormais toute l'année va sans doute un peu l'augmenter en 2015-2016. En contrepartie, la production progresse de 300 kg/vache, à des taux équivalents. »

« LA RACE NORMANDE NOUS CORRESPOND BIEN »

Avec 31 500 l/ha de maïs, même s'il est économe, le système est productif. Pourquoi alors ne pas avoir opté pour la race holstein à l'arrivée sur la ferme en 1997, d'autant plus qu'à l'époque, la SAU était sous les 70 ha ? « Installés en 1984 sur une autre ferme, nous avons continué avec nos normandes. Nous ne regrettons pas. »

Et Noëlle et Christian de reprendre l'exemple de l'arrêt du maïs l'an passé. « Si le troupeau avait été en race prim'holstein, les vaches auraient beaucoup plus maigri pour compenser le déficit énergétique de la ration. Généralement, la prim'holstein, plus productive, a besoin d'être davantage complémentée. Or, par souci économique et de santé, nous ne cherchons pas à maximiser la production animale. La normande nous correspond mieux. » Elle permet également de décrocher des taux élevés, de quoi mieux résister aux prix bas du lait. Avec 43,36 g/l de TB et 35,4 g/l de TP, ils ont apporté 36 €/1 000 l au prix de base en 2014-2015.

Le duo maïs-ensilage et pâturage poussé n'a pas freiné les éleveurs dans leur souhait de produire plus de lait sur leurs 80 ha. En six ans, ils ont accru leurs livraisons de 90 000 litres. Le troupeau est agrandi de 8 ou 9 vaches, accompagné d'une hausse du niveau d'étable. Les stocks sont sécurisés avec 5 à 6 ha de ray-grass d'Italie et trèfle incarnat en dérobée du maïs. « La clé, c'est la constance et l'amélioration des choix. » Ils appliquent également ce principe en période de crise. Ils utilisent des semences sexées sur génisses pour élever moins de jeunes. De même, ils inséminent le quart du troupeau avec des taureaux de race blanc bleu belge pour un meilleur prix des veaux. Des leviers actionnés depuis deux ans en anticipation de la baisse des aides découplées de 3 000 € sur cinq ans. Certes, à 55 ans, ils sont presque libérés des emprunts. Ils remboursent 6 160 € d'annuités en 2015-2016.

« EN CONJONCTURE TENDUE, GARDER LE CAP »

« Notre situation n'a rien à voir avec un jeune agriculteur ou un récent investisseur très endetté. » Ils ont aussi choisi d'alléger les charges fixes en faisant appel à l'ETA et la Cuma avec chauffeur pour la culture du maïs, les ensilages et épandages. Ils préfèrent investir dans l'amélioration de leurs conditions de travail, tels des bétons extérieurs pour 30 000 € et un « valet de ferme » pour les tâches quotidiennes, aussi à 30 000 €, ces deux dernières années. « Le logement de nos animaux est également optimisé. Avec des vêlages étalés toute l'année, les vaches taries ne sont pas hébergées et vêlent dehors. »

La stabulation compte 80 logettes qui accueillent uniquement les laitières. Les taries restent dehors. L'aire d'attente de la salle de traite est dans le couloir.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
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« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

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