« AVEC 4 300 LITRES PAR VACHE, JE DÉPENSE LE MINIMUM »

Les investissements sont raisonnés pour ne pas dépasser les 15 000 € d'annuités. La stabulation paillée est amortie depuis longtemps. Le remboursement de la mise aux normes sera fini en 2020. Le matériel est entretenu pour vieillir.© CLAIRE HUE
Les investissements sont raisonnés pour ne pas dépasser les 15 000 € d'annuités. La stabulation paillée est amortie depuis longtemps. Le remboursement de la mise aux normes sera fini en 2020. Le matériel est entretenu pour vieillir.© CLAIRE HUE (©)

Vincent Barbedette est hors normes. Il produit plus de 200 000 litres pour un revenu de minimum 20 000 €, sur 50 hectares. Son histoire et sa motivation comptent pour beaucoup dans ce choix.

LA MANCHE ORGANISE TOUS LES ANS LE CHALLENGE « Performance économique de l'atelier lait ». Vincent Barbedette est le lauréat 2015 de la catégorie « 65 à 75 % d'herbe dans la SFP ». « Sur les six catégories, il a la meilleure maîtrise des charges opérationnelles », indique Viviane Simonin, de la chambre d'agriculture, qui anime la manifestation avec quatre autres organismes de conseil (p. 31). Et pour cause : elles s'élèvent à 117 €/1 000 l en 2014-2015.

On l'a compris, Vincent conduit un système de production très économe, avec du pâturage et zéro concentré pendant six mois. Concrètement, le niveau d'étable ne dépasse pas les 4 500 litres par vache. L'histoire de la ferme l'explique en partie. « En 1994, le quota était de 100 000 litres sur 30 ha. Par l'arrêt des vaches allaitantes, les attributions "petits producteurs" et les hausses européennes, j'ai aujourd'hui 203 500 litres de référence sur 50 ha. »

« LA CONDUITE INTENSIVE NE ME CONVIENT PAS »

Ses motivations comptent aussi pour beaucoup dans cette orientation. « Je n'ai pas toujours conduit ainsi mon élevage. Dans les années 1990, je suis monté à 6 500 kg par vache en race normande. Je cultivais du blé qui était autoconsommé et en plus des allaitantes, je vendais dix taurillons par an. Les frais vétérinaires ont augmenté. Cette façon de produire ne me convenait pas du tout. Je ne suis pas un technicien dans l'âme. » Et puis dans un secteur vallonné, la structure ne se prête qu'à quelques hectares de cultures dans l'assolement.

De cette période, il a seulement gardé le maïs, ce qui a dopé son DPU à 401 € avant modulation. La nouvelle Pac établit sa référence à 322 € pour une simulation à 293 € en 2019.

« CINQ TONNES DE TOURTEAU TANNÉ ACHETÉES, PAS PLUS »

Avec 4 300 litres par vache, le lait est produit à partir des fourrages. L'exploitation respecte d'ailleurs le critère de bonne valorisation fourragère mis en avant par le CER France Manche (voir p. 31), à savoir un minimum de 20 000 l/ha de maïs (voir tableau). L'hiver, du maïs ensilage mélangé au silo à du méteil ensilé est distribué. Il est soutenu par du foin et de l'enrubannage de ray-grass hybride + trèfle violet. Le tout est complété par 800 g à 1 kg de tourteau tanné soja-colza, pas plus. « À la fermeture du silo début mai et jusqu'à la mi-septembre, les vaches pâturent jusqu'à 23 ha de prairies. Elles reçoivent zéro concentré. L'objectif est de produire le lait uniquement avec l'herbe. Ma logique, c'est de prendre ce qui vient. »

« JE N'AI PAS PU FAIRE UNE CONVERSION BIO »

Elle est également suivie l'hiver puisque l'éleveur n'analyse pas les valeurs alimentaires du maïs ensilage. « J'observe les bouses et les poils. Si la ration distribuée n'est pas suffisante, j'ajoute de l'enrubannage. »

Pas étonnant donc que la consommation de concentrés soit très faible : 125 kg/vache en 2014-2015 (voir tableau). Alors qu'on aurait pu tabler sur un effet concentration du lait, la contrepartie est des taux plutôt faibles (31,47 de TP et 41,17 de TB), ce qui limite le bonus composition du lait à 7 €/1 000 l pour l'année civile 2014. « Le prix du lait de 344 € en 2014-2015 souffre des comptages cellulaires élevés (320 000/ml en 2014). Depuis l'installation de la ligne à haute tension en 2013, ils se sont dégradés. Un suivi par le contrôle laitier est mis en place depuis décembre. »

Inhabituel, le système de Vincent suscite des interrogations. Par exemple, pourquoi ne va-t-il pas jusqu'au bout de sa démarche en se convertissant à l'agriculture biologique ? « C'était mon idée il y a une dizaine d'années, mais un cinquième de ma surface s'est retrouvé en zone de protection de captage d'eau potable. Il ne pouvait pas être engagé en bio. Idem pour les mesures agroenvironnementales SFIE. Je tente de nouveau ma chance avec la MAEC systèmes. » Il loue encore 7 ha dans le périmètre, depuis peu en bail environnemental. « La conversion bio est maintenant possible, mais à 55 ans, je n'ai plus envie. »

De même, pourquoi ne cherche-t-il pas à mieux valoriser le potentiel de son troupeau par un peu plus de concentrés avec, à la clé, un meilleur prix du lait et un peu moins d'animaux à soigner ? « Ce n'est pas mon souhait. Je veux produire le maximum de lait uniquement avec de l'herbe », insiste-t-il.

« MON EXPLOITATION PEUT FAIRE VIVRE UNE PERSONNE »

Évidemment, les investissements doivent être en cohérence avec les 203 500 l de référence. La stabulation paillée de 260 m2 construite en 1990 est amortie depuis longtemps. L'éleveur aura fini de rembourser en 2020 les 8 000 € d'annuités pour la mise aux normes (fumières de 185 m2 et 70 m2, fosse de 500 m3 ), l'achat des bâtiments et de 23 ha. « Je ne dépasse pas les 15 000 € d'annuités. En cas de baisse de l'EBE, comme l'an passé, un minimum de 20 000 € de revenu disponible est assuré. » Il achète à l'avance les intrants qu'il autofinance, ce qui lui permet de bénéficier des escomptes de 2 %. En cas de coup dur, il peut faire face avec l'épargne constituée au fil des ans. Son exploitation low cost est-elle transmissible ? « À condition de conserver les 50 ha, garder la conduite économe, elle peut faire vivre une personne, estime-t-il. Etmon successeur pourra la convertir en bio. »

Les 49 vaches ont accès à 23 hectares pâturables. La difficulté est de les y emmener. Il faut emprunter des petites routes départementales ou les traverser.

© CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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