
Dans une stabulation à logettes sur béton, l'audit de BCEL Ouest a mis en évidence des boiteries non infectieuses pour lesquelles la prévention passe notamment par un parage préventif annuel.
AU MOIS DE MAI, BLANDINE ET DOMINIQUE MORIN ONT FAIT APPEL AU SERVICE O'DIT BOITERIES déployé par Bretagne Conseil Élevage (BCEL Ouest, voir encadré) pour répondre à un problème de boiteries cliniques qui touche chaque année environ 25 % de leur troupeau de race normande. « C'est un phénomène surtout présent en hiver qui s'est accentué depuis le passage en logettes en 2011, explique Dominique. Habituellement, la mise à l'herbe de mars à novembre s'accompagnait d'une amélioration de la situation. Mais nous avons constaté cette année que certaines vaches continuaient à boiter en pâture. Il était donc exclu de les rentrer à l'étable cet hiver dans cet état. » La solidité des aplombs est d'autant plus importante que les éleveurs misent depuis juillet 2013 sur l'association robot de traite + pâturage. Une conduite qui repose sur la libre circulation des vaches, avec une distance maximale entre le robot et la pâture de 500 mètres, sur des chemins stabilisés.
Dans le bâtiment, les 67 logettes dos à dos sont paillées à raison de 3,5 kg de paille par jour, avec un produit asséchant en complément. Les couloirs sont raclés trois fois par jour en été et six fois en hiver. Enfin, en matière de prévention, un pédiluve à base de cuivre est mis en place en hiver toutes les trois semaines. Les éleveurs ne lèvent les pattes qu'en présence de boiteries pour faire un parage curatif qui révèle bien souvent la présence de cerises.
« EN L'ABSENCE DE PARAGE, UNE DÉGRADATION DANS LE TEMPS »
La première étape du travail réalisé avec BCEL Ouest a consisté à parer tout le troupeau. Un travail d'une demi-journée pour les deux pédicures dépêchés sur place. Grâce à la saisie des lésions observées à cette occasion, dès le lendemain, le bilan O'Dit Boiterie était disponible sur l'extranet. Dans un second temps et sur la base de ces informations, le vétérinaire conseil de BCEL Ouest a émis des recommandations au terme d'une visite d'une demi-journée. Tout d'abord, le parage diagnostic révèle que les lésions prédominantes sont non infectieuses, c'est-à-dire que leur origine dans l'exploitation est surtout d'ordre mécanique : bleimes circonscrites, ulcères, cerises et ouvertures de ligne blanche. « Dans le détail, les primipares ont le même profil de lésions et sont autant touchées que les multipares, ce qui témoigne d'une atteinte dès la première lactation, souligne Yannick Saillard, vétérinaire de l'organisme de conseil. On retrouve néanmoins plus de lésions sur les multipares et des ouvertures de ligne blanche plus importantes après 90 jours de lactation, ce qui signifie qu'en l'absence de prise en charge, les lésions se dégradent dans le temps. Autrement dit, le parage préventif doit permettre de mieux anticiper l'apparition de ces lésions et leur dégradation, en rétablissant la surface portante sur les huit onglons. » Tant que le problème subsiste, le vétérinaire recommande donc deux parages préventifs annuels, ciblés sur les primipares et les débuts de lactation : un mois avant l'entrée à l'étable et un mois après la sortie.
« Il faut anticiper d'au moins trois semaines la sortie au pâturage pour ne pas réduire la corne au moment de lâcher les animaux sur des chemins à risques, et surtout continuer à lever les pieds dès qu'une vache boite », précise-t-il.
« LES STATIONS PROLONGÉES DEVANT LE ROBOT FAVORISENT LES LÉSIONS »
Fait rarissime en logettes, l'étable est indemne de dermatite digitée (Mortellaro) et il y a très peu de fourchets à un stade dégradé. « Cela peut être mis en lien avec la normande qui, selon les travaux de l'école vétérinaire de Nantes, a deux fois moins de risques de contamination par la dermatite digitée que la holstein. La paille des logettes présente sur l'aire d'exercice lors du raclage favorise aussi un assèchement du sol qui peut expliquer ici la très faible virulence des maladies infectieuses. » En revanche, le poids de la normande renforce les contraintes sur les onglons et donc le risque de dégradation des lésions, comme en témoigne la prévalence de cerises (10 %), d'ulcères (10 %) et de bleimes circonscrites (15 %) à un stade de gravité avancé. Ces lésions susceptibles de faire boiter sont en lien avec la présence en bâtiment. Elles ont un impact sur l'amaigrissement, sur le TP et sur la fréquentation du robot (2,1 traites/jour).
Deux aspects entraînant des stations debout prolongées, favorables à l'apparition de ces lésions, ont été identifiés : ils concernent le mauvais réglage du couchage, qui s'exprime par un grand nombre de vaches perchées ou debout dans leurs logettes, et le temps d'attente trop long devant le robot, accentué par le comportement grégaire des vaches en pâture qui les pousse à venir en même temps à la traite. Mais comme il est exclu d'abandonner le pâturage, l'installation de tapis sur la zone bétonnée surélevée (voir photo) devant le robot est préconisée pour réduire la contrainte mécanique sur les pieds. Un dispositif qui devrait aussi participer à améliorer la fréquentation du robot.
« UNE INTERVENTION EN FIN D'HIVER PUIS À LA RENTRÉE À L'ÉTABLE »
Concernant le réglage des logettes, celles-ci font 1,25 m de large avec un arrêtoir haut à 1,20 m du sol. Côté auge, cette barre au cou est fixée à 1,75 m du seuil de la logette. Il est conseillé de l'avancer de 10 cm, au même niveau que l'arrêtoir bas. Côté mur, elle est à 1,85 m du seuil mais il n'y a pas d'arrêtoir au sol. Les vaches ont donc tendance à trop s'avancer dans la logette et n'ont plus la place pour effectuer leur mouvement naturel de balancier vers l'avant au moment de se lever. Le conseil du vétérinaire porte donc sur l'installation d'un arrêtoir au sol : « Par exemple, une sangle tendue fixée à l'arrière du tubulaire à 20 cm de hauteur. »
Le message est passé et les éleveurs ont programmé un parage des animaux à risques un mois après la rentrée à l'étable et un second en sortie d'hiver. « Une dizaine de jours après ce premier parage, la situation s'est sensiblement améliorée. Et depuis, plus aucune vache ne boite, souligne Dominique. Cette intervention nous apparaît désormais indispensable, car même si les vaches ne boitent pas, les sabots déformés en stabulation finissent par déséquilibrer les aplombs. » Ce parage sera aussi l'occasion de voir l'évolution de la situation pour valoriser, dans le temps, le coût de l'intervention avec le conseiller et le pédicure. « Le coût total de 900€est vite rentabilisé si on le compare à la perte d'une vache », assure Dominique.
Le parage-diagnostic du troupeau révèle une prédominance de lésions non infectieuses comme, par exemple, la cerise, en lien marqué avec la présence dans le bâtiment. Les pistes d'amélioration portent sur le réglage des logettes et l'installation d'un tapis sur la zone bétonnée surélevée devant le robot où les vaches attendent en station debout prolongée. REPORTAGE PHOTOS © J.P.
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