PARER AUX MALADIES DU PIED SUR SOL DUR

Dans la Somme à Drucat, bâtiment ouvert sur deux façades équipées de rideaux. La ventilation permise par ce dispositif participe à la prévention des maladies du pied infectieuses, en évacuant l'humidité et en asséchant les sols.PHOTO © JÉRÔME PEZON
Dans la Somme à Drucat, bâtiment ouvert sur deux façades équipées de rideaux. La ventilation permise par ce dispositif participe à la prévention des maladies du pied infectieuses, en évacuant l'humidité et en asséchant les sols.PHOTO © JÉRÔME PEZON (©)

Avec la baisse du pâturage, l'intérêt du parage est désormais une évidence. Reste à mieux comprendre l'origine des boiteries pour mettre en oeuvre des mesures correctives efficaces.

UNE VACHE, ÇA MARCHE OU ÇA SE COUCHE ! ELLE EST CONÇUE COMME ÇA ! » Lors des formations sur le thème de la santé des pieds qu'il anime pour le GDS du Rhône, Yves Debeauvais, vétérinaire, ne manque jamais de rappeler cet aspect du comportement naturel des bovins. Et pour confirmer ce postulat, il invite chacun à observer un troupeau dans son environnement normal, c'est-à-dire au pâturage : « Soit les vaches broutent en se déplaçant à petits pas, soit elles se couchent. »

Ce qui peut apparaître comme une évidence s'avère très éclairant pour mieux comprendre l'origine des pathologies qui ont un impact sur la santé des pieds des vaches en stabulation. Car la physiologie des pieds de ces ongulés est adaptée par nature à évoluer sur une terre meuble (voir infographie). Au pâturage, l'animal est libre de ses mouvements, l'usure des sabots est égale à la pousse et leur surface portante reste régulière. De plus, l'herbe joue un rôle de nettoyeuse des onglons.

UNE BOITERIE MODÉRÉE INDUIT UNE PERTE DE 5 % DE LAIT

En stabulation, les contraintes exercées sur les pieds sont différentes. Elles induisent un dérèglement de l'équilibre pousse/usure qui prédispose à des difficultés de locomotion et favorise l'apparition de boiteries, de lésions et de maladies des pieds. « Dans cette situation, les boiteries sont à la fois la conséquence et la cause d'interactions anormales de l'animal avec son environnement, explique Yves Debeauvais. Sans action corrective, la vache entre dans un cercle vicieux : elle adopte des comportements anormaux, pour se nourrir, se déplacer ou se coucher qui, à leur tour, aggravent les risques d'apparition ou d'aggravation des boiteries. » Or, la perte de lait est estimée à 5 % par jour chez une vache atteinte d'une boiterie modérée. La reproduction est aussi altérée, en partie parce que la douleur pénalise l'expression des chaleurs.

Les sols durs, plus ou moins abrasifs, sont donc préjudiciables à une pousse harmonieuse de la boîte cornée. Ainsi, la dureté du béton favorise-t-elle la dissymétrie des onglons. En effet, au niveau des membres postérieurs, le report de poids de la vache est naturellement plus important sur l'onglon externe. Comme le sol n'épouse pas la forme du pied, ils sont davantage sollicités, ce qui accélère la pousse de la corne. L'onglon externe se retrouve alors surélevé. Pour se soulager, les vaches écartent les pattes, créant un déséquilibre qui renforce les risques de lésions. À l'inverse, au niveau des membres antérieurs, c'est l'onglon interne qui supporte le report de charge et les vaches ont tendance à croiser les pattes pour se soulager. Plus le béton est abrasif, plus il agit comme une râpe sur la corne de la muraille et sur le talon. Le pied s'affaisse vers l'arrière et la muraille pousse en longueur plus vite que l'usure. L'abrasivité est aussi propice au phénomène de comblement de la sole, sur le même principe d'une augmentation de la pression sur le pododerme qui stimule la production de corne.

Dès lors, le parage devient indispensable pour restaurer les surfaces portantes des huit onglons. C'est aussi l'occasion d'identifier les lésions et les maladies qui peuvent passer inaperçues à un stade précoce, en l'absence de boiterie clinique. Après les avoir identifiées, il faudra les comprendre et évaluer leur prévalence pour agir sur les bons leviers : l'humidité, la circulation, le confort des logettes, les transitions au tarissement...

PRIVILÉGIER LES TAPIS DANS LES ZONES DE CONTRAINTE

Les dérèglements de la pousse de la corne et le défaut de parage fonctionnel sont par exemple des facteurs de risques d'ouverture de la ligne blanche. Une lésion traumatique qui correspond à la déchirure de cette corne translucide. Des corps étrangers peuvent y pénétrer et provoquer des abcès. Elle est causée par des efforts mécaniques sur des sols irréguliers : « Il faut se représenter la muraille de la corne fixée à l'os du pied, donc de la vache, tandis que la sole plus ou moins comblée, sur des surfaces irrégulières, peut se trouver grippée au sol. Dès lors, tous mouvements de rotation brusques ou les efforts latéraux peuvent provoquer des ouvertures de ligne blanche. C'est une lésion typique des caillebotis et des contraintes exercées en aire d'attente ou derrière le Dac », souligne Yves Debeauvais.

Les bétons rainurés irréguliers favorisent également les ouvertures de ligne blanche, de même que les marches au ras du cornadis ou pour accéder à la salle de traite, ou encore les lots d'animaux importants dans lesquels la compétition pour établir la hiérarchie est permanente. « La prévention vise à supprimer les passages trop étroits et à corriger les irrégularités du sol, idéalement avec des tapis. Mais cela a un coût élevé. Il faut donc les positionner en priorité dans les zones de contraintes fortes, où les bousculades peuvent provoquer des contraintes mécaniques sur les pieds : aire d'attente, entrée du Dac ou du robot, devant l'auge ou l'abreuvoir. Lorsque le troupeau compte plus de 100 têtes, on peut envisager la constitution d'un lot de primipares et de jeunes pour limiter la compétition et le temps passé debout dans l'aire d'attente à la traite. »

PRÉPARER LES GÉNISSES AUX SOLS DURS DEUX MOIS À L'AVANCE

D'une manière générale, toutes les manoeuvres pour se lever et pour se coucher multiplient les risques de blessure. La quiétude des bovins fait donc partie de la prévention : « Un éleveur calme, c'est aussi des vaches calmes et moins de contraintes sur des sols irréguliers. » Il faut en effet garder à l'esprit qu'une vache est faite pour marcher et surtout pour se coucher douze à quatorze heures par jour. Le stationnement debout prolongé en position immobile expose non seulement à un risque accru de contamination des pieds par des maladies infectieuses, mais aussi à des problèmes de circulation sanguine dans le vif des pieds. En station debout, la compression permanente des tissus vivants, entre l'os et la corne de la sole, provoque des congestions de la sole facilement identifiables et plus ou moins douloureuses : hématomes, bleimes, ulcères et cerises. Quand les vaches se déplacent normalement, le sang circule et il n'y a ni hématome ni hémorragie. Les primipares sont particulièrement exposées à la congestion de la sole au moment du vêlage : « Sous l'effet de la relaxine, les ligaments qui suspendent l'os du pied se distendent, comme ceux du bassin. L'os, moins bien suspendu dans le sabot, écrase un peu plus encore le vif de la sole et empêche le sang de circuler. En outre, chez les primipares, les coussinets graisseux qui jouent le rôle d'amortisseur sont moins élastiques, d'où un risque accru de congestion. » Ce risque est d'autant plus important quand les génisses passent d'une aire paillée à un sol dur.

« Il faut prévoir un temps d'adaptation minimum de deux mois. Sauf si les logettes sont très confortables et que les primipares sont entre elles dans un lot spécifique. » Les dérèglements de la corne sont par ailleurs des facteurs de risque aggravants. À l'instar des vaches taries, on veillera donc à ce qu'elles aient les pieds en bon état, par un parage-diagnostic puis fonctionnel deux mois avant leur premier vêlage.

La prévention vise à réduire les stations debout prolongées via une circulation fluide, le confort des logettes et les pratiques d'élevage.

UN CONSEIL : ARRÊTEZ DE CONTRAINDRE VOS VACHES !

Il faut par exemple limiter au maximum le blocage au cornadis : « Si les logettes sont propres et en l'absence de surtraite, il n'y a aucune raison de bloquer les vaches au cornadis. Surtout pas pour leur faire manger du foin. » La ration complète à volonté, avec un bon mélange de la fibre pour éviter le tri, est la mieux adaptée pour laisser aux vaches le soin de gérer elles-mêmes le rythme de leur repas. Contrairement aux idées reçues, ces rougeurs localisées sur la sole n'ont à l'origine rien de nutritionnel. Si l'origine de l'inflammation du vif est nutritionnelle, les lésions sont alors diffuses et visibles sur les huit sabots. C'est le cas de la fourbure subaiguë ou « pied rouge » qui apparaît en situation d'acidose subaiguë : les toxines sont véhiculées par la circulation sanguine jusque dans les pieds, le vif s'enflamme et gonfle, et l'oedème devient visible au niveau du bourrelet de la couronne. Dans cette situation, un grand nombre d'animaux sont touchés, même s'il y a une petite composante individuelle liée au fonctionnement du foie. Les cerclages horizontaux sur la muraille sont des traces laissées par les épisodes de fourbure subaiguë. Ils correspondent à une irrégularité de pousse de la corne pendant la phase d'acidose. Si le dérèglement alimentaire persiste, la maladie évolue vers sa forme chronique, identifiable par une corne fragile, jaune et friable, par de nombreux cerclages horizontaux et une déformation de la muraille qui peut devenir concave.

DANS L'HUMIDITÉ, UN COCKTAIL DE MALADIES INFECTIEUSES

Épisodes de fourbure subaiguë, congestion et sole comblée sont les principaux facteurs de risques d'apparition de la limace : une excroissance de chair entre les onglons, causée par une inflammation chronique de la peau de l'espace interdigité. La génétique peut être un facteur de risque supplémentaire. Une forte prévalence de limace doit amener à surveiller les transitions des taries et des génisses prêtes à vêler. La maladie de Mortellaro, ou dermatite digitée, peut s'installer sur cette excroissance qui devient alors douloureuse. La Mortellaro n'est pas toujours facile à reconnaître. Ses symptômes les plus fréquents sont des rougeurs, cerclées de blanc, sur la peau derrière les onglons. Avec le fourchet et le panaris, elle fait partie des maladies infectieuses du pied provoquées par des bactéries anaérobies normalement présentes dans l'environnement, mais qui se multiplient anormalement, surtout grâce à l'humidité ambiante. Le parage fonctionnel, en remettant le talon loin du sol et en facilitant l'évacuation des déjections via le creux axial, protège davantage le pied des souillures et donc des infections. Car ces bactéries attaquent la corne là où elle est la plus tendre, c'est-à-dire au talon, dont la fragilité est exacerbée lorsque le pied macère en permanence dans l'humidité. Mais elles sont sans effet sur une peau sèche et saine. La ventilation est donc déterminante pour évacuer l'humidité du bâtiment, assécher les sols, et ainsi prévenir et/ou guérir les maladies infectieuses du pied.

Pour être complet, rappelons que le panaris intervient soudainement à la suite d'une blessure, même minime, de la peau de l'espace interdigité. L'inflammation est douloureuse, chaude et enflée. Le panaris se traite souvent sans lever la patte, en associant un anti-infectieux et un antalgique.

Sur béton rainuré, un risque d'usure excessive de la corne. Avec un béton trop rugueux, le risque est l'excès d'abrasion qui se caractérise par le comblement de la sole. C'est le cas sur des bétons neufs (le raclage lissera peu à peu les irrégularités de surface) ou lorsque le rainurage a été fait sur un béton frais (les cailloux remontent alors en surface). Les contraintes sur ces sols irréguliers sont à l'origine de lésions d'ouverture de la ligne blanche.

PHOTO © JÉRÔME PEZON

Sur caillebotis, un enfer pour les pieds. Les reports de charge sur les arêtes et le béton dur et abrasif favorisent les dérèglements de la corne et les ouvertures de ligne blanche. L'humidité induite et les émanations gazeuses irritantes sont sources de maladies infectieuses. Un consensus se dessine : les caillebotis sont à réserver à certaines zones (aires d'attente, d'alimentation, d'exercice...) qui pourraient être équipées de tapis en caoutchouc.

PHOTO © JÉRÔME PEZON

Sur aire paillée, une pousse plus rapide que l'usure. La principale conséquence de ce phénomène est la pousse en longueur de la corne qui va modifier les aplombs. Un parage fonctionnel facile consiste à enlever de la longueur (7,5 cm entre la limite des poils et la pointe de l'onglon) et à rétablir la surface portante. Avec une part importante de pâturage, la mise à l'herbe casse le cercle vicieux de ce dérèglement et la nécessité de parer devra être appréciée au cas par cas.

PHOTO © JÉRÔME PEZON

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,23 €/kg net +0,09
Vaches, charolaises, R= France 7,06 €/kg net +0,07
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
lait UHT et fromage à tartiner

Le bateau laitier de Terrena veut s’arrimer au paquebot Agrial

Eurial

Le marché Spot est en plein doute

Lait Spot

La dégradation de la conjoncture menace le prix du lait

Prix du lait

Tapez un ou plusieurs mots-clés...