Certains organismes de conseil choisissent la concurrence frontale, d'autres préfèrent les partenariats mais tous proposent de nouveaux services pour compenser la baisse du nombre d'élevages.
ENTRE 20 000 ET 30 000 EXPLOITATIONS LAITIÈRES EN 2035, CONTRE PRÈS DE 80 000 AUJOURD'HUI, telles sont les prévisions de l'Institut de l'élevage. Tout dépendra de la politique d'installation plus ou moins volontariste qui sera menée d'ici là. Cette réduction s'accompagnera logiquement d'un accroissement de la taille moyenne des structures : de 900 000 à 1,5 million de litres en zones de plaine. Bien évidemment, cela ne sera pas sans conséquences sur l'environnement professionnel des exploitations laitières.
À commencer par les organismes de conseil. Créés dans la mouvance du développement agricole mutualiste sur un partage des tâches de conseil, tous réfléchissent aujourd'hui à leur positionnement en termes de rayonnement territorial et de propositions de services. « Les exploitations laitières vont évoluer vers des structures plus entreprenariales », estime Serge Bazin, directeur de France Conseil Élevage, la fédération nationale qui regroupe les OCEL (ex-contrôles laitiers). « Même si la compétence des éleveurs augmentent pour gérer ces structures plus complexes, cela ne signifie pas pour autant qu'ils auront besoin de moins de services. C'est tout le contraire. » Face à ces nouveaux défis, des stratégies se mettent en place dans les régions. La plus politiquement correcte est la fusion pour former une seule entité régionale. Les OCEL sont les premiers à enclencher le mouvement. La Mayenne et la Sarthe ouvrent la voie en 2007 pour former le Clasel. Ils sont suivis l'année suivante par le Morbihan, les Côtes-d'Armor et le Finistère qui créent Bretagne Contrôle laitier Ouest.
Depuis, de la Charente-Maritime à la Lorraine, tous les départements du croissant laitier ont opéré des regroupements ou s'y préparent. « Il faut une surface de clientèle suffisante pour financer des compétences technico-économiques de haut niveau capables de renforcer celles des conseillers de terrain et d'intervenir, si besoin, comme experts dans les élevages, décode Serge Bazin. L'investissement dans la recherche et l'innovation nécessite moins une telle démarche. Des partenariats peuvent se construire sans fusion. » Pour preuve, le Projet génétique Ouest lancé il y a dix-huit mois par Amélis et les OCEL de l'Ouest pour encourager le génotypage des femelles dans les élevages et la recherche de nouveaux caractères génomiques liés au métabolisme, à l'efficacité alimentaire et peut-être, à terme, à l'émission de méthane entérique. Là encore, l'envie de vendre du conseil n'est pas loin. « Selon le profil génétique de l'élevage et l'effet du troupeau identifié, il pourrait être possible de décliner un conseil génétique adapté à la stratégie économique de l'éleveur », indique Amélis.
UNE ORIENTATION CONCURRENTIELLE PARFAITEMENT ASSUMÉE
Si la diminution du nombre d'exploitations laitières incite les OCEL à fusionner ou à s'unir, elle les pousse aussi à proposer de nouveaux services pour maintenir leur niveau d'activités, quitte à empiéter sur les plates-bandes du voisin. Une stratégie assumée sans état d'âme. « Que le meilleur gagne ! », n'hésitent-ils pas aujourd'hui à affirmer. L'embauche de vétérinaires, la vente de produits vétérinaires et de matériels d'élevage dans des départements de l'Ouest en sont les parfaits exemples (voir p. 35). « Nous perturbons la relation vétérinaire-éleveur fondée sur une moindre facturation des interventions, compensée par le prix des produits vétérinaires un peu plus élevé, reconnaît Serge Bazin. Néanmoins, en s'attaquant au domaine sanitaire, les OCEL estiment qu'ils peuvent contribuer à abaisser les charges vétérinaires, notamment par la vente de produits moins chers. » Ne risquent-ils pas de perdre en objectivité et neutralité s'ils sont à la fois conseillers et prescripteurs, ce qu'ils ne sont pas dans le domaine alimentaire et qui fait d'ailleurs leur force ? « Le principal objectif est de conseiller les éleveurs sur des pratiques préventives, répond le directeur de FCEL. Et s'ily a prescription, c'est qu'elle répond à un besoin. Malgré tout, il ne faudrait pas que les OCEL deviennent dépendants de cette activité de vente. »
POUR CERTAINS, LA COMPLÉMENTARITÉ PLUTÔT QUE LA CONCURRENCE
L'autre stratégie émergente est la complémentarité entre les organismes. Dans le Pas-de-Calais, citons le partenariat entre Oxygen Conseil Elevage et le réseau de vétérinaires Vét'el (voir p. 36). Dans le Doubs, la chambre d'agriculture, le CER France Doubs et le contrôle laitier proposent une prestation de conseil d'entreprise commune. (p. 38). En Bretagne, Bretagne Contrôle laitier Ouest et Cogedis mettent dans le pot commun leurs données technico-économiques (voir ci-contre). Une collaboration pas vue d'un bon oeil par tous. « Si elle est proposée à Manche Conseil Élevage, nous dégainerons », avertit Jean-Marie Séronie, directeur du CER France Manche (voir aussi p. 33). Centres de gestion comme OCEL, ces structures ont le grand avantage de bénéficier d'une entrée régulière dans les exploitations, les uns par la comptabilité, les autres par le contrôle des performances. Les entreprises en concurrence avec les contrôles laitiers auraient pu parier sur leur affaiblissement via l'arrivée de la génomique. C'était sans compter sur l'émergence de nouveaux caractères de sélection (fragilité aux mammites par exemple) et le besoin de fiabilité des index génétiques que les entreprises de sélection demandent au travers des filles de confirmation. Certes, la baisse du nombre d'élevages va abaisser automatiquement l'activité de contrôle de performances. Avec les indicateurs de conduite du troupeau qu'elle fournit, le développement de la robotisation de la traite aussi. Dès à présent, les OCEL réagissent. Les perspectives qu'offre l'analyse du lait par rayons infrarouges donneront une valeur supplémentaire au contrôle des performances. Ainsi, les OCEL espèrent qu'à partir de 2013, les analyses de routine permettront de vérifier si la vache est gestante ou non et, en amont, de prédire si elle est en capacité d'être fécondée. De quoi fournir aux producteurs laitiers de nouveaux indicateurs d'alerte et de pilotage de leur élevage et... les fidéliser.
La situation est plus compliquée pour les chambres d'agriculture. Tiraillées entre leurs missions consulaires et le besoin de trouver des financements, en plus de l'impôt sur le foncier non bâti qui n'assure que la moitié de leur budget, sauront-elles mener de front ces contradictions ?
Visiblement, la question est tranchée. « Nous avons des atouts. À nous de les faire valoir. Comme chaque organisme de conseil se considère légitime, la compétition est ouverte », estime Christine Marlin, responsable du service conseils de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture. Encore faut-il que les chambres d'agriculture trouvent la clef d'entrée dans les exploitations laitières. En mettant fin aux techniciens de secteur polyvalents et en instaurant la facturation de leurs services, elles ne bénéficient plus de cette relation spontanée qu'elles entretenaient jusque dans les années quatre-vingt-dix. « Nous en sommes conscients, indique Christine Marlin. De même, nous sommes conscients d'être associés à l'application de la réglementation qui est vécue comme une contrainte par les agriculteurs. C'est dommage. Nous avons aussi la capacité d'accompagner les éleveurs dans leur projet d'entreprise, la réduction de leurs consommations énergétiques ou l'organisation de leur travail. » Les chambres espèrent que la reprise des missions des Adasea depuis un an (installation des jeunes) contribuera à retrouver cette entrée naturelle dans les élevages. Elles ont aussi l'intention d'utiliser des concepts plus marketings pour la promotion de leurs compétences et de leurs services. « La mutualisation des services entamée à l'échelle régionale permettra de renforcer la présence des chambres sur le terrain », complète-t-elle. L'objectif est de l'achever d'ici à fin 2012. À moyen terme, il est probable que les pouvoirs publics demanderont leur regroupement régional.
LA MUTATION DES CHAMBRES D'AGRICULTURE
Cette concurrence portera-t-elle également sur la diffusion des références ? L'an passé, l'aide publique pour le financement des réseaux d'élevage, animés par l'Institut d'élevage et les chambres, a baissé de 33 %. Cette année, elle pourrait l'être de 6 %. « Il sera de plus en plus difficile d'être des fournisseurs de références gratuites, estime Christine Marlin, d'autant plus qu'elles sont valorisées par nos concurrents. Il faudra passer un deal avec eux. »
La compétition dans les principaux bassins laitiers ne doit pas occulter les partenariats chambre d'agriculture-contrôle laitier qui existent dans les régions en déprise laitière. Un service que le contrôle laitier seul ne pourrait pas assumer financièrement.
À court terme, cette émulation sera bénéfique pour les éleveurs en terme de qualité de services et de tarifs. À moyen terme, il ne faudrait pas qu'elle soit à leur détriment, en particulier des plus fragiles pour qui l'accompagnement technico-économiquement ne sera pas jugé rentable.
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