SARTHE : QUAND LES OCEL INVESTISSENT LE CHAMP DU SANITAIRE

Quelle relation gardera l'éleveur avec son vétérinaire traitant s'il achète une partie des médicaments ailleurs ? Aura-t-il le même service pour les urgences sur le troupeau ?© CLAUDIUS THIRIET
Quelle relation gardera l'éleveur avec son vétérinaire traitant s'il achète une partie des médicaments ailleurs ? Aura-t-il le même service pour les urgences sur le troupeau ?© CLAUDIUS THIRIET (©)

Embauche de vétérinaires, prescription et délivrance de médicaments et, pourquoi pas, vente d'équipements d'élevage : on est loin du contrôle laitier d'antan. Tout cela au service de l'éleveur mais pas sans grincements de dents.

C'EST UNE TENDANCE QUI FAIT DES ÉMULES, SURTOUT DANS L'OUEST. Les Organismes de conseil en élevage (OCEL), ex-contrôles laitiers, investissent le champ sanitaire. Pour cela, ils embauchent des vétérinaires, certains délivrent même des médicaments dans le cadre d'un agrément PSE (programme sanitaire d'élevage). Cet agrément est délivré pour une période de cinq ans par le préfet de Région. Pour y prétendre, ils doivent, comme tout groupement sollicitant ce type d'agrément, répondre à un cadre réglementaire qui limite leur champ d'actions à la mise en oeuvre, par des vétérinaires, de mesures de prévention au travers d'un suivi régulier des élevages adhérents au PSE et pour une espèce donnée. Les éleveurs peuvent alors se faire délivrer au niveau du groupement, après la prescription faite par ses vétérinaires, les médicaments appartenant à la « liste positive ». Il s'agit par exemple de vermifuges, de vaccins, de traitements préventifs des mammites au tarissement et de certains apports d'oligo-vitamines. Par comparaison, les prérogatives des cabinets vétérinaires sont plus larges puisque sur le plan du médicament, ils ont la capacité de délivrer, au travers des bilans sanitaires d'élevage et des protocoles de soin, l'ensemble des médicaments préventifs et curatifs, pour toutes les espèces. Quoi de plus naturel donc, pour des organismes de conseil qui s'intéressent particulièrement à la qualité du lait et à la nutrition, que de s'intéresser à la prévention sanitaire du troupeau ?

Cette extension des compétences vers la santé animale répond à la demande des éleveurs en attente d'une expertise pointue et d'un service global. Mais elle ne se fait pas sans heurter les habitudes d'interventions dans les élevages et certaines prérogatives, à commencer par celles des vétérinaires libéraux. Comment cela se passe-t-il sur le terrain ? Quels sont les objectifs et les limites des OCEL qui investissent dans le sanitaire ? Nous en avons rencontré un qui embauche des vétérinaires depuis plus de vingt ans et possède un agrément PSE bovin.

CINQ VÉTÉRINAIRES POUR LE PSE SARTHE-MAYENNE

Le contrôle laitier de la Sarthe a toujours eu l'esprit pionnier. Il fut l'un des premiers à déconnecter le conseil de la pesée, au début des années quatre-vingt-dix ; parmi les premiers aussi à mettre en place des groupes technico-économiques permettant aux éleveurs de se comparer entre eux. Après la fusion en 2008 des OCEL de la Sarthe et de la Mayenne, la nouvelle structure, baptisée Clasel, compte aujourd'hui cinq vétérinaires et un PSE agréé en 2009. À Clasel, le vétérinaire peut intervenir soit dans le cadre du PSE pour les éleveurs qui ont choisi d'y adhérer, soit dans le cadre de prestations de conseil au travers d'une ou plusieurs visites annuelles, combinées ou pas dans une formule dite « expert » où sont proposés les services d'autres spécialistes (nutritionniste, expert en robot, etc.). « Il s'agit strictement de vétérinaires conseils et non de praticiens. Dans le cadre du PSE et à l'occasion des visites réalisées par le vétérinaire Clasel chez les adhérents, l'objectif est de définir les mesures zootechniques et médicales préventives qu'il devra mettre en oeuvre afin de diminuer l'impact des problèmes sanitaires sur son troupeau. Ces mesures tiennent compte de lasituation sanitaire du troupeau, des conditions d'élevage (bâtiment, système fourrager) et de la situation épidémiologique du troupeau. Ainsi, les protocoles de vaccination ou les programmes de lutte antiparasitaire sont adaptés au contexte de chacune des exploitations dans lesquelles le PSE est mis en oeuvre. La force de notre structure est d'arriver sur l'élevage en ayant connaissance de son historique et de tous les indicateurs issus du contrôle de performances. Non seulement elles sont à notre disposition, mais nous savons facilement les interpréter », explique Xavier Veillet, directeur adjoint de Clasel. 2 000 membres Clasel (sur un total de 4 000) adhèrent ainsi au PSE dans la Sarthe et dans la Mayenne.

« LA PRESCRIPTION DU MÉDICAMENT EST SECONDAIRE »

C'est ici que la concurrence avec les vétérinaires libéraux peut apparaître frontale. Car ils sont de plus en plus nombreux dans les cabinets ruraux à vouloir investir le champ de la prévention et de l'audit sanitaire. Un service qu'il est parfois difficile de facturer aux éleveurs à son juste prix. La marge sur le médicament vétérinaire peut alors servir à compenser le temps passé sur l'élevage. Les velléités des OCEL d'entrer sur le sanitaire viendraient-elles troubler cette situation ? Et quel bénéfice pour l'éleveur ? Xavier Veillet explique : « Le premier objectif de la démarche PSE, c'est la mise en oeuvre de mesures zootechniques préventives. La prescription du médicament est secondaire. À l'issue de la visite annuelle PSE, nos vétérinaires proposent beaucoup plus d'actions zootechniques ou services experts (bâtiment, contrôle machine à traire, parage, etc.) qu'ils ne prescrivent de médicaments. » « L'objectif n'est pas d'organiser une concurrence sur le médicament qui déstabiliserait les cabinets vétérinaires. Nous savons en tant qu'éleveurs, que ce maillage sanitaire est indispensable à l'élevage français. D'ailleurs, nous ne délivrons pas de médicament pour casser les prix. Nous sommes parfois moins chers, parfois plus chers », poursuit le jeune vice-président de Clasel, Laurent Taupin, éleveur dans la Mayenne. Une position très « politiquement correcte » sur un sujet qui peut être sensible. De toute évidence, les vétérinaires libéraux voient d'un assez mauvais oeil cette portion du chiffre d'affaires qui leur échappe. Quelle relation gardera l'éleveur avec son vétérinaire traitant s'il achète ses vermifuges ailleurs ? Aura-t-il le même service en cas de vêlage difficile ? Après plus de vingt ans de PSE dans la Sarthe, le climat se serait apaisé, chacun ayant trouvé sa place dans ce nouveau décor. C'est peut-être plus tendu dans la Mayenne où le PSE est récent. « Il y a de la placepour tout le monde. Nous n'intervenons pas dans tous les élevages et, au final, le plus important, c'est que l'éleveur choisit et décide. Nous offrons une approche plus préventive que curative, accompagnant aussi les éleveurs qui le souhaitent vers des démarches alternatives : homéopathie, phytothérapie… Diminuer la consommation du médicament, en particulièrement celle des antibiotiques, est un enjeu important pour la filière », explique Laurent Taupin. L'approche globale du troupeau et la prévention sont une voie sanitaire d'avenir, qui complète l'approche des pathologies individuelles. Un nouvel équilibre se dessinerait- il dans l'accompagnement sanitaire des élevages ? « Pour ce qui concerne les interventions de conseil au-delà du PSE, le coeur de notre métier étant en particulier la qualité du lait et la nutrition, le sanitaire s'imposait de fait, tout comme les expertises sur les bâtiments ou sur la machine à traire. Aucun conseiller d'élevage n'est capable de tout connaître. Il nous fallait les compétences pointues de ces experts qui interviennent aussi en appui des conseillers d'élevage et dans le cadre de leur formation continue », explique Laurent Taupin.

DES PRODUITS VALIDÉS TECHNIQUEMENT PAR LE RÉSEAU

Au-delà de la délivrance des médicaments préventifs dans le cadre du PSE, quelques OCEL, dont le Clasel Sarthe- Mayenne, proposent au travers de la gamme San'Elevage, des équipements, notamment des matériels et produits nécessaires à l'élevage des veaux, la santé du pied et de la mamelle, l'hygiène des locaux, etc. Une offre supplémentaire qui s'ajoute à celle des autres distributeurs locaux. Quelle valeur ajoutée pour l'adhérent à l'OCEL ? L'argumentation de Clasel est sans faille. « Là aussi, le but est d'aller jusqu'au bout du conseil et de proposer, au final, le produit ou l'équipement que nous savons fiable et efficace. L'objectif n'est pas de faire du business mais de proposer à un prix compétitif un équipement dont nous avons validé techniquement la qualité grâce à notre réseau d'éleveurs. Nous ne sommes pas des distributeurs relayant les arguments de marketing. Prenez les produits d'hygiène de traite : il existe une multitude de références sur le marché. Ceux que nous proposons sont des produits que nous avons testés et qui ont fait leurs preuves. » Mais le conseiller d'élevage n'aurait-il pas pour mission de proposer ces produits plutôt que ceux des concurrents ? « Les conseillers n'ont pas d'objectif de vente. L'indépendance du conseil est une valeur trop essentielle pour nous et encore une fois, c'est l'éleveur qui décide », insiste Laurent Taupin.

D.G.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Herbe

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