
Le taureau répond à une problématique de gestion de la reproduction. Mais il représente un risque en matière de progrès génétique que le génotypage ne pourra qu'atténuer.
CONFRONTÉS AU RECUL DE LA FÉCONDITÉ et à l'agrandissement des troupeaux, certains éleveurs n'hésitent pas à mettre en service un taureau de monte naturelle. Une solution a priori séduisante pour améliorer la fécondité ou réduire le coût de l'insémination artificielle (IA). D'autant plus qu'il existe très peu de vaches réellement infertiles, c'est-à-dire inaptes à la reproduction. En France, le taux de vaches laitières inséminées est de 71 % en 2014 (70 % en 2009, source : Idèle). Par déduction, la monte naturelle est estimée à 29 %. « Il faut prendre ce chiffre avec précaution, car sur l'ensemble des vaches, un certain nombre n'a tout simplement pas été mis à la reproduction, précise Pascale Le Mézec, de l'Institut de l'élevage.
À titre de comparaison, le taux d'IA est seulement de 11 % en élevage allaitant. Dans ce cas, le recours quasi exclusif à la monte naturelle s'explique en partie par la forte héritabilité de la conformation bouchère. « Dès lors, l'évaluation visuelle du mâle reproducteur donne une bonne idée de la qualité de ses descendants sur ce caractère, précise la chercheuse. À l'inverse, il n'est pas possible d'apprécier a priorila valeur laitière d'un mâle et encore moins celle de caractères fonctionnels très peu héritables. » En raison du hasard de la répartition des gènes, le choix d'un taureau de bonne origine n'offre pas de garantie génétique suffisante et ne peut donc représenter qu'une solution de confort pour rattraper les laitières ou les génisses. « Plus de 20 % des bovins laitiers sont issus de monte naturelle et tous les éleveurs ont eu au moins une femelle rattrapée grâce au taureau de ferme, souligne Bruno Béchet, président de Prim'Holstein France (PHF). Donc, cet aspect de la reproduction peut et doit aussi être une voie de progrès génétique. C'est pourquoi nous sollicitons clairement les entreprises de sélection pour qu'elles ouvrent le génotypage à la voie mâle. Il s'agit d'un juste retour pour les éleveurs qui s'engagent collectivement en transmettant leurs données d'élevage, indispensables à l'indexation génomique. »
Le président de l'association précise néanmoins que cette ouverture doit être réservée à une utilisation intratroupeau, et non en vue de produire et de vendre des doses.
Le génotypage des veaux mâles nés à la ferme est techniquement possible pour toutes les races disposant d'une évaluation génomique. Il est d'ailleurs accessible aux États-Unis, où les CIA pratiquent cependant des tarifs prohibitifs pour se prémunir de la concurrence. En effet, certains éleveurs pourraient s'engouffrer dans la brèche et commercialiser les doses de leurs mâles, sans avoir à supporter le coût de la recherche.
L'INRA DIT OUI À LA TECHNIQUE... APRÈS UNE DÉCISION COLLECTIVE
En charge du système d'indexation, l'Inra souhaite que cette technique soit accessible, mais aussi que la propriété intellectuelle des équations génomiques soit reconnue. Il y a donc sûrement un système de royalties à imaginer, car l'ouverture du génotypage à la voie mâle paraît incontournable. « Nous y sommes favorables, mais ce doit être une décision collective prise au sein d'Eurogenomics, où les populations de référence sont mises en commun », souligne François Desmons, directeur de Gènes Diffusion. Les discussions sont en cours, mais l'initiative pourrait venir d'Allemagne, partenaire d'Eurogenomics sans y adhérer et où il y a déjà eu des ventes aux enchères de mâles génotypés. « Le génotypage n'est pas une demande pressante de nos adhérents, car en matière de stratégie de reproduction, il existe une offre génétique à bas prix (dose à 11 €), la possibilité d'économiser le coût de la pose via l'IPE et une aide à la détection des chaleurs avec les automates et les outils de monitoring. À mon sens, la monte naturelle ne se justifie que pour des génisses en pâture ou des retours. Dans ce cas, l'achat auprès d'éleveurs sélectionneurs de taureaux pleins frères permet de limiter le risque génétique. »
Mais il ne faut pas se leurrer : statistiquement, il y a peu de chances de sortir un champion en élevage, sachant que les CIA génotypent au moins 40 mâles pour n'en retenir qu'un. « Pour des éleveurs, le coût peut rapidement devenir prohibitif et cela va à l'encontre des objectifs de la monte naturelle, souligne Didier Boichard, directeur de recherche à l'Inra. Le progrès se situe davantage dans la possibilité de génotyper les femelles : on pourra alors sélectionner celles qui ont les index les plus élevés, puis les inséminer avec les semences sexées issues des meilleurs taureaux pour assurer le renouvellement et pratiquer le croisement industriel sur les 50 % moins bonnes afin de bénéficier de la plus-value viande. » Dans tous les cas, utiliser un seul taureau reproducteur n'a pas de sens pour accoupler au plus juste la diversité des profils génétiques présents au sein du troupeau.
J.P.
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