
L'efficacité de la matière sèche ingérée est l'une des composantes de la marge brute de l'atelier lait. Elle se prépare dès la naissance de la future laitière et s'entretient tout au long de sa carrière.
L'EFFICACITÉ ALIMENTAIRE TRADUIT LA CAPACITÉ D'UNE VACHE à transformer les kilos de matière sèche ingérée (MSI) en kilos de lait, à travers le ratio : kg de lait produit/kg de MSI. C'est un critère de suivi mois par mois que propose Avenir Conseil Élevage (ACE).
Le calcul est réalisé à partir d'une ingestion théorique. Une estimation plus précise de la MSI est possible en pesant la ration distribuée, puis les refus. Pour intégrer les taux de matière utile au calcul, le lait produit est converti en lait standard à 7 % (38/32), sur le modèle suivant : 30 kg de lait, à 40 de TB et 33 de TP = 30 kg/70 x (40 + 33) = 31,28 kg de lait à 7 %. « C'est un critère important qui permet d'évaluer le bon fonctionnement de la ration et offre des pistes d'investigation au niveau du troupeau, de la qualité du fourrage et des conditions de logement », explique Benoît Verrièle, nutritionniste d'ACE (voir infographie). Dans tous les cas, la recherche de la vache efficace se joue dès la phase d'élevage des génisses.
LES GÉNISSES
FOURRAGE ET CONCENTRÉS MAIS PAS TROP DE LAIT !
« Une vache efficace, c'est un appareil digestif et une mamelle bien développée avec un squelette solide qui lui permet de se mouvoir aisément afin d'exprimer son potentiel », rappelle Olivier Pasquier, responsable méthodes d'Opti-Oxygen. Atteindre cet objectif repose sur une bonne croissance des génisses et sur le développement du rumen et des papilles qui en tapissent la paroi interne. Ce sont elles qui absorbent les nutriments issus des fermentations microbiennes avant de les métaboliser. Ils sont ensuite transférés dans le sang, où ils servent de substrat énergétique à la production de lait et de viande, aux besoins de croissance ou d'entretien. Or, chez le nouveau-né, cette absorption est quasi nulle, il s'agit donc de mettre à sa disposition du foin ou de la paille, du concentré et de l'eau dès la première semaine et renouvelés quotidiennement pour stimuler l'appétit. « La fibre est essentielle pour développer le volume du rumen, donc la capacité d'ingestion de la future laitière, et le concentré pour les papilles ruminales, précise le conseiller. Pour inciter le veau à les consommer, on doit veiller à ne pas distribuer trop de lait, en respectant les programmes d'allaitement. »
Le sevrage intervient lorsque le veau ingère au moins 2,5 kg/jour de concentré. Jusqu'à six mois, on retiendra pour ce dernier une valeur de 17 à 18 % de MAT pour 0,95 à 1 UFL et 115 g de PDI/kg (exemple : 74 % de céréales + 22 % de tourteau de soja + 4 % de minéral de type 7/21/5). « Sur cette base, il est possible de fabriquer son concentré fermier, à condition d'y associer un correcteur sans urée pour les veaux de moins de trois mois qui n'ont pas la capacité de la valoriser. »
Le conseiller met en garde contre les sevrages tardifs à quatre ou cinq mois : « Une alimentation lactée abondante sur une longue période est à l'origine du syndrome de la paroi lisse du rumen qui entraînera par la suite une mauvaise valorisation des aliments. Cela peut fonctionner à condition de rationner le lait à 4 ou 5 l/j au maximum, dans un souci de stimuler l'appétit pour les aliments solides. »
MAINTENIR UNE CROISSANCE SOUTENUE JUSQU'À SIX MOIS
À six mois, le poids de 200 kg doit être atteint pour toutes les races de grand format (prim'holstein, montbéliarde...), quel que soit l'âge au vêlage. « Tout retard de croissance sera perdu et aura des conséquences sur le potentiel de production. Lorsque l'on cherche à obtenir des vaches à fort potentiel, cette croissance soutenue (900 g de GMQ) n'est pas préjudiciable au bon développement de la mamelle. Au contraire, jusqu'à la puberté, il y a un lien entre la croissance et le développement de la mamelle. Les dépôts graisseux dans la mamelle, qui risquent plus tard de pénaliser la production laitière, interviennent au cours de la seconde phase d'élevage ».
Après six mois, l'alimentation dépend de l'âge au vêlage, mais dans tous les cas, les objectifs de croissance sont moindres. D'une part, pour favoriser une meilleure structure de la mamelle et, d'autre part, parce que l'alternance de périodes avec et sans restrictions stimule la production d'hormones de croissance. Pour des vêlages précoces, on visera un GMQ moyen de 750 g. « Plus que le gain de poids, on parle de gain de muscle et de squelette. Pour cela, l'animal a plutôt besoin d'azote et pas trop d'énergie. Si la ration des vaches est distribuée, il est impératif d'en limiter les quantités. »En vêlage à trois ans, les besoins de croissance descendent à 450 g de GMQ. Avec un foin de qualité, on pourra alors travailler sans concentrés. Le parasitisme ne doit pas être négligé : « Un foie douvé perturbe le bilan énergétique, pénalise la croissance et le démarrage en lactation. Or, il n'y a pratiquement pas d'immunité contre ce parasite. La prévention consiste à éviter les zones humides et en dernier recours, un douvicide sera appliqué après un dépistage dans le sang ou par coproscopie. »
Enfin, trois semaines avant la mise-bas, les génisses seront au même régime que les vaches taries en fin de gestation. « Lorsque c'est possible, il est bon d'adapter les génisses aux logettes. Même si ce n'est pas démontré scientifiquement, on favorise ainsi une meilleure fréquentation des logettes et la solidité des membres. »
DÉBUT DE LACTATION
LES REPÈRES D'UNE RATION EFFICACE
En début de lactation, l'efficacité alimentaire est surévaluée, car les vaches puisent dans leurs réserves corporelles. « Les vaches à - 100 jours sont les sentinelles du troupeau, souligne Benoît Verrièle. Ce sont elles qui disent si la ration est efficace, lorsque les repères suivants sont respectés » :
- Le niveau de production : pour un potentiel de 8 000 litres, il doit démarrer au moins à 30 l de lait, pour 9 000 l à 33 l, pour 10 000 l à 36 l et pour 11 000 l à 38 l.
- Le TP : il résulte de la synthèse des PDI de la ration, et non des réserves corporelles. S'il atteint 29 au minimum en été et 30 en hiver, la ration est efficace.
- Le pourcentage de vaches en acétonémie : une ration fonctionne bien si au moins 70 % des vaches sont détectées sans corps cétoniques à un instant T et si 85 % des résultats révèlent l'absence de corps cétonique lors des trois analyses réalisées au cours des cent premiers jours. À ce titre, ACE propose une analyse des corps cétoniques via le dispositif Céto'Détect, et Opti-Oxygen, une analyse du déficit énergétique via le dispositif TEM (taux d'énergie métabolisable).
- Le rapport TB/TP : il doit être compris entre 1,2 et 1,3. Un TB/TP inférieur à 1,2 traduit un risque d'acidose , au-dessus de 1,3, il traduit un risque de sous-alimentation énergétique.
DE LA FIBRE POUR MAÎTRISER LA VITESSE DE TRANSIT
Sur la zone ACE, l'efficacité alimentaire des troupeaux à 9 000 l/VL varie de 1,2 à 1,5, soit un écart de 3 kg de MSI pour un même niveau de production en début de lactation (21 kg, contre 24 kg de MSI). Le manque à gagner chaque année dans un troupeau de 50 vaches se traduit par une surconsommation de 54 t de fourrages, soit 3,5 à 5 ha de maïs selon les rendements ! « On peut retenir comme repère un maximum de 30 g de MSI/kg de poids vif, soit pour une vache de 700 kg une ingestion de 21 kg de MS. Au-delà, le transit est trop rapide, le temps nécessaire à la digestion et à l'absorption des nutriments est insuffisant. L'art de conduire le lot des fraîches vêlées consiste donc à maîtriser la vitesse de transit. » Des repères faciles à observer permettent de rester vigilant : présence d'aliments peu ou pas dégradés dans les bouses ; moins de 60 à 70 % des vaches qui ruminent en dehors des heures de repas, ou encore moins de 50 coups de mâchoire à chaque régurgitation du bol alimentaire. Pour éviter cela, la ration doit comporter au moins 18 % de cellulose, un maximum de 40 % de particules inférieures à 5 mm, de 20 % d'amidon et de 40 % de concentré (200 g/l). « Sinon, le transit s'accélère, la MSI augmente et la ration est mal valorisée. Si la proportion de cellulose est respectée, la paille n'est pas nécessaire. Unepremière coupe d'ensilage d'herbe préfané à 35 % de matière sèche ou un enrubannage répondra à cet enjeu sans déconcentrer la ration. Ceci explique qu'avec des potentiels supérieurs à 8 500 l/VL, le tout-maïs est difficile à maîtriser. »
VISER 35 % DE VACHES À MOINS DE 100 JOURS DE LACTATION
Concrètement, la ration est calée entre 0,95 et 1 UFL/kg de MS pour 100 g de PDI/UF et jusqu'à 110 g de PDI/UF avec le DAC. « Si plus de 75 % des vêlages sont regroupés sur six mois, la ration complète se justifie. En vêlage étalé, on privilégiera la ration semi-complète et le DAC », rappelle le nutritionniste.
Dans les faits, aucune ration ne permet d'atteindre une efficacité globale supérieure à 1,3 avec une forte proportion de vaches en fin de lactation, chez lesquelles la part des nutriments valorisés au profit des besoins d'entretien et de gestation est plus importante. L'objectif est d'avoir en permanence au moins 35 % de vaches à moins de 100 jours. C'est possible grâce à une bonne gestion de la reproduction, en se fixant l'objectif de 1 veau/vache/an. Les dérapages sont souvent la conséquence d'une mauvaise prolificité : le lait est produit avec des vaches vides à faible niveau de production.
MILIEU ET FIN DE LACTATION
LA PROLIFICITÉ CONDITIONNE L'EFFICACITÉ
Après 100 jours, la production se cale théoriquement sur le lait permis par la ration : « En milieu de lactation, tout dépend de la ration, explique Vincent Claisse, nutritionniste ACE. La capacité d'ingestion est en phase avec le potentiel laitier et la production s'adapte au lait permis par les UF et les PDI. On peut alors viser une efficacité alimentaire supérieure à 1,3 kg de lait/kg de MSI. »
On vise une concentration de la ration de 0,93 à 0,95 UF/kg de MS et de 100 g de PDI/UFL, un bon compromis entre production et reproduction. « La ration complète est adaptée lorsqu'il y a une bonne fertilité et des objectifs de production pas trop élevés. En vêlages étalés et avec une proportion importante en début de lactation, la semi-complète ou l'allotement sont mieux adaptés pour piloter l'efficacité alimentaire. »
En fin de lactation, de 250 à 300 jours, les vaches ont besoin de reconstituer leurs réserves. Les mécanismes hormonaux qui se mettent en place (insuline) facilitent le stockage de graisses corporelles, disponibles pour la lactation suivante. « Les vaches sont moins efficaces, mais c'est un passage obligé. Ce n'est pas un problème à partir du moment où elles sont pleines, car c'est ce qui va conditionner l'efficacité en année N+1. » Au tarissement l'objectif est d'atteindre une note d'engraissement de 3 à 3,5 points.
LES VACHES TARIES
UN LIEN ÉTROIT ENTRE EFFICACITÉ ET TARISSEMENT
« Le tarissement est déterminant si l'on veut concilier santé et efficacité laitière en début de lactation, rappelle Jérôme Larcelet, nutritionniste d'Opti-Oxygen. C'est un aspect souvent négligé, surtout au printemps et en été, lorsque les vaches sont "oubliées" en pâture pendant deux mois. »
Le conseiller rappelle que le tarissement est une période de repos pour les membres et pour la mamelle, mais pas pour le rumen. « On doit maintenir le volume et l'activité du rumen, en vue de la lactation à venir. » Tout au long de la période sèche, il s'agit de maintenir un apport de fibres et d'amidon. « Préférer un foin de qualité à la paille. Il est moins encombrant, cela permettra de maximiser l'ingestion en début de lactation. Sachant qu'il faut cinq à six semaines pour reconstituer la flore et jusqu'à douze semaines pour rétablir l'activité des papilles, on évitera toute mise à la diète au foin. Si le niveau de production est élevé, on privilégiera des additifs spécifiques et un obturateur pour couper le lait. »
VIGILANCE SUR LA BALANCE ANIONS/CATIONS
Dans l'idéal, le tarissement se décompose en trois phases.
- Les deux premières semaines, viser une concentration de 0,7 UFL/kg de MS, 50 g de PDI/kg de MS pour une ingestion de 13 à 15 kg de MSI. À titre d'exemple : 8 à 10 kg bruts de maïs, foin à volonté, 500 g de colza, sel et minéral.
- Les quatre semaines suivantes, viser 0,75 UFL/kg de MS et 60 à 65 g de PDI, avec une capacité d'ingestion de 11 à 13 kg de MS. Soit du foin à volonté, 12 à 13 kg bruts de maïs, 1 kg de colza, 100 g de minéraux spécial taries et sel à disposition.
- Deux semaines avant la mise-bas, l'ingestion passe à 9-11 kg de MS et la ration à 0,9 UFL/kg de MS pour 80 à 90 g de PDI. Soit 25 kg de maïs, 2,5 kg de colza, 800 g à 1 kg de céréales et un minéral enrichi en oligo-éléments et vitamines.
« Dans la pratique, il est rarement possible de mettre en place trois lots. Si on ne peut en faire que deux, on privilégiera les deuxième et troisième phases. Si on ne peut en faire qu'un, ce sera la deuxième. » Au pâturage, il faut rationner l'herbe jeune, complétée avec du foin et des céréales comme source d'amidon. Pour finir, le conseiller recommande d'utiliser la ration des laitières avec prudence : « Gare aux quantités de fourrages à fort pouvoir tampon comme la luzerne (supérieures à 2 kg) et surtout au bicarbonate de sodium. Ils induisent une balance anions/cations élevée (BACA), à l'origine de fièvre de lait. L'objectif est une BACA négative ou proche de 0 au cours des quinze derniers jours du tarissement. Le chlorure de magnésium est un complément pas cher qui peut apporter une sécurité en faisant baisser la BACA, avec une action sur la tonicité musculaire pour prévenir la non-délivrance. »
J.P.
On peut retenir comme repère un maximum de 30 g de matière sèche ingérée/kg de poids vif, soit 21 kg de MS pour une vache de 700 kg. Au-dessus de ce seuil, le transit est trop rapide ! © SÉBASTIEN CHAMPION
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