
Embaucher ne s'improvise pas. La liste des règles à respecter peut de prime abord rebuter. Mieux vaut voir en elles un cadre qui jette les bases d'une bonne relation entre l'employeur et la ou le salarié(e). Elles obligent aussi à améliorer la sécurité sur l'exploitation et, par ricochet, celle de l'éleveur.
VOTRE DÉCISION EST PRISE : VOUS ALLEZ EMBAUCHER un salarié pour vous soulager dans votre travail, avoir un emploi du temps libéré de la traite, accompagner le développement de l'exploitation, etc. Mais pour quel type de poste et quel temps de travail ? Souhaitez-vous un simple exécutant de tâches, ou un salarié capable de vous seconder, voire de vous remplacer? Dans la conduite du troupeau ou des cultures? Un salarié polyvalent ? De même, souhaitez-vous un salarié à temps plein ou partiel ? « Ce sont autant de points qu'il faut éclaircir avant d'entreprendre une démarche d'embauche, estime Valérie Mondher, responsable du service "main-d'oeuvre" de la FNSEA Seine-Maritime. Définir le poste en amont permet de formuler ce que l'on attend du futur salarié lors de l'entretien d'embauche. De son côté, le candidat pourra identifier si ses compétences sont en adéquation avec les tâches demandées. De même, bien définir le temps de travail évite de s'apercevoir après coup qu'il est plus que suffisant par rapport aux besoins. Le réduire ne pourra se faire qu'en accord avec le salarié. »
Pour éviter ces erreurs, le service « main-d'oeuvre » de la FNSEA 76, comme d'autres, met à disposition des fiches de définition de postes. Elles aident à mieux identifier les besoins, les compétences nécessaires et la rémunération qui va avec. Dans les départements existent des conventions collectives qui donnent des minima de rémunération en fonction des tâches demandées. Ainsi, le barème de Seine-Maritime se décline en quatre niveaux, le plus bas fixé au Smic à 9,53 € brut par heure, le plus haut à 11,51 €. « Si plusieurs salariés avec plusieurs niveaux de responsabilité travaillent sur l'exploitation, l'élaboration d'une fiche de poste pour chaque salarié permettra de justifier les différentes rémunérations », complète Sophie Marçot, du BTPL. Une fois cette étape indispensable franchie, l'employeur rentre dans les dispositifs administratifs et de sécurité qui régissent sa relation avec le salarié.
À L'EMBAUCHE, ENVOYER LA DÉCLARATION PRÉALABLE
Il faut envoyer la déclaration préalable à la MSA au plus tôt huit jours avant l'embauche par lettre recommandée avec avis de réception ou, au plus tard, quelques heures avant par internet ou par télécopie. « Contrairement à ce que pensent souvent les éleveurs, la déclaration préalable à l'embauche n'a pas valeur de contrat de travail. Elle déclenche uniquement l'enregistrement du salarié auprès de la MSA, la caisse de retraite et la médecine du travail. L'éleveur y fait en particulier une demande de visite médicale d'embauche. » Il faut donc dans la foulée qu'employeur et salarié signent un contrat de travail (voir ci-contre).
APRÈS L'EMBAUCHE, DES POINTS-CLÉS À RESPECTER
- Le registre unique du personnel : dans ce registre sont inscrits l'identité des salariés, la date à laquelle ils sont embauchés et leur date de départ, et les types de contrats. Même si l'entreprise emploie seulement une personne, elle a l'obligation d'en tenir un. En cas de contrôle, l'inspection du travail ou la MSA peuvent ainsi s'assurer qu'il n'y a pas de travail dissimulé sur l'exploitation.
- Le registre horaire : « C'est un document important. En cas de litiges avec le salarié sur les heures payées, ce document sert de preuve, y compris devant les instances prud'homales », indique Valérie Mondher. Il consiste en l'enregistrement journalier des heures de travail. « Dans les petites entreprises, la relation employeur-salarié repose dans la majorité des cas sur la confiance. L'enregistrement des heures peut être effectué par le salarié », suggère-t-elle.
- Evaluer les risques : c'est obligatoire depuis 2007 via le document unique d'évaluation des risques. Il doit être mis à jour tous les ans. L'employeur identifie les risques sur son exploitation et y apporte une solution par des mesures de prévention adéquates, y compris grâce à des équipements de protection individuelle (chaussures de sécurité, gants, tablier et masque lors des traitements phytosanitaires, etc.). La réglementation autorise l'autodiagnostic. « C'est un bon moyen de s'approprier la démarche et d'en tirer un bénéfice pour le salarié, mais aussi pour l'éleveur lui-même. L'idéal est de réaliser cette évaluation avec le salarié qui apporte un oeil neuf. Habitué à son environnement, le producteur n'a plus forcément un regard critique sur ses équipements et son organisation de travail », explique-t-elle.
La FNSEA 76 a établi des fiches d'autodiagnostic par atelier sur l'exploitation. Pour les bovins lait, elle recense vingt tâches (traite, vêlages, traitements phytosanitaires, stockage des déjections, etc.) qu'elle décortique. « Si certaines mesures préventives, comme le port du masque lors des traitements phytosanitaires, rencontrent la réticence du salarié, l'employeur peut être amené à lui adresser une lettre d'avertissement. Cette démarche n'est pas évidente dans les petites structures, mais le salarié doit aussi comprendre que l'employeur est soumis à des obligations. En cas d'accidents, il est jugé responsable. »
L'évaluation des risques concerne les accidents mais aussi la santé du salarié : troubles musculo-squelettiques, maux de dos, contamination par les pesticides.
Si le(a) salarié(e) est embauché(e) pour la traite et les soins des veaux, sans doute faudra-t-il entamer une réflexion autour de la traite (hauteur de quais adaptée, voir L'Eleveur laitier n° 224, p. 64) et du port de charges.
- Contrôler les équipements : appareils de levage (télescopique et chargeur frontal en particulier), transmissions à cardan, extincteurs, installations électriques et pulvérisateurs sont contrôlés régulièrement. Pour les premiers matériels, c'est tous les six mois. On peut faire appel à un organisme agréé ou une personne habilitée (par exemple, un salarié du réseau Cuma formé à cet effet). Dans certains départements comme la Manche, la chambre d'agriculture délivre une formation aux agriculteurs qui leur permet ensuite de vérifier eux-mêmes ces matériels. Elle présente la réglementation afférente et la façon de procéder concrètement aux contrôles.
Le contrôle du pulvérisateur, lui, s'effectue tous les cinq ans par une structure (Cuma, concessionnaire de matériel, etc.) qui a reçu l'agrément national. Pour les autres équipements, il est effectué une fois par an avec une personne qualifiée ou un organisme agréé. Les extincteurs peuvent être vérifiés par l'installateur s'il est habilité. Bien conserver toutes ces attestations ou les documents de contrôle.
- Tenir un registre médical : pour les salariés non saisonniers, à la visite médicale d'embauche qui est effectuée en principe dans les 90 premiers jours, une fiche médicale d'aptitude au poste de travail est remise en double exemplaire. L'employeur doit en conserver un. Le salarié est convoqué par la médecine du travail de la MSA tous les 24 à 48 mois, selon la périodicité qui sera définie. « Il revient à l'employeur de s'assurer que les visites médicales ont bien lieu selon la fréquence établie. » À chaque fois, un exemplaire de la fiche d'aptitude lui sera remis qu'il archivera, tout comme les documents médicaux relatifs à des problèmes de santé spécifiques s'il y en a.
- La déclaration de salaire trimestrielle : au plus tard le 10 du mois qui suit le trimestre, l'employeur envoie à la MSA la déclaration complétée notamment du nombre d'heures et la rémunération du salarié. La MSA peut ainsi calculer le montant des cotisations sociales relatives au trimestre concerné. Si l'éleveur recourt à un prestataire (centre de gestion, service « main-d'oeuvre » du syndicat départemental, etc.) pour établir le bulletin de salaire, ce dernier assure également ce service.
- Du nouveau dans la formation : jusqu'à présent, dans les entreprises agricoles, la réglementation suggérait un entretien de deuxième partie de carrière avec le salarié (même si un entretien annuel est indispensable). À compter du 1er janvier 2015, un entretien professionnel tous les deux ans est obligatoire. Il ne portera pas sur l'évaluation du travail du salarié, mais sur ses perspectives d'évolution et de formation professionnelles. Sur cette base, un état des lieux sera fait tous les six ans. C'est ce qu'a entériné la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. « D'une obligation de payer par des versements de cotisations, les entreprises passent à une obligation de former les salariés, traduit Étienne Lanoy, du Fafsea Normandie en charge de la formation des salariés. Le législateur demande à l'employeur de favoriser l'adaptation du salarié à son poste de travail etde faire évoluer sa compétence. »
La création du compte personnel de formation en est le principal levier. Le 1er janvier, il remplacera le dispositif de droit individuel à la formation. Il sera activé à l'initiative du salarié. La formation pourra se réaliser en totalité hors du temps de travail, sans allocation versée par l'employeur. Si c'est pendant le travail, ce dernier donnera son accord (frais pris en charge par le Fafsea). Et elle doit être certifiante, qualifiante et/ou diplômante. « Ce grand principe acté, il reste à en connaître les modalités avec la sortie des décrets d'application. »
À METTRE À LA DISPOSITION DU SALARIÉ
- Un local : embaucher un salarié rime avec mise à sa disposition d'un local équipé d'un vestiaire pour y déposer les vêtements, cotes de travail, bottes, chaussures, etc., des toilettes et une douche si le salarié réalise les traitements phytosanitaires. S'il ne déjeune pas avec vous, l'idéal est qu'il puisse disposer d'un coin cuisine. En d'autres termes, il ne faut pas hésiter à investir dans des conditions de travail confortables. Elles sont l'une des clés de la motivation du salarié.
- Des affichages : « Généralement, dans ce local sont affichés un certain nombre d'informations obligatoires », indique Valérie Mondher. Et la responsable du service « main-d'oeuvre » de détailler : « Horaires de travail, congés, numéros de secours, inspection et médecine du travail, lutte contre les discrimations raciales et hommes-femmes, lutte contre le harcèlement moral et sexuel, convention collective, règles antitabac, consignes incendies, mais aussi où trouver la convention collective et le document unique d'évaluation des risques. »
ET SI LE COURANT NE PASSE PAS ?
Si, malheureusement, la collaboration est un échec avec la volonté d'y mettre fin, l'employeur engage une procédure de licenciement pour motif personnel. La loi prévoit un entretien préalable avec le salarié. Ce dernier doit recevoir au moins cinq jours avant l'entretien, une convocation en mains propres ou par courrier sous pli recommandé avec accusé de réception. Dans la foulée et au plus tôt le troisième jour ouvrable suivant l'entretien, l'employeur enverra une lettre de notification de licenciement, toujours sous pli recommandé avec accusé de réception.
Valérie Mondher, en charge du service « main-d'oeuvre » à la FNSEA de Seine-Maritime : « Avant d'embaucher, il faut bien définir le poste du futur salarié. »
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