LE POIDS DES ANNUITÉS OBLIGE À GÉRER EN CHEF D'ENTREPRISE

Les grands troupeaux ont des systèmes de production plus intensifs et donc plus coûteux.© SÉBASTIEN CHAMPION
Les grands troupeaux ont des systèmes de production plus intensifs et donc plus coûteux.© SÉBASTIEN CHAMPION (©)

Les troupeaux de plus de cent vaches affichent un coût de production supérieur à la moyenne mais ils dégagent plus de 3 300 € de revenu supplémentaire par UTH.

SI L'ON DÉFINIT LES GRANDS TROUPEAUX COMME CEUX QUI DÉPASSENT LE SEUIL DE CENT VACHES, ils représentent, en 2013, 9 % des élevages laitiers spécialisés de Cogédis-Fidéor. Et cette proportion augmente rapidement. Ils comptent en moyenne 119 vaches pour une production de 831 000 l de lait avec 3 UTH. La comparaison de leurs résultats technico-économiques avec la moyenne est intéressante, pourvu qu'elle fasse le tour des indicateurs, sans se limiter au seul coût de production ramené au volume. Et il ne faut pas oublier que dans ce groupe qui se développe rapidement, beaucoup se sont regroupés et ont investi récemment. Ceci explique un niveau de charges de structure supérieur qui est plus lié à leur évolution qu'à leur taille.

De plus, les grands troupeaux issus de regroupements disposent généralement de parcellaires éclatés moins propices au pâturage. La ration s'appuie logiquement sur davantage de fourrages conservés, ce qui est plus coûteux.

DES COÛTS DE PRODUCTION DE FOURRAGES INFÉRIEURS POUR LES GRANDS TROUPEAUX

À 345,50 €/1 000 l, le coût de production des grands troupeaux dépasse celui de la moyenne (337,10 €). Mais il n'a progressé que de 5 € dans ce groupe en 2013 contre une hausse de 17 € chez les autres. « L'année a été assez défavorable pour la production de fourrages, explique Emmanuel Etesse, qui a analysé les chiffres des élevages laitiers spécialisés de Cogédis-Fidéor. L'impact s'est avéré moins marqué sur les grands élevages, déjà intensifs, que sur les systèmes classiques qui ont dû augmenter leurs achats. » Dans le détail, on constate que les coûts de production des fourrages sont inférieurs dans les grands troupeaux, ce qui traduit des économies d'échelle. Mais ces élevages consomment davantage de concentrés. Ils se révèlent donc plus sensibles à la volatilité des prix des matières premières. Les coûts vétérinaires et les frais d'élevage sont équivalents dans les deux groupes.

Les charges de structure sont légèrement plus élevées dans les grands troupeaux, notamment pour les amortissements de bâtiments (18,20 €/1 000 l contre 16,70 €) et sur le poste des intérêts à long et moyen termes (12,90 € contre 10,90 €). Mais les charges de mécanisation sont mieux maîtrisées (35,70 € contre 36,70 €) et les charges sociales sont inférieures (13,90 € contre 16,10 €). Sur le dernier exercice, les grands troupeaux ont réduit le poids des charges de structure dans le coût de production. Ceci est directement lié à l'augmentation du volume de lait livré. Il est passé de 839 150 l à 875 340 l (+ 36 190 l) quand la moyenne des élevages montait de 397 650 l à 421 360 l (+ 23 710 l). Les charges fixes se trouvent donc diluées, ce qui favorise une baisse du coût de production. La conjoncture a incité les laiteries à donner plus de marges de hausses des livraisons. Les grands troupeaux se saisissent davantage de cette opportunité, notamment parce qu'ils disposent d'un outil de production capable de réagir rapidement à cette demande.

RAISONNER EN TERMES DE PRODUCTIVITÉ

Les grands troupeaux se caractérisent par un volume de lait livré par UTH supérieur qui permet de dégager davantage de revenu par personne. Un écart non négligeable de 3 330 € en 2013-2014. Il était du même niveau sur l'exercice précédent. Ces élevages disposent donc d'une meilleure capacité à constituer des réserves en vue d'une dégradation de la conjoncture à laquelle ils sont aussi plus exposés.

Là aussi, il s'agit du résultat des économies d'échelle permises par l'agrandissement.

« L'analyse des résultats se fait de manière différente pour les grands troupeaux », précise Guy Lemercier, directeur du marketing et de la communication chez Cogédis-Fidéor. Certes, le coût de production et le point d'équilibre sont des indicateurs indispensables quelle que soit la taille pour juger de la rentabilité et de la trésorerie. Mais les grands troupeaux doivent raisonner aussi en termes de productivité. « Quand on investit, il est nécessaire de saturer les moyens de production pour être rentable. » Et c'est généralement ce que font ces éleveurs. Ils suivent un raisonnement financier, connaissent le prix d'équilibre qui permet de faire face aux engagements, dans une approche prévisionnelle.

IDENTIFIER UN PROJET CLAIR

La productivité du travail est le critère majeur de rentabilité de la main-d'oeuvre. Quand elle augmente, l'exploitation dispose de plus de marge, à condition que l'organisation suive. Le poids des annuités oblige à trouver un pilotage pointu. Et ils ont intégré l'idée que quand le prix du lait baisse, réduire les volumes livrés risque de faire exploser leur coût de production. « L'enjeu est de diluer les charges de structure, mais pas seulement. Le troupeau a une certaine inertie. Si l'on diminue ponctuellement sa production, il faut un certain temps pour la relancer ensuite. Il existe un fragile équilibre entre la ration, la santé et la production. On ne peut pas tout bouleverser pour des raisons conjoncturelles, surtout avec un grand troupeau, l'éleveur a moins de marge de manoeuvre », souligne Guy Lemercier.

Par ailleurs, il existe une plus grande spécialisation des personnes sur les grands élevages. Or, l'expertise d'un associé dans les productions végétales, par exemple, est clairement un atout pour l'atelier laitier. C'est ce qui explique que les coûts du maïs soient plus faibles avec des rendements plus élevés dans les grands troupeaux.

On observe le même phénomène pour l'élevage des génisses, par exemple. D'une manière générale, la spécialisation permet à chacun d'être plus performant parce qu'il choisit un domaine qui lui plaît et dans lequel il se professionnalise. En moyenne, les grands troupeaux ont donc un niveau de performances supérieur, ce qui constitue un atout.

LES CLÉS DE LA RÉUSSITE SONT DIFFÉRENTES

De plus, lors des périodes de pointe de travail dans les champs, la surveillance du troupeau n'est pas pénalisée comme elle peut l'être sur les élevages plus petits. Sur les exploitations plus petites et plus diversifiées, les éleveurs sont amenés à s'occuper de tout et il est difficile d'être performant partout. « Dans ce domaine, l'enjeu est de savoir jusqu'où va la spécialisation. Car les différentes personnes doivent aussi être suffisamment polyvalentes pour pouvoir se remplacer. »

Autre atout majeur des grands troupeaux, ils ont déjà réfléchi à leur stratégie pour l'après-quotas et ils ont engagé les moyens pour la suivre. Le choix de se regrouper et d'investir a été soupesé, la résistance en cas de crise a été évaluée. Cette réflexion se fonde d'abord sur les objectifs des associés, qui doivent être partagés. Plusieurs scénarios sont ensuite envisagés et chiffrés. Les éleveurs qui ont passé ce stade sont mieux armés pour réagir aux aléas sans perte de temps. De plus, le fait de partager les responsabilités et les projets et d'organiser le travail de manière à se libérer du temps libre donne davantage de sérénité. Disposer d'un outil de production récent constitue un autre point fort, en termes d'efficacité et de confort de travail bien sûr, mais aussi parce que ces bâtiments sont conçus pour être évolutifs. Ils ouvrent donc des opportunités pour des coûts faibles. « On peut donc supposer que l'écart de revenu par UTH va s'accroître avec le temps, au bénéfice des grands troupeaux. Reste que l'agrandissement n'est pas une fin en soi, l'essentiel est de maîtriser son système quelle que soit sa taille. »

Malgré ces points positifs, l'agrandissement ne saurait garantir le succès à lui seul. « Les clés de la réussite sont différentes et se situent à plusieurs niveaux. » Il est nécessaire d'être pointu dans chaque domaine, aussi bien technique que financier. Car les dérapages sont plus lourds de conséquences quand la taille du troupeau augmente. L'organisation du travail et la communication sont indispensables à l'efficacité. Cela est encore plus vrai en présence de salariés. Il s'agit de compétences nouvelles que les éleveurs doivent acquérir.

Guy Lemercier souligne aussi que les banquiers ont bien identifié ces clés. Ils accorderont leur confiance d'autant plus facilement que les éleveurs sauront leur montrer qu'ils ont construit leur projet et acquis cette dimension d'entrepreneur rendue nécessaire par les enjeux financiers.

PASCALE LE CANN.

« La spécialisation des personnes permet d'atteindre un niveau de performance supérieur », explique Guy Lemercier.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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