Comme d'autres régions françaises, Rhône-Alpes s'interroge sur les moyens de sécuriser durablement les systèmes alimentaires face aux aléas climatiques et économiques.
DEPUIS 2003, EN RHÔNE-ALPES, AGRICULTEURS ET TECHNICIENS doivent s'adapter aux modifications climatiques. « Nous ne nous laissons plus surprendre par les sécheresses estivales, explique Jean-Philippe Goron, du contrôle laitier de l'Isère.
Quasiment tous les ans, en juin, une cellule départementale “sécheresse” se met en place. Nous nous sommes habitués à communiquer avec les éleveurs sur les façons de s'en sortir à court terme, en récoltant un maïs qui va sécher vite, en examinant les alternatives en terme de coproduits ou en envisageant la culture de dérobée à l'automne. » Dans cette région où 60 % du lait sont produits en montagne (le plus souvent sans AOC), des travaux ont également été engagés pour sécuriser les ressources fourragères : utilisation des céréales immatures et de méteil comme alternatives au maïs-ensilage, développement de la luzerne, source de protéines et de fourrages, mise en place de mélanges prairiaux mieux adaptés aux conditions séchantes (voir encadré). Ce travail, réalisé avec les partenaires de la filière laitière régionale dans le cadre du Pep bovins lait(1)Quasiment tous les ans, en juin, une cellule départementale “sécheresse” se met en place. Nous nous sommes habitués à communiquer avec les éleveurs sur les façons de s'en sortir à court terme, en récoltant un maïs qui va sécher vite, en examinant les alternatives en terme de coproduits ou en envisageant la culture de dérobée à l'automne. , a permis de faire progresser les connaissances et les préconisations.
« Sur le méteil, précise Jean Philippe Goron, on est allé chercher la protéine alors que l'intérêt des mélanges céréales-protéagineux réside d'abord dans le volume.
Aujourd'hui, nous conseillons des mélanges constitués de blé, de triticale, d'avoine et de vesce, bon compromis entre rendement et qualité du fourrage. Nous incitons les agriculteurs à commencer doucement pour faire leur expérience, en gardant à l'esprit que les résultats varieront selon la valeur des sols et les années climatiques. »
Compte tenu de la flambée du cours des matières premières depuis 2008 (engrais, céréales, tourteaux, gasoil), de la conjoncture laitière incertaine et des accidents climatiques de plus en plus fréquents, piloter à court terme ne suffit plus.
À l'exception de 2007 et de 2010, plusieurs années de sécheresse successives débutant dès le printemps ont pénalisé les revenus et fragilisé le fonctionnement global des exploitations rhônalpines.
SUIVI D'UNE VINGTAINE DE FERMES À LA LIMITE DE L'AUTONOMIE FOURRAGÈRE
Dans ce contexte, il faut s'interroger plus globalement : comment être plus autonome en fourrages ? Quels sont les bons niveaux d'intensification selon les territoires et les filières ?
Selon les cas, vaut-il mieux privilégier l'autonomie à l'échelle de l'exploitation ou à l'échelle d'une zone géographique ?
Pour aider les éleveurs à répondre à ces questions, un suivi d'une vingtaine de fermes à la limite de l'autonomie fourragère a été lancé en 2008 dans des zones pédoclimatiques différentes de l'Isère, Savoie, Drôme et Ardèche. Il s'agit d'identifier les pratiques utilisées par les éleveurs pour assurer la meilleure cohérence possible entre le troupeau et les ressources fourragères : agrandissement de surface ou intensification, développement du pâturage ou des stocks, introduction de cultures dérobées et de céréales immatures, irrigation, achat d'aliments…
Ces stratégies ont-elles induit de nouvelles contraintes de travail ? Dans quelles conditions sont-elles reproductibles ?
UNE PALETTE DE LEVIERS PLUS OU MOINS LARGE SELON LES CAS
Les premières observations de l'enquête confirment que la palette de leviers possibles est plus ou moins large selon les profils d'élevage. En zone de montagne et en système tout herbe avec un cahier des charges AOC/IGP ou bio, ils se réduisent d'autant plus que l'altitude est élevée. Dans ces exploitations de Savoie, du Vercors ou du Pilat, généralement de dimensions modestes, les adaptations se limitent à une meilleure valorisation de l'herbe des prairies naturelles, à un recours à l'estive ou à la pension dans d'autres zones en hiver.
En zone de montagne tout herbe, sans cahier des charges, avec peu ou pas de céréales produites et un prix du lait industriel, les recours possibles vont de l'adaptation de la fertilisation azotée ou du semis de prairies temporaires à l'implantation de méteil et de céréales immatures. « Dans l'Isère, note l'animateur du Pep bovins lait, les achats de coproduits (corn-gluten, drèches…) qui avaient disparu du fait de l'agrandissement des exploitations se développent à nouveau. L'idéal serait d'en avoir en permanence dans les rations pour éviter les à-coups. La contractualisation avec des céréaliers de la plaine, pratique bien implantée dans la Loire, permettrait par ailleurs de sécuriser dans les élevages une partie des approvisionnements. » En zone de piémont et de coteaux en système maïs-herbe- céréales avec ou sans irrigation (Isère, Drôme), les élevages sont d'autant plus fragiles que leur système est intensif par rapport au potentiel agronomique de leurs zones. Malgré tout, c'est dans ces régions que les leviers d'adaptation sont les plus nombreux : utilisation des dérobées annuelles, valorisation des céréales et du maïs, recours à l'irrigation (limité toutefois dans certains cas).
LES FREINS À L'ADAPTATION PEUVENT ÊTRE MULTIPLES
La situation économique et financière des exploitations influence les stratégies adoptées. Dans un contexte de lait pas cher, un éleveur dont le bâtiment est amorti pourra plus facilement s'adapter à un contexte climatique difficile en vendant des génisses prêtes, en réformant précocement des vaches ou en baissant son niveau de production. Des éleveurs plus endettés ou plus intensifs chercheront davantage à faire leur quota et à maintenir leur chiffre d'affaires.
L'environnement des élevages et le contexte réglementaire peuvent également constituer des freins à l'adaptation En limitant les stratégies d'extensification, la pression foncière liée à l'urbanisation des vallées peut ainsi réduire les marges de manoeuvre des éleveurs.
C'est le cas de certains secteurs de Haute-Savoie. Ailleurs, les disponibilités en eau, la surcharge de travail, les rigidités introduites par la Pac (chargement minimum pour l'octroi de PHAE ou de l'ICHN), ou l'augmentation du coût des intrants (céréales, concentrés) peuvent limiter les choix.
(1) Pôle d'expérimentation et de progrès constitué avec les chambres agriculture, les contrôles laitiers, les GDS, le Criel, les coopératives d'insémination, les centres de formation régionaux, Corabio, l'Institut de l'élevage et Arvalis.
Votre email professionnel est utilisé par les sociétés du groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters
et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici.
Consultez notre politique de confidentialité
pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits.
Notre service client est à votre disposition par mail : serviceclients@ngpa.fr.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
FCO : le Grand Ouest en première ligne
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou