
Les difficultés réglementaires et les pressions environnementales rendent plus difficile la création de retenues collinaires et la pratique de l'irrigation.
DANS LA LOIRE, LA RADICALISATION DE LA NOTION de « cours d'eau » remet en cause la politique de stockage de l'eau menée avec succès ces trente dernières années. À l'instar de l'Aveyron ou de l'Ardèche, ce département de polyculture-élevage a développé un tissu de 450 petites retenues collinaires d'une capacité de 1 000 à 30 000 m3DANS LA LOIRE, LA RADICALISATION DE LA NOTION. Elles permettent de sécuriser l'alimentation des troupeaux en zone séchante, ainsi que le maintien des cultures fruitières et légumières, activités de diversification.
Or, alors que le Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) Loire- Bretagne interdit de faire des retenues sur les « cours d'eau », la police de l'eau a tendance à généraliser cette notion à tout écoulement. « Une rase ou un lit marqué suffisent à rendre impossible la création d'une retenue sous le régime de déclaration (le plus simple) (1), s'inquiète Bernard Rivoire, spécialiste hydraulique à la chambre d'agriculture de la Loire, coauteur du Guide national du stockage de l'eau. Alors qu'il y a une quinzaine d'années, on tenait compte de l'importance du bassin-versant (100 ha minimum) et de son régime hydrique pour classer un écoulement en “cours d'eau”, aujourd'hui, dix petits hectares suffisent. »
Une radicalisation dont le Gaec de Chalissant, à Crémeaux (Loire), craint de faire les frais. « Jamais nous n'aurions imaginé qu'un fossé d'écoulement de drainage soit classé en “cours d'eau”, déplorent David, Jean-Pierre et Marie-France Cohas, producteurs de lait et de viande dans les monts du Forez. C'est d'autant plus dur que ce fossé d'assainissement n'existait pas il y a quinze ans. C'est nous qui l'avons créé pour écouler l'eau de petites zones drainées dans des parcelles en amont. »
« QUE FERAIT-ON À NOUVEAU CONFRONTÉS À UNE SÉCHERESSE ? »
Dans un contexte séchant, les trois associés souhaitaient améliorer l'autonomie en fourrages et le revenu de leur exploitation. « Avec 300 000 l de lait et 46 vaches charolaises sur 110 ha, dont 70 ha non mécanisables, nous sommes déjà chargés. Alors que localement, les possibilités de s'agrandir sont limitées, la conjoncture laitière nous incite à produire plus de lait d'été mieux rémunéré. » La retenue devait être aménagée en contrebas des bâtiments dans un site idéalement situé, entouré de 20 ha potentiellement irrigables. Alimenté par l'eau ruisselant sur un bassin-versant de 70 ha, l'ouvrage présentait une capacité de 30 000 m3Avec 300 000 l de lait et 46 vaches charolaises sur 110 ha, dont 70 ha non mécanisables, nous sommes déjà chargés. Alors que localement, les possibilités de s'agrandir sont limitées, la conjoncture laitière nous incite à produire plus de lait d'été mieux rémunéré. . De quoi arroser un peu de maïs, culture qui avait disparu de l'exploitation compte tenu des trop faibles rendements et davantage de pâtures avec des mélanges appropriés et de qualité. L'investissement avait été évalué à 120 000 € maximum (dont 50 % subventionnables par le Conseil général) auxquels s'ajoutaient 40 000 € de matériel d'irrigation.
Les deux très grosses sécheresses subies en 1997 et 2003 ont convaincu les trois associés à sécuriser une partie de l'alimentation de leur troupeau.
« Si on devait être confrontés à nouveau à une grosse sécheresse, que ferait-on ?, s'interroge Jean-Pierre Cohas. La luzerne déshydratée, qui nous a permis de faire du lait en 2003, est introuvable aujourd'hui. Les prix des aliments issus d'amidonnerie, tels que le son de blé, sont hors de prix. Avec la paille à 100 € rendue ferme ces temps-ci, je ne sais pas où on va. Notreprojet de stockage de l'eau est aujourd'hui remis en cause par l'administration. Le courrier reçu une semaine après le passage de la police de l'eau explique en effet que “la retenue n'est pas possible car elle est placée sur un cours d'eau”. Contester cette décision auprès du tribunal administratif serait possible mais, outre des frais importants, il faudrait s'engager dans une procédure judiciaire longue et à l'issue incertaine. »
LA DIFFICILE INTERPRÉTATION DES TEXTES
La perspective de passer en régime d'autorisation ne tente pas non plus les agriculteurs, car la procédure est risquée compte tenu de l'opposition systématique des environnementalistes du département. Reste une troisième voie à explorer : l'aménagement d'un second site, beaucoup moins favorable géomorphologiquement et donc beaucoup plus coûteux au mètre cube d'eau stockée.
Alors que la fréquence des sécheresses estivales s'accentue et que l'évapotranspiration a augmenté de plus de 120 mm en quarante ans(2)Contester cette décision auprès du tribunal administratif serait possible mais, outre des frais importants, il faudrait s'engager dans une procédure judiciaire longue et à l'issue incertaine. , Bernard Rivière s'inquiète des effets de l'évolution de l'interprétation de la réglementation. « La police de l'eau a tendance à généraliser la notion de “cours d'eau” à tout écoulement, et à nous renvoyer vers des solutions plus coûteuses, telles que le remplissage de la retenue par dérivation. »
(1) La surface en eau de l'ouvrage constitué d'un barrage en terre doit être comprise entre 1 000 m2 et 3 ha, et présenter une hauteur de barrage supérieure à 2 m mais inférieure à 10 m.(2) ETP mesurée à la station de Saint-Étienne.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
FCO : le Grand Ouest en première ligne
Le vêlage 2 ans n’impacte pas la productivité de carrière des vaches laitières
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Quelles implications environnementales de la proposition de l’UE pour la Pac ?
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique
Pourquoi la proposition de budget de l’UE inquiète le monde agricole
Matériel, charges, prix... Dix agriculteurs parlent machinisme sans tabou