« NOUS AVONS CRÉÉ UN SITE DE PRODUCTION DE BIOMÉTHANE »

Les dix agriculteurs des quatre exploitations situées entre Mortagne-sur-Sèvre et Cholet. Ils vous recevront à l'occasion de portes ouvertes le 20 juin après-midi. Vous pourrez découvrir toute l'installation. Contact : www.agribiomethane.frPHOTOS © D.G.
Les dix agriculteurs des quatre exploitations situées entre Mortagne-sur-Sèvre et Cholet. Ils vous recevront à l'occasion de portes ouvertes le 20 juin après-midi. Vous pourrez découvrir toute l'installation. Contact : www.agribiomethane.frPHOTOS © D.G. (©)

Pour cette unité d'injection dans le réseau, les éleveurs ont su s'entourer d'experts et déléguer certaines tâches, pour mieux se consacrer à la gestion et à la communication sur la pertinence environnementale de leur projet.

CE SONT QUATRE EXPLOITATIONS D'ÉLEVAGE situées entre Vendée et Maine-et-Loire, proches de quelques kilomètres seulement. Habitués à travailler ensemble, les dix agriculteurs décident, en 2010, de monter un projet commun de méthanisation qui valorisera leurs effluents. Leurs atouts : une ville de 6 000 habitants toute proche, Mortagne-sur-Sèvre, mais surtout une multitude d'industries agroalimentaires dans un rayon très court, donc un gisement de déchets organiques à proximité que la codigestion du méthaniseur peut valoriser. Dès le début de leur réflexion, les éleveurs se sont appuyés sur les expertises de deux partenaires : Astrade, un bureau d'étude spécialiste en méthanisation, et le CerFrance de Vendée-Maine-et-Loire pour l'accompagnement économique. « La première étude de faisabilité a été réalisée en raisonnant sur de la cogénération, avec une unité qui devait traiter les déchets d'industries agro-alimentaires (IAA) disponibles. Après avoir exploré toutes les sources possibles de valorisation de la chaleur, le projet n'était pas viable économiquement », explique Jacky Bonnin, d'Astrade. Une déception qui sera de courte durée. En mars 2011, le ministère de l'Environnement annonce la préparation d'un arrêté sur l'injection de biométhane dans les réseaux. À sa parution en novembre, les éleveurs avaient déjà avancé sur cette voie. « Après avoir rencontré les industriels locaux, j'avais une idée assez précise de leurs besoins en gaz et de la régularité des consommations, le projet était réalisable. »

Car l'injection de biométhane butte souvent sur un élément : la quantité de gaz injectée dans le réseau de distribution doit, à tout instant, être inférieure à la consommation de gaz des usagers du réseau. Or, sans industriels aux besoins énergétiques assez linéaires tout au long de l'année, la consommation estivale est proche de zéro. L'autre solution est de se raccorder au réseau de transport, sorte de grandes artères qui alimentent le chevelu de la distribution. Mais le débit nécessaire pour y accéder (au moins 200 m3/h, soit l'équivalent de 800 kWe) l'interdit quasi systématiquement aux unités de méthanisation à la ferme.

Pour poursuivre leur projet, les éleveurs ont créé une société, la SAS Agri Biométhane, et ils s'imposent une discipline collective : une réunion d'une demi-journée chaque semaine pour les quatre représentants des élevages afin d'avancer de façon concertée.

UNE COMMUNICATION TRÈS BIEN MAÎTRISÉE

L'efficacité est assez remarquable car fin 2011, le projet est calé. Les appels d'offres et le dossier ICPE sont lancés en 2012. L'enquête publique a lieu au printemps 2013 pour un début des travaux en juin. La mise en service a commencé en février 2014 et l'injection de biométhane en mars. Il faut noter ici la communication qui a été conduite par les éleveurs : une plaquette explicative distribuée à la population de Mortagne-sur-Sèvre, un site internet pour présenter le projet et l'avancement des travaux, des réunions d'information, etc. Les éleveurs se sont fait aider par une agence de communication qui a su mettre en avant les bons arguments : parler d'écologie, des 1 000 foyers ainsi alimentés en énergie, des précautions prises pour éviter toutes nuisances, de la sécurité du site, etc. Résultat, dans une zone très urbanisée, l'acceptabilité de cette première injection de biométhane dans l'Ouest s'est faite sans heurt et les délais ont été tenus.

Si le principe de la cogénération est maintenant largement développé dans les unités de méthanisation à la ferme, l'injection de biométhane dans le réseau fait appel à des installations plus complexes pour un éleveur. Car GrDF impose une qualité de méthane très stricte, équivalente à celle du gaz naturel. Le biogaz issu du digesteur est composé de méthane (CH4, environ 60 %), de gaz carbonique (CO2), mais aussi de traces d'eau, d'hydrogène sulfuré (H2S), etc.

Il doit donc être épuré en subissant une décarbonatation, une désulfurisation et une déshydratation pour atteindre un taux de méthane supérieur à 97 %. « Cette qualité ne doit pas être prise en défaut. Aussi les choix technologiques d'épuration sont-ils essentiels pour le bon fonctionnement de l'unité », rappelle Jacky Bonnin.

Quatre techniques d'épuration sont possibles. Toute la difficulté est de sélectionner la mieux adaptée au contexte de la méthanisation. Ici, le bureau d'étude a choisi d'une épuration d'adsorption par variation de pression (PSA). Les molécules de gaz se séparent sur des tamis moléculaires en fonction des différentes pressions.

« LE DIGESTEUR NE DOIT RECEVOIR AUCUNE MATIÈRE SOLIDE DIRECTEMENT »

« Cette méthode nous impose une certaine vigilance dans le processus de méthanisation. Pour respecter la teneur très basse en oxygène et azote gazeux du biométhane, nous évitons en amont tout ce qui pourrait amener des entrées d'air. Ainsi, le digesteur ne doit recevoir directement aucune matière solide. Une préfosse permet de mélanger lisier, fumier et autres déchets pour former un substrat à 11 ou 12 % de MS. L'autre contrainte est de pratiquer une désulfurisation au charbon actif, donc avec une part de consommables », détaille Jacky Bonnin.

Vous l'avez compris, le producteur de biométhane a la charge de tout le processus d'épuration. Le distributeur (GrDF) gère ensuite le poste d'injection où ont lieu le contrôle de la qualité, la régulation de la pression et le comptage. « Ici, 100 % du chiffre d'affaires dépend de la qualité du biométhane produit. Toute erreur peut mettre en péril la rentabilité économique de l'unité. Or, l'épuration est un métier de "gazier" pas nécessairement à la portée d'un agriculteur. Afin de sécuriser cette étape, les éleveurs ont fait appel à une société spécialisée (Verde Mobil). Ils ont signé avec elle un contrat de maintenance qui inclut une garantie de performance pendant quinze ans, soit la durée du contrat de livraison à GrDF. Une contrepartie financière est prévue en cas de non-résultat sur la qualité du biométhane. » Sur le site d'Agri Biométhane, les productions de biogaz et de biométhane forment deux entités séparées. Les gaz pauvres issus de l'épuration sont brûlés dans une chaudière qui permet de chauffer le digesteur et les locaux techniques. Le gaz non conforme est recyclé via le digesteur. L'installation est prévue pour injecter 65 Nm3/heure, soit l'équivalent d'une puissance de 300 kWe. Elle fonctionne avec 10 000 t de lisier et 5 000 t de fumier provenant des quatre élevages. S'y ajoutent 6 000 t de déchets d'IAA à fort pouvoir méthanogène : graisse de poulet et déchets de biscuiterie. Là aussi, les éleveurs ont voulu se sécuriser. Ce gisement de substrat exogène a été confié à un opérateur spécialisé dans le déchet organique qui s'est engagé à les fournir pendant quinze ans. Les éleveurs ont aussi embauché un salarié à plein temps qui assure le transport des effluents d'élevage jusqu'au site, réceptionne les substrats et gère le prémélange pour la ration du digesteur.

« CONVAINCRE LES INDUSTRIELS DE TRAITER LEURS DÉCHETS CHEZ NOUS »

Pour le digestat, une séparation de phase produit une partie solide de 1 600 t qui, pour des raisons d'excès de phosphore, n'intègre pas le plan d'épandage. Elle est exportée pour être compostée sur un site spécialisé. La partie liquide (17 000 m3) est stockée en partie sur le site dans une poche de 3 000 m3, le reste est dispatché dans d'autres fosses établies en fonction du plan d'épandage. Cette tâche, qui s'effectue sans tonne à lisier, a été confiée à une ETA. « Nous avons centré notre travail sur l'administratif, la production du biogaz en soutien du salarié, et surtout sur l'image et la communication autour du projet. C'est indispensable pour convaincre des industriels de venir traiter leurs déchets chez nous. Le travail supplémentaire revient à un plein-temps à se partager à quatre », précise Damien Roy, président de la SAS. L'investissement a été de 3,4 M€. Avec 30 % de subventions (Ademe, Feder, conseil général), les quatre exploitations ont emprunté 2 M€. Le chiffre d'affaires attendu est de 800 000 €/an avec un retour sur investissement sur dix ans.

D.G.

Le digesteur (1 880 m3) et le postdigesteur (1 200 m3) en fonction. Au centre, la fosse de stockage des graisses issues d'IAA. Une intégration paysagère du site est prévue. L'ensemble est clôturé, avec une procédure d'intervention dans les zones à risque.

La torchère, qui se met en fonctionnement automatiquement en cas d'arrêt des installations. La quantité de biogaz stockée est limitée à 1 200 m3 (équivalent à 700 l de fuel). À droite, la fosse de stockage du lisier (4 500 m3 arrivent par canalisation de l'exploitation voisine).

Le local d'épuration du biogaz, c'est la méthode PSA qui a été choisie. Cette opération est sous-traitée à l'installateur qui a une obligation de résultat pendant les quinze ans du contrat GrDF.

Fosse de mélange des substrats.

Le bâtiment de réception des effluents et, à gauche, les bureaux. Tout a été fait pour limiter les nuisances olfactives : transport en citernes ou remorques bâchées, aucun stockage à l'air libre, bâtiment étanche avec mise en dépression et épuration de l'air sortant.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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