
Avant d'accepter deux agriculteurs dans leurs structures, les associés du Gaec de l'Alliance ont réalisé une formation sur les relations humaines, qui a débouché sur la mise en place d'une nouvelle organisation du travail.
MEMBRE DU GAEC DE L'ALLIANCE depuis vingt-cinq ans, Martine Cordel a une longue expérience du travail en groupe. Au fil du temps, cette exploitation a beaucoup évolué et compte aujourd'hui sept associés et deux salariés. La référence laitière se chiffre à 1,5 million de litres de lait et la surface atteint 800 ha.
Pour qu'une telle association fonctionne, les associés tentent de placer les relations humaines au coeur de leur projet. « Je n'ai jamais travaillé seule, confie Martine. Je me suis mariée avec Didier en 1983. L'année suivante, nous avons regroupé les exploitations de nos parents pour former le Gaec. La structure comptait 530 000 l de quota et 150 ha. » Les années 1996-1997 sont marquées par l'entrée de Frédéric, le frère de Didier, dans la société. Puis c'est au tout de Michel, un voisin agriculteur, de les rejoindre dans le cadre de l'arrêt Ballman.
Neuf ans plus tard, la structure s'agrandit encore avec l'arrivée de Francis, un autre agriculteur qui cherche à s'associer à la suite de problèmes de santé. Parallèlement, le bail de Michel arrive à terme et il décide d'intégrer la société.
« BÂTIR LE SOCLE DES VALEURS ET DES OBJECTIFS DU GAEC »
« En 2008, le Gaec compte cinq associés et 820 000 l de lait sur 530 ha de SAU. À cette époque, nous sommes sollicités par deux agriculteurs qui souhaitent s'associer. » Le premier, Guy, va bientôt être confronté à un problème de main-d'oeuvre. Associée avec lui, sa mère va partir à la retraite. Le second, Denis, s'est déjà regroupé avec une autre structure mais n'est pas satisfait de ses conditions de travail.
Conscients que les relations humaines sont l'une des clés de la réussite d'un regroupement, les associés décident de prendre le temps d'analyser s'ils peuvent intégrer ces deux nouvelles personnes sans perturber l'équilibre du groupe. « On se connaissait sur le plan amical mais pas sur le plan professionnel. » Ils sollicitent la chambre d'agriculture et le BTPL, qui leur propose une formation en deux étapes. Dans la première étape, les cinq associés et les deux salariés passent des entretiens individuels. Chacun explique son sentiment sur le fonctionnement du Gaec, son organisation, son avenir… Ces entretiens ont été synthétisés puis des points communs ont été trouvés entre tous les membres. Ceci a permis de bâtir le socle des valeurs et des objectifs du Gaec de l'Alliance. « Nous étions tous d'accord sur plusieurs points : dégager du temps pour la vie de famille, maintenir la simplification du travail du sol et ne pas labourer les terres. »
Concernant le troupeau laitier, les membres souhaitent être autonomes sur le plan alimentaire en le nourrissant avec les céréales et les protéagineux de l'exploitation. Par ailleurs, l'intégration de deux nouveaux associés doit être vécue comme une réorganisation du travail permettant à tous d'être encore plus efficace. Le Gaec n'a pas pour vocation à s'engager dans une course à l'agrandissement. Ce socle de valeurs communes a ensuite été présenté aux deux nouveaux prétendants. « Ils étaient sur la même longueur d'onde et ont validé nos idées. »
« POSITIONNER CHACUN SELON SON PROFIL »
La seconde étape de la formation s'est effectuée en groupe. À partir d'une discussion avec l'animateur, les grands traits de la personnalité de chaque membre ont été définis. Objectif : les positionner dans le groupe. « Certains aimaient le travail régulier et avaient le profil “éleveur”. D'autres préféraient travailler par à-coups et avaient le profil “céréalier”. » Les associés ont pu être répartis : Frédéric, Michel et Denis assurent la gestion du troupeau laitier ; Didier et Guy s'occupent des cultures et de l'entretien du matériel ; Denis et Martine gèrent la partie administrative ; Martine et Michel travaillent à l'agrotourisme. « On voulait au minimum deux référents par activité. En cas d'absence de l'un, le travail est assuré par le second responsable. Ce dernier peut faire appel à un autre membre du groupe qui devient alors exécutant. Christian et Stéphane, nos deux salariés, amènent également beaucoup de souplesse dans notre organisation. »
Concrètement, l'organisation repose sur une réunion hebdomadaire. Tous les lundis matins, les sept associés se retrouvent pour un petit-déjeuner dans la cuisine de Martine. C'est elle qui anime le groupe. Ce rôle a été décidé et accepté par tous durant la formation. « Je travaille à l'aide d'un tableau. Nous faisons le point sur la semaine passée et celle à venir. » Les décisions sont prises en commun. Par exemple, les associés souhaitent regrouper les deux troupeaux laitiers sur un même site et discutent sur le choix de l'installation de traite (voir encadré).
« TRANSMETTRE DES CONSIGNES CLAIRES »
Les associés réfléchissent beaucoup sur leur manière de travailler et cherchent à produire au moindre coût dans chaque production. L'assolement est réalisé dès juin pour acheter des engrais et des semences en morte-saison. Depuis le regroupement, un gros travail a été réalisé pour rationaliser le parc matériel.
Avec sept associés, une organisation stricte s'impose. Pour favoriser une bonne entente et éviter les pertes de temps, les associés tentent de transmettre des consignes claires à la personne qui doit intervenir sur un atelier dont elle n'a pas la responsabilité. Le téléphone portable est un rouage précieux dans cette organisation. Au niveau administratif, chaque responsable d'un atelier enregistre ses interventions. Par exemple, Frédéric et Michel notent les naissances, les sorties, les traitements sur les animaux… Martine fait ensuite la synthèse au moment de la comptabilité. Les associés sont libres deux week-ends sur trois. Les neuf personnes présentent sont divisées en trois équipes de trois. « Tout le monde est polyvalent. On ne veut pas qu'une personne ne participe pas à l'atelier laitier. Nous tentons aussi de prendre quinze jours de vacances par an. » Au niveau de la rémunération, chacun reçoit 1 200 € par mois. En fonction de la trésorerie, un virement exceptionnel peut être versé trois fois par an. Une fois la rémunération du travail déduite, le résultat de la société est réparti selon le capital détenu par chacun, qui dépend du nombre de parts sociales, des DPU et du quota apporté au Gaec.
Malgré toute cette organisation, la vie du Gaec n'est pas un long fleuve tranquille. « L'avantage, lorsqu'on est nombreux, est qu'un petit conflit va être éteint par les autres membres, qui ne sont pas partie prenante du conflit. »
Pour favoriser la convivialité, un barbecue est organisé en août et, début décembre, les associés vont au restaurant. « Il ne faut pas seulement se regrouper pour des raisons économiques ou juridiques. La clé de la réussite de notre Gaec est l'aspect humain. Il faut créer toutes les situations qui aident la communication. »
Frédéric Cordel, Denis Weber, Michel Kieffer et Francis Augustin sont responsables du troupeau laitier.
Guy Entenger, Stéphane Wagner et Didier Cordel gèrent les cultures et l'entretien du matériel
Michel Kieffer et Martine Cordel s'occupent de l'agrotourisme.
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