FAIRE LA CHASSE AUX GASPILLAGES DE CONCENTRÉS

L'amaigrissement des vaches en début de lactation dépend de leur potentiel de production et de leur note d'état au moment du vêlage, peu de leur alimentation.© WATIER VISUEL
L'amaigrissement des vaches en début de lactation dépend de leur potentiel de production et de leur note d'état au moment du vêlage, peu de leur alimentation.© WATIER VISUEL (©)

L'Inra recommande de limiter les concentrés en début de lactation. Substituer le tourteau de soja par du colza et complémenter les fourrages au plus près de leurs valeurs réelles sont des sources d'économies importantes.

LES DÉPENSES DE CONCENTRÉS REPRÉSENTENT, en moyenne, les deux tiers du coût alimentaire en élevage laitier. Dans un contexte de faible prix du lait, c'est un levier important à actionner pour réduire les charges et produire au moindre coût. Depuis la publication des nouvelles tables Inra en 2007, il est possible de moduler les quantités distribuées en début de lactation. L'institut de recherche indique en effet que l'amaigrissement des vaches dépend peu de l'alimentation. « Elles sont génétiquement programmées pour maigrir en début de lactation, assure Yann Martinot, directeur technique du Contrôle laitier de l'Orne. Il est illusoire de vouloir contrer ce phénomène. »

INUTILE D'ÉTALER LE PIC DE LACTATION

L'ampleur de l'amaigrissement dépend de deux facteurs. D'une part, du potentiel laitier. Plus il est important et plus l'animal va puiser dans ses réserves corporelles. On constate qu'une vache avec un potentiel de production à 9 000 kg maigrit autant, qu'elle produise 5 000 ou 9 000 kg de lait. Étaler le pic de lactation est donc totalement inutile, de même que distribuer plus de concentrés. « Rajouter de l'énergie dans la ration ne va pas limiter l'amaigrissement ou très peu. Cet aliment servira à produire davantage de lait, jusqu'au potentiel laitier. Au-delà, le phénomène de substitution va s'intensifier. C'est-à-dire qu'1 kg de concentrés fera baisser la consommation des fourrages de 0,8 kg », dit Yann Martinot. Dans ce cas, le pourcentage de concentrés dans la ration risque d'être trop important et provoquer de l'acidose.

D'autre part, l'amaigrissement en début de lactation va dépendre de l'état d'engraissement de l'animal au vêlage. Plus il est important et plus la vache va maigrir. « Jusqu'ici, on conseillait d'atteindre une note d'état de 3,5. À présent, plutôt une note à 3. » Ces nouveaux repères vont permettre de limiter le risque d'acétonémie.

Une vache moins grasse mobilisera moins ses réserves en début de lactation. Le foie, lieu de transformation des graisses en glucose, sera moins sollicité. En cas d'amaigrissement trop important, il peut en effet saturer et provoquer une accumulation de corps cétoniques dans le sang.

Concrètement, au moment de réaliser la ration, il convient de déterminer ces deux paramètres. Le potentiel du troupeau se mesure en identifiant les meilleures performances laitières lors des quinze derniers contrôles. Il correspond souvent aux mois d'avril et mai, lorsque les vaches sont à l'herbe et que l'azote n'est pas limitant. La production réelle du troupeau est aussi croisée avec les index de production des animaux. « Pour l'état d'engraissement, on prend généralement en compte une note d'état moyen des dernières vaches vêlées. » Grâce aux travaux de l'Inra, certains logiciels de rationnement indiquent à présent le lait produit par les réserves adipeuses en début de lactation. Une vache, avec une note d'état de 3 les jours du vêlage et un potentiel de 9 000 kg, va produire près de 500 kg de lait en dix semaines grâce à la mobilisation de ses réserves. Cela correspond à près de 7 kg/VL/j sur une production moyenne de 40 kg. La ration doit donc intégrer cette mobilisation pour être calculée. La réduction des quantités de concentrés distribués peut être importante. Reprenons cette même vache qui consomme une ration semi-complète à base de maïs-ensilage, équilibrée avec 3,1 kg de tourteaux de soja. En quatrième semaine de lactation, l'économie de concentrés de production atteint plus de 5 kg/j. Les anciennes tables recommandaient en effet l'apport de 7 kg tandis qu'avec les nouvelles, 1,8 kg suffit. Cette baisse est compensée par une augmentation de l'ingestion du maïs ensilage de 1,8 kg/ VL/j. « Si l'éleveur distribue un aliment de production fabriqué à la ferme à base de tourteaux de soja et de blé à 120 /t, le coût alimentaire de la ration se réduit de 7 /1 000 l. Pour un atelier de 350 000 l de quota, cela représente presque 2 500 par an. »

ACHETER DU TOURTEAU DE COLZA S'IL COÛTE 80 % DU PRIX DU SOJA

Pour réduire les dépenses de concentrés, substituer en partie ou en totalité le soja par du colza limite la hausse du prix des tourteaux. Cette pratique est de plus en plus rencontrée sur le terrain. Néanmoins, certains éleveurs font de la résistance. Dès lors qu'il coûte 80 % du prix du soja, le colza a un intérêt. « Il se situe autour de 220 /t et le soja à 320-350 €. Avec un rapport à 65 %, cette matière première conserve un réel intérêt », analyse Franck Lavedrine, responsable d'encadrement et méthode à Côte-d'Or Conseil Élevage. Beaucoup d'éleveurs pourraient faire le pas de n'apporter que du colza. Dans ce cas, ils doivent simplement veiller à ce que les fortes productrices ne manquent pas de PDIA. L'apport d'un tourteau tanné peut combler ce manque. Cela peut aussi être un tourteau de colza tanné. « Pour que la substitution sur le plan de la complémentation azotée soit équivalente, il est recommandé de distribuer 1,5 kg de tourteaux de colza à la place d'1 kg de soja. Il est important également de prendre en compte le fait que l'on apporte davantage d'énergie avec ce ratio. »

L'achat en gros volume permet aussi de faire des économies non négligeables sur le prix. « On voit de plus en plus d'éleveurs s'organiser à deux ou trois pour faire des commandes groupées. L'achat en 25 t permet de gagner entre 30 à 40 /t, comparé à une livraison en 6 t », souligne Romain Miquel, de l'organisme de contrôle laitier Aveyron Conseil Élevage. Autre avantage du tourteau de colza : il permet de réduire le coût de la complémentation minérale. Il a la particularité d'être riche en phosphore. Lorsque le correcteur azoté contient au minimum 50 à 70 % de colza, il est possible de se passer de ce minéral. « Avec des rations comprenant plus de 70 % de maïs, il est conseilléd'acheter un 0-30-5, dont le prix oscille entre 300 à 400 /t. Il est nettement moins cher qu'un 7-21-5 à 800 /t environ. » Apporter une partie du calcium sous la forme de carbonate de calcium pure est un autre bon moyen pour faire des économies plutôt que de l'intégrer en totalité dans le minéral de base. Même si les quantités distribuées sont faibles chaque jour, les différences de coût de la complémentation minérale peuvent être importantes. « L'écart entre les élevages classés les meilleurs et la moyenne s'élève à 3 /1 000 l. Pour un quota de 300 000 l, le gain atteint presque 1 000 par an. »

FAIRE PLUSIEURS ANALYSES D'ENSILAGE DE MAÏS S'AVÈRE JUDICIEUX

Pour éviter tout gaspillage de concentrés, ajuster la complémentation au plus près de la valeur des fourrages est essentiel. Réaliser plusieurs analyses d'ensilage de maïs est souvent judicieux. Des différences de variétés, de stades de récolte ou de conservation impactent la valeur de ce fourrage et donc la complémentation. Ainsi, l'écart de PDI entre deux maïs peut atteindre 10 g/kg. À raison de 14 kg dans la ration, l'économie de concentrés peut s'élever à 150 kg par vache sur une année. « Pour un troupeau de 55 vaches, avec un prix du correcteur azoté de 320 /t, cela représente 2 600 par an. » Les foins et les enrubannés, dès lors qu'ils représentent une proportion importante de la ration, doivent aussi être analysés. De même que les ensilages d'herbe dont la composition floristique et la qualité de conservation sont souvent hétérogènes.

NICOLAS LOUIS

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

Tapez un ou plusieurs mots-clés...