« MOINS DE PHYTOS GRÂCE À UNE MULTITUDE DE LEVIERS »

Fabrice Beucher et son associé Dominique Guillemine n'ont pas hésité à investir dans un pulvérisateur performant qui permet d'intervenir rapidement.
Fabrice Beucher et son associé Dominique Guillemine n'ont pas hésité à investir dans un pulvérisateur performant qui permet d'intervenir rapidement. (©)

Rotations longues, couverts végétaux, choix variétaux, pulvérisateur performant : le Gaec de la Bouhardière est déjà bien engagé dans la réduction de l'IFT et s'implique dans des essais innovants.

FABRICE BEUCHER ET DOMINIQUE GUILLEMINE, les deux associés du Gaec, ont intégré le groupe de fermes Ecophyto de Basse-Normandie créé début 2010.

Celui-ci rassemble neuf exploitants, tous motivés pour réduire leur consommation de produits phytosanitaires et atteindre un objectif d'utilisation proche de 70 % de la moyenne régionale, si ce n'est déjà fait. Pour Fabrice et Dominique, cette démarche s'intègre parfaitement dans leur système de production économe. Ici, le premier pilier, c'est l'herbe.

« Non pas par idéologie ni engagement écologique, mais pour une raison économique », explique Fabrice Beucher.

Concrètement, en année normale, la production laitière est uniquement permise par le pâturage, sans aucun concentré pendant plus de six mois de l'année. Le silo de maïs est fermé d'avril à octobre avec pour résultat un coût alimentaire de 0,50 €/1 000 l. Une performance permise par un excellent potentiel herbager (une pluviométrie annuelle de 950 mm), un parcellaire avantageux (40 ha accessibles aux vaches), mais surtout un soin particulier apporté aux prairies de RGA/TB, de l'implantation jusqu'au pâturage. « Nous le gérons à l'herbomètre. Les vaches entrent à 12 cm et ne ressortent pas avant 5 cm. Quand la pousse est forte, des parcelles sont exploitées en ensilage. L'an passé, année favorable, nous avons mesuré un rendement de 13 t/ha de MS sur les prairies temporaires », précise Fabrice. Évidemment, la consommation de produits phytosanitaires sur ces prairies est très faible. Celles qui ne sont pas assolées sont renouvelées tous les six ou sept ans par sursemis. Plusieurs protocoles sont à l'essai, avec ou sans destruction au glyphosate : semis direct (semoir Aitchison), cultilabour avant semoir ou cover-crop avant herse et semoir.

« NOUS AVONS CHOISI LE NON-LABOUR »

Le Gaec de la Bouhardière est une exploitation de polyculture- élevage, avec 60 à 65 ha de cultures. C'est sur celles-ci exclusivement qu'est calculé l'indice de fréquence des traitements (IFT*). Avec un indice à 2,42 en 2010, l'exploitation est bien en dessous de l'IFT moyen régional (3,8) et inférieur aussi à l'objectif des 70 % d'ici à 2013 (2,6). Qu'importe, le Gaec souhaite progresser encore, notamment sur l'IFT herbicide qui reste supérieur à la moyenne régionale. Comme une majorité des agriculteurs du groupe Ferme Ecophyto Basse-Normandie, les éleveurs pratiquent le non-labour. Un choix guidé en priorité par l'économie en temps de travail et charges de mécanisation.

Cinq ans après avoir abandonné la charrue, les bénéfices agronomiques sont évidents : amélioration de la structure et de la vie biologique du sol, résistance au sec, portance, etc. En contrepartie, le risque de salissement des cultures est plus important. « L'une des clés de la réussite en non-labour est la mise en place des rotations longues et les couverts végétaux nécessaires. C'est ce que nous avons fait en les adaptant aux potentiels des parcelles. » La rotation type voit se succéder maïs (couvert d'avoine + phacélie)/blé (couvert), protéagineux/colza (repousse de colza), blé/maïs. Avec différentes variantes qui peuvent, par exemple, intégrer une luzerne de quatre ans (sur 3 ha) ou un RGA de sept ans. « L'alternance de cultures d'automne et de printemps limite la pression des adventices. Le maïs limite les graminées. Nous essayons aussi d'avoir des couverts végétaux très étouffants implantés dès la moisson. » Un autre élément de la maîtrise du salissement est la qualité des interventions.

« DIMINUER LES DOSES DE MATIERE ACTIVE »

Fabrice et Dominique n'ont pas hésité à investir dans un pulvérisateur (d'occasion) digne d'une exploitation céréalière : 2 500 l traîné, 21 m de rampe. « Cet outil nous permet d'intervenir avec précision et rapidement, donc au bon stade des adventices et à la bonne hygrométrie. Nous pouvons diminuer les doses de matière active. »

Dans un assolement de polyculture- élevage, la maîtrise de l'IFT dépend beaucoup de la conduite des céréales et des oléo-protéagineux. Le maïs est moins problématique car c'est une culture qui couvre rapidement le sol et ne nécessite pas d'insecticide. Au Gaec de la Bouhardière, l'IFT hors herbicides est remarquablement bas. C'est le résultat d'un usage très raisonné des fongicides.

« Nous traitons en fonction de la pression des maladies observées. Cela peut aller de deux passages à l'impasse si le climat est favorable, comme en 2010. »

L'autre élément important est l'utilisation de variétés résistantes avec un objectif de rendement raisonnable, qui intègre une nécessaire production de paille. « Nous travaillons avec des mélanges de variétés résistantes aux maladies, surtout la septoriose, mais aussi la fusariose en précédent maïs.

Nous choisissons également des variétés plutôt tardives. Par exemple : Ephoros et Sponsor, ou Chevalier et Attlass. Le mélange assure une meilleure résistance et un PS plus homogène. Notre objectif est de 80 q/ha »

Retarder la date de semis est aussi un levier pour limiter la pression des adventices et des maladies sur céréales. « Nous aimerions semer tard en novembre, mais en travail simplifié, il faut viser un sol bien ressuyé pour réussir l'implantation. Cela nous impose souvent de semer autour du 20 octobre, et donc de faire un désherbage en décembre et un rattrapage en février. »

L'intérêt du colza dans la rotation ne se dément pas pour améliorer la structure du sol.

Il succède parfaitement aux pois, assurant un rendement de 30 à 40 q/ha avec seulement 70 unités d'azote minéral.

Autre privilège de la polyculture-élevage en région de bocage : peu de maladies et d'insectes nuisibles au profit d'insectes auxiliaires. « Jusqu'à présent, sur colza, nous n'avons jamais utilisé d'insecticides et nous ne faisons qu'un seul fongicide à la floraison. » Le désherbage n'est pas non plus d'une grande complexité : en général, un passage en prélevée, mais il coûte cher : 90 à 100 €/ha.

« PAS D'INSECTICIDES »

« Nous avons entamé des essais avec la chambre d'agriculture de l'Orne pour effectuer des semis sous couvert. Le premier consiste à semer, au 15 août, un couvert de pois et lentilles puis le colza avec un semoir à maïs à 75 cm d'écartement. Le second consiste à semer, en même temps, le colza et le couvert (sarrasin, lentilles). L'objectif est de couvrir le sol au maximum afin de freiner la levée des adventices, le couvert étant détruit par le gel. »

C'est aussi le couvert d'interculture qui limite les traitements sur maïs. « Il est détruit mécaniquement en fin d'hiver. Le glyphosate n'est utilisé qu'en cas de salissement du couvert. Ensuite, une association classique antidicotylédones-antigraminées à petite dose en post-levée précoce suffit souvent. En cas de pression plus forte, un deuxième passage est possible au stade 6 feuilles du maïs. » Globalement, l'utilisation du glyphosate, souvent importante en non-labour, est ici raisonnable, essentiellement pour renouveler les prairies. « Quelles que soient les cultures, si nous voulons aller beaucoup plus loin dans une diminution du désherbage chimique, il faudra passer par des interventions mécaniques (binage, hersage) avec, à la clé, des investissements supplémentaires et une inflation du temps travail à l'hectare. »

DOMINIQUE GREMY

* L'unité IFT correspond au nombre de doses homologuées de pesticides appliquées par hectare sur une campagne. Cet indicateur tient compte du nombre de passages et de la dose utilisée.

La polyculture en région de bocage a le privilège d'avoir peu de pression de maladies et d'insectes nuisibles, au profit des insectes auxilliaires.

©PASCAL CRAPON/GFA

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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