
Au Gaec des Arvernes, les modifications apportées à la valorisation de l'herbe ont simplifié le travail, tout en renforçant son autonomie alimentaire et les performances animales.
LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE N'EST PAS le seul facteur de fragilisation d'une exploitation, la surcharge de travail aussi. C'est l'analyse que font Élisabeth et Pascal Servier après-coup.
« Quand les parents sont partis à la retraite au milieu des années 90, nous nous sommes retrouvés seuls avec trois enfants de cinq à huit ans et demi », explique la famille Servier. Située en zone séchante derrière le Sancy, à 1 000 m d'altitude, leur exploitation produisait à l'époque 380 000 l de lait avec 70 vaches, sur 150 ha dont 20 ha en céréales. Surmené, le couple a fait face jusqu'au jour où Pascal s'est retrouvé hospitalisé. « Nous avions embauché un employé, mais l'expérience avait été catastrophique. » À la mauvaise maîtrise technique du troupeau et aux pertes d'animaux se sont ajoutés les partages familiaux. Avec 60 000 € de pertes au début des années 2000, les agriculteurs se sont retrouvés confrontés à deux choix : abandonner le métier ou refondre tout le système pour le simplifier, et le rendre économiquement et humainement vivable.
UN SYSTÈME TOUT FOIN PLUTÔT QUE L'ENSILAGE D'HERBE
-C'est cette deuxième option qui a été retenue en 2003. Les céréales ont été arrêtées et les parcelles remises en prés. Le pâturage au fil a été abandonné au profit du tournant, moins contraignant. « Nous avons appris à faire tourner les laitières sur de l'herbe jeune et à faucher les parcelles dont le stade est trop avancé », précise Pascal Servier. Pour gagner du temps, les éleveurs ont délaissé l'ensilage d'herbe et l'enrubannage au profit du seul foin, récolté précocement au printemps opté pour un système 100 % foin. Lourds à organiser et tributaires de l'entreprise, les chantiers d'ensilage ne permettaient pas de récolter l'herbe au bon moment. Sans séchage en grange, les éleveurs ont adopté le traitement à l'acide propionique. « Ce conservateur est un produit naturel présent dans la panse de la vache, observe Pascal. Réparti à raison de 3 lpour 350 kg de foin rentré entre 70 et 80 % de matière sèche, le produit (6 €/botte) est également utilisé sur les repousses en cas de météorologie difficile. »
Pour valoriser les fenêtres climatiques, les chantiers de foin sont réalisés avec deux voisins sur le principe « un tracteur, un matériel, un chauffeur » avec mutualisation du risque climatique : les mauvaises bottes sont partagées. En moyenne, la fauche est réalisée une semaine plus tôt que pour l'ensilage (24 mai en cette année 2010 tardive). « En deux jours ou deux jours et demi, 50 ha sont rentrés. Avec des volumes limités à 3 t de MS/ha, l'herbe sèche vite. La coupe à 8 ou 9 cm de hauteur d'herbe favorise les repousses. Le regain est récoltable six à huit semaines plus tard, contre deux mois et demi en foin traditionnel. Nous bénéficions aussi de troisième coupe alors qu'il fallait auparavant se contenter d'un pâturage. »
UNE DISTRIBUTION UNE FOIS TOUS LES CINQ JOURS EN HIVER
La simplification du système d'alimentation et la substitution en salle de traite d'une 2 x 4 épi par une 2 x 4 tandem, ont réduit le travail d'astreinte l'hiver. Avec vingt-cinq ballots de foin et de regain disposés sur le couloir d'alimentation tous les cinq jours, les éleveurs ont gagné plus de six heures quotidiennes. Comme le concentré est distribué au Dac, les vaches sont presque en libre-service. Les résultats techniques ont suivi au-delà des espérances. Les éleveurs s'attendaient à perdre 500 kg de lait, ils ont gagné plus de 1 000 kg. Avec 18 à 19 kg de MS de fourrage ingéré par vache et par jour, riche en énergie et en azote, le concentré a diminué. Alors que la récolte du foin précoce grâce à l'acide propionique a amélioré l'autonomie fourragère et les performances du troupeau, les éleveurs estiment qu'il serait dommage que son utilisation soit, un jour, rejetée pour des problèmes d'image et des raisons idéologiques. Conscients de ce risque, ils ont testé des produits alternatifs à base de bactéries. « Ils fonctionnent mais leur utilisation est moins pratique et ils sont plus chers. »
UN ÉCHANGE DE PARCELLES À L'AMIABLE
Dans l'exploitation, la restructuration parcellaire et l'évolution des pratiques de fertilisation ont également constitué des leviers efficaces. Dans la commune déjà remembrée, les échanges amiables de parcelles ont réduit les coûts de transport et limité les déplacements. Il ne faut plus que 3 km pour épandre le lisier au plus loin, contre 10 km initialement. « Avec 150 ha d'un seul tenant autour de nos bâtiments, nous avons un parcellaire idéal, se félicitent les éleveurs. Les déplacements des animaux au pâturage, 1 km maximum aujourd'hui, ont été réduits de plus de la moitié. 30 minutes au plus suffisent pour rentrer les vaches chaque soir avec le chien de troupeau. »
UNE DIVERSITÉ FLORISTIQUE DES PRAIRIES
Les associés ont également tiré profit des observations réalisées par l'Enita de Clermont- Ferrand sur la flore de leurs prairies, à l'occasion d'un diagnostic floristique. Depuis, les apports de fumier composté ou lisier sont fractionnés en deux passages au lieu d'un.
Cela évite le lessivage d'azote et favorise la diversité floristique. Les chaulages sont également réalisés de façon plus régulière (800 kg/ha de chaux vive tous les quatre ans) et la fertilisation minérale est bien ajustée. Elle se limite à deux apports azotés sur les parcs fauchés et les pacages : 30 kg/ha quand la somme des températures est à 200-250 °C pour le premier, 20 kg/ha pour la repousse. « Ce printemps, la pousse lente de l'herbe a favorisé la diversité de la flore », note Pascal Servier.
LA CARTE DE L'AOC SAINT-NECTAIRE
Le Gaec a choisi depuis six mois d'investir dans une fromagerie pour transformer au moins 50 % de son litrage dans le cadre de la filière saintnectaire AOC (vente en blanc à des affineurs). Conséquence : les associés sont de nouveau à la recherche d'un équilibre en terme de travail. « Avec la transformation, nous avons voulu sécuriser le revenu et être moins dépendant des industriels. » Le lait transformé est valorisé à 400 € les 1 000 l (investissement fromagerie et coût d'embauche d'une salariée à mi-temps déduits), contre 305 € pour celui livré à la laiterie en 2009 (toutes primes confondues). Une plus-value qui permet d'envisager un recours accru à la main-d'oeuvre salariée. « Les exploitations évoluent en permanence. Alors que la nôtre a fusionné en 2008 avec celle de notre voisin Laurent Dabert et que notre fils Clément s'est installé lors de la création du Gaec, il faut s'adapter à nouveau. Et s'organiser pour que celui-ci ne se retrouve pas plus tard dans la même situation que nous, il y a dix ans », observent Élisabeth et Pascal.
ANNE BRÉHIER
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