
L'abandon de la charrue au profit de techniques de préparation simplifiées peut présenter des avantages en termes de temps de travail, de charges de mécanisation et d'agronomie. L'usage particulier du strip-till fait l'objet de plusieurs expérimentations.
L'ABANDON DU LABOUR AU PROFIT DE TECHNIQUES CULTURALES SIMPLIFIÉES a d'abord commencé sur les cultures d'hiver où elles sont aujourd'hui bien maîtrisées. Comme pour d'autres cultures de printemps, l'implantation du maïs sans labour a moins d'adeptes. On estime que 20 % de la sole est semée sans intervention de la charrue, mais la tendance est à l'augmentation.
La première des motivations pour les maïsiculteurs est le gain de temps. Trente hectares de maïs à semer, c'est souvent trois semaines de travail non-stop. Le non-labour permet d'avancer plus vite avec des outils plus larges. Mais attention, la multiplication des passages (plusieurs déchaumages, enfouissement des matières organiques) peut parfois annuler ce gain de temps sur la charrue. En outre, le travail simplifié impose des fenêtres météorologiques plus étroites afin de travailler sur des sols parfaitement ressuyés pour intervenir sur un terrain friable.
LA PROTECTION DES SOLS
Une autre motivation, liée à la première, est la recherche d'itinéraires techniques moins coûteux. Le semis sans labour peut se pratiquer avec des outils polyvalents déjà présents sur l'exploitation, et la rapidité de l'intervention limite les coûts de carburant et de main-d'oeuvre. Dernier intérêt, pourtant pas le moindre : la protection des sols et de l'environnement. Contrairement au labour, un travail simplifié ne retourne pas les différents horizons. Après quelques années sans labour, les parcelles présentent en général une bien meilleure structure du sol avec davantage de portance. L'activité biologique n'est plus perturbée, la consommation d'humus est réduite, et l'eau et les minéraux sont mieux
stockés. Cela crée un milieu plus favorable aux vers de terre qui, à leur tour, participent à créer une microporosité permettant au sol de mieux respirer. Ce nouvel équilibre peut être long à apparaître et il reste fragile, d'où la nécessité de ne pas perturber le sol par des tassements ou du travail profond. Il convient donc d'intervenir sur des sols toujours parfaitement ressuyés pour ne pas en perturber la structure. Le non-labour permet une accumulation de la matière organique dans les horizons superficiels, ce qui limite la battance, l'érosion et le ruissellement. Le travail simplifié permet aussi de s'affranchir des reprises de labour parfois difficiles par temps séchant.
LA QUESTION DU DÉSHERBAGE
Mais abandonner la charrue, c'est aussi se priver d'atouts importants. « Le labour est le premier herbicide inventé par l'homme », rappelle Romain Légère, responsable de la ferme d'Arvalis La Jaillière (Loire-Atlantique), en charge de l'expérimentation agro-machinisme. La maîtrise des adventices par des désherbages efficaces sera l'un des défis des adeptes du travail simplifié. Plus tard, l'absence de labour participera à limiter le stock de semences dans le sol, donc le risque de salissement. L'autre intérêt du labour est de permettre un réchauffement rapide du sol au printemps, donc un démarrage plus précoce du maïs, élément à prendre en compte dans les terres froides. Ce réchauf-fement plus lent affecte la minéralisation de l'azote. Cela implique une destruction des couverts plus précoce.
DAVANTAGE DE TECHNICITÉ
Par définition, le non-labour suppose l'absence de charrue, donc de retournement du sol. Mais il existe différentes techniques de non-labour avec plus ou moins de travail en profondeur (voir infographie).
Le pseudo-labour avec des outils à dents spécifiques provoque, comme son nom l'indique, un mélange des horizons. Un outil à dents, de type chisel, se contentera d'assurer une fragmentation profonde. Enfin, le maïsiculteur peut se contenter d'un travail superficiel ou, simplification ultime, d'un semis direct sans aucun travail du sol préalable. Le maïs étant une plante très sensible à la structure du sol, le niveau de technicité nécessaire augmente à mesure que le travail du sol est réduit. « Les précédents à la culture du maïs sont parfois des dérobées ensilées et en conditions de récolte difficiles, avec des sols tassés, le labour est privilégié par l'agriculteur pour restructurer le sol », rappelle Romain Légère.
L'OUTIL STRIP-TILL
Depuis quelques années, une nouvelle technique a fait son apparition pour l'implantation des cultures de printemps. Il s'agit du strip-till. Son principe : travailler le sol uniquement sur le rang de semis, soit sur une largeur de 10 à 15 cm. « C'est une technique de non-labour particulière qui combine un travail du sol profond sur le rang, de façon à créer de la porosité et permettre un meilleur réchauffement, tandis que sur l'interrang, on préserve l'avantage agronomique du semis direct sans aucun travail du sol », explique Romain Légère.
L'outil strip-till se compose de plusieurs éléments qui travaillent chacun le même rang. En général, cinq étapes se succèdent : un disque (plusieurs modèles sont possibles) ouvre le rang et découpe les débris. Derrière, des disques en étoile servent de chasse-débris. Puis vient l'élément majeur : la dent qui décompacte en profondeur et permet aussi une fertilisation localisée sur la ligne. Ensuite, de part et d'autre de la dent, des disques déflecteurs produisent de la terre fine et la maintiennent sur le rang. Enfin, un rouleau assure un rappui de la bande travaillée.
Le strip-till s'utilise de différentes façons. Sur des sols argileux qui nécessitaient un labour d'hiver, il doit être passé pendant l'hiver, puis une seconde fois deux à trois semaines avant le semis. En sols sableux ou limoneux, un seul passage avant le semis suffit. Il peut éventuellement être combiné au semoir monograine, bien que les vitesses d'avancement ne soient pas compatibles car le strip -till, pour être efficace, doit avancer à 8 à 12 km/h.
RÉUSSIR UNE LIGNE DE SEMIS DE 15 CM DE LARGE
Les essais réalisés sur différents sites d'Arvalis montrent que le strip-till ne supporte pas toutes les conditions d'humidité du sol. Ses pièces travaillantes ne sont efficaces que sur un sol suffisamment friable, contrairement au labour qui peut accepter une consistance de sol plus ou moins plastique. « Obtenir une bonne qualité de terre fine, souvent en un seul passage, est quelque chose d'assez pointu à réussir. Il faut savoir observer les parcelles et parfois adapter les pièces travaillantes de l'outil et du semoir pour avoir une ligne de semis propre et bien refermée sur la graine, ce qui est essentiel. La gestion des effluents en amont et la destruction du couvert végétal nécessitent aussi une nouvelle réflexion. »
L'enfouissement des fumiers peut être réalisé en amont à l'aide d'un travail très superficiel. Certains éleveurs utilisent le strip-till directement dans le couvert végétal, préalablement mulché, pendant l'hiver en période de gel ou détruit au glyphosate. Les résidus végétaux qui demeurent sur l'interrang limitent l'évaporation et le salissement. Ils servent aussi de garde-manger aux limaces, qui s'intéressent donc moins aux plantules de la culture en place. Les plus audacieux se permettent de passer le strip-till en combiné avec le semoir monograine derrière une dérobée, sitôt l'ensileuse sortie du champ. La prairie (souvent du ray-grass italien) est alors détruite par un passage de glyphosate en post-semis. Mais comme observé à La Jaillière, un précédent prairie de longue durée est plus délicat car il peut créer un sol creux. Un semoir monograine, avec des éléments semeurs lourds et des roues de fermeture, est alors indispensable. Avec le strip-till, on peut aussi imaginer des couverts végétaux différenciés sur le rang et l'interrang. Arvalis étudie cette nouvelle façon de faire (voir encadré).
PAS D'ÉCARTS DE RENDEMENT SIGNIFICATIFS
Le strip-till a également l'avantage de permettre une localisation de l'engrais azoté en profondeur dans la bande travaillée. L'intérêt agronomique de cette localisation, mais aussi les risques de perte par lessivage seront prochainement évalués par Arvalis. L'institut étudiera aussi la possibilité d'utiliser le strip-till comme enfouisseur derrière une tonne à lisier, effluent présent chez de nombreux éleveurs.
En 2011 et 2012, trois sites d'Arvalis ont accueilli des expérimentations comparant trois techniques d'implantation du maïs : labour, sans labour classique avec décompaction profonde, et utilisation du strip-till. « Les trois méthodes ont potentiellement atteint des rendements équivalents, mais le strip-till nécessite une technicité supérieure. D'ailleurs, en 2012, les écarts sont quasi nuls, sans doute en raison d'une meilleure maîtrise de l'outil », explique Romain Légère.
D.G.
Les plus audacieux se permettent de passer le strip-till en combiné avec le semoir monograine derrière une dérobée, sitôt l'ensileuse sortie du champ. La prairie (souvent du ray-grass italien) est alors détruite par un passage de glyphosate en post-semis. © D.G.
Après la Prim’Holstein, la Génétique Haute Performance débarque en Normande
Ils rétrofitent un John Deere en électrique : le verdict après un an d’utilisation
Logettes ou aire paillée ? Comment sont logées les vaches laitières françaises
La dégradation de la conjoncture menace le prix du lait
Dermatose dans le Rhône : de nombreuses races renoncent au Sommet de l’élevage
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La FNSEA appelle à « une grande journée d'action » le 26 septembre
Comment préparer une vache à la césarienne
Face à une perte de compétitivité inédite, accompagner davantage les agriculteurs
La qualité de l’air à proximité des unités de méthanisation est satisfaisante