FAIRE LE BON DIAGNOSTIC POUR TRAITER EFFICACEMENT

© CHRISTIAN WATIER
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L'origine des boiteries est multifactorielle. Pour réduire leur fréquence en élevage, il est nécessaire d'identifier la source du problème à travers un diagnostic global de l'état réel du troupeau.

L'ABANDON DU PÂTURAGE, UNE ALIMENTATION RICHE en éléments fermentescibles, la généralisation des surfaces bétonnées, la saturation des bâtiments ou encore les mouvements d'animaux entre les élevages sont autant de facteurs de risques qui expliquent la prévalence des boiteries. Or, une vache qui boite, c'est une vache qui se déplace moins, qui mange moins et donc qui produit moins. Ses performances de reproduction peuvent aussi être altérées, car la détection des chaleurs est rendue plus délicate par la diminution du chevauchement. Si le parage curatif consiste à faire en sorte que la vache ne boite plus, le parage préventif apparaît de plus en plus comme une étape incontournable. « Il permet de rééquilibrer les aplombs et de détecter les prémices d'une maladie dans le troupeau », rappelle Vincent Claisse, conseiller nutritionniste d'Avenir Conseil Élevage (Nord-Picardie).

En logettes, les professionnels recommandent au minimum un parage préventif annuel de tout le troupeau. Si les aires d'exercice sont équipées de tapis, il n'y a pas d'usure des sabots. Deux parages minimum sont alors nécessaires.

En aire paillée, Aurélien Meurisse, vétérinaire dans le Pas-de-Calais, recommande un parage préventif annuel dès que le nombre de cas cliniques atteint 10 % du troupeau dans l'année. Car l'intervention d'un pédicure bovin sur les vaches boiteuses est insuffisante pour traiter le problème en profondeur. Pour réduire la fréquence des boiteries, il est impératif de remonter à la source du problème et d'y remédier.

PAS DE CONSEILS SANS LEVER LES PATTES !

Pour répondre à la demande de ses adhérents, Avenir Conseil Élevage propose un service de diagnostic du troupeau. Il s'appuie sur la méthode validée par l'Institut de l'élevage en 2011, dans le cadre du projet Casdar intitulé « Guide d'intervention pour la maîtrise des boiteries en troupeaux laitiers ». « La première étape du diagnostic repose sur une évaluation de la fréquence des boiteries en notant les postures des vaches en position fixe (voir schéma). Avec moins de 70 % de vaches saines, il est temps d'agir, prévient Vincent Claisse. Le parage de tout le troupeau ou d'un nombre réduit d'animaux représentatifs permet ensuite de noter les lésions qui permettront d'identifier les maladies en cause pour ne pas se tromper de cible. Par exemple, faire un pédiluve si l'origine des boiteries est non infectieuse ne sera pas ou peu efficace. Il est donc indispensable de savoir identifier les lésions. Certaines sont caractéristiques d'une maladie et d'autres communes à deux maladies. Donc gare aux raccourcis ! C'est un ensemble de lésions qui permettra de déterminer si l'origine des boiteries est infectieuse ou non. » Concrètement, les boiteries sont causées par cinq maladies principales : panaris, fourchet, dermatite digitée ou maladie de Mortellaro, fourbure et abcès de la sole. « Dans 85 % des élevages, une maladie prédomine. Sur cette base, le conseiller va corriger les facteurs de risques en portant l'investigation sur l'habitat, l'alimentation ou la conduite sanitaire. »

UN LOGICIEL POUR FAIRE LE LIEN ENTRE LE PARAGE ET LE CONSEIL

Dans toutes les typologies d'élevage, le parage constitue une étape essentielle à l'identification des maladies. Avenir Conseil Élevage fait notamment appel aux pareurs recrutés par son voisin du Pas-de-Calais. Oxygen Conseil Élevage a développé le logiciel Opti-parage qui fait le lien entre le pareur et le conseiller d'élevage. Sur un écran tactile fixé à la cage de parage, le pédicure saisit vache par vache les lésions constatées sur chaque patte. Autant de données qui faciliteront la mise en oeuvre d'un plan d'amélioration adapté. « L'origine des boiteries est multifactorielle, rappelle Alain Casiez, pareur chez Oxygen, formé au CFPPA du Rheu (Ille-et-Vilaine). Noter toutes les lésions dans le logiciel, quelle que soit leur gravité, permet de prolonger l'intervention du pareur. Le conseiller pourra ainsi coupler les données d'Opti-parage et l'observation des conditions d'élevage pour cibler les facteurs de risques favorables au développement de la maladie. » Les boiteries traumatiques (abcès de la sole) sont consécutives à la pénétration d'un objet tranchant ayant provoqué une infection entre la corne et la chair. Après une intervention curative, la prévention passe par l'élimination des éléments blessants. Idem pour les panaris provoqués par une blessure, même légère, laissant la porte ouverte à une infection bactérienne qui va se propager et créer une inflammation, une boiterie sévère, voire l'apparition d'une limace (excroissance de chair entre les onglons). Il s'agit d'une boiterie d'origine mixte, la seule qui justifie le recours aux antibiotiques. Un pédiluve et l'isolement des animaux infectés pourront être associés pour prévenir la contagion. Au rang des boiteries infectieuses, la maladie de Mortellaro (voir pages 40-42) est une infection caractéristique des milieux humides. La porte d'entrée de la bactérie peut être une lésion ou une simple irritation. Elle peut se transmettre d'une exploitation à l'autre, d'où l'importance de mesures sanitaires préventives vis-à-vis de l'introduction d'animaux et des intervenants extérieurs. Le fourchet est également une maladie contagieuse et inflammatoire, provoquée par une bactérie des milieux humides, qui crée une érosion au niveau du talon. « Il faut agir à deux niveaux : traiter les vaches infectées, et réduire la pression infectieuse des bactéries anaérobies. Avant de penser au pédiluve, il faut assainir l'environnement en supprimant les zones humides dans le bâtiment à travers un raclage efficace et une bonne ventilation, mais aussi à l'extérieur dans les chemins d'accès aux pâtures. »

L'ACIDOSE DU RUMEN À L'ORIGINE DE BOITERIES NON INFECTIEUSES

Si la composante infectieuse du fourchet, de la maladie de Mortellaro et du panaris permet d'incriminer des problèmes de logement et de conduite sanitaire, ceux-ci ne sont pas à suspecter en présence de fourbure. L'acidose est un facteur clé conduisant à l'apparition de cette maladie non infectieuse. Elle peut mener à des onglons longs ou déformés avec présence de stries sur la corne. Les lésions caractéristiques incluent des hémorragies de la sole, une coloration jaunâtre de la corne, une séparation de la ligne blanche (voir pages 38-39), ou encore une fissure du talon. Infections, ulcères et abcès peuvent également apparaître sur une corne plus friable, à la croissance ralentie en présence de fourbure. Parallèlement au calage alimentaire qui visera à corriger l'acidose du rumen, une attention particulière devra porter sur le confort de couchage. En effet, un temps de couchage réduit (optimum entre dix et quatorze heures) du fait de logettes inconfortables ou en nombre insuffisant, une station debout prolongée ou une marche devant l'auge, qui entraîne un report de poids sur les membres postérieurs, provoquent des pieds congestionnés qui prédisposent les animaux à des lésions traumatiques. « Dans ce cas, un calage alimentaire est nécessaire. Mais là encore, les facteurs de risques sont nombreux. En situation de stress important, l'animal produit des toxines qui modifient la croissance de la corne : des transitions mal gérées, un changement de logement pour les génisses, une mise bas difficile... La prévention passe par l'alimentation, le confort du logement, la réduction du stress et le parage préventif annuel. » Ce parage de routine permet de rééquilibrer la surface portante et de stimuler la production de corne saine pour soulager la douleur de l'animal. Vincent Claisse recommande d'impliquer l'éleveur tout au long de la démarche. « Le diagnostic et la mise en place d'un plan d'action ne représentent que 10 % du chemin à parcourir pour améliorer la situation. Au même titre que les mammites, l'éleveur doit prendre à bras-le-corps le problème des boiteries au quotidien. »

JÉRÔME PEZON

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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