« NOTRE SYSTÈME 100 % HERBE DOIT RESTER ÉCONOME »

Valérie et David Vivot (sur la photo avec Tom, le plus jeune de leurs trois enfants) tiennent également à concilier vie de l'exploitation et vie de famille et à ne pas se couper de leurs amis qui travaillent en dehors de l'agriculture.© A.B.
Valérie et David Vivot (sur la photo avec Tom, le plus jeune de leurs trois enfants) tiennent également à concilier vie de l'exploitation et vie de famille et à ne pas se couper de leurs amis qui travaillent en dehors de l'agriculture.© A.B. (©)

En AOP comté-morbier, Valérie et David Vivot sont prêts à faire plus de lait mais pas dans n'importe quelles conditions. Pas question d'augmenter les factures de concentrés.

À 900 M D'ALTITUDE ET EN SYSTÈME TOUT HERBE, Valérie et David Vivot doivent compter de plus en plus avec les aléas de la nature. « En 2006, nous avons eu la sécheresse, déplorent-ils. En 2011, nos parcelles ont été ravagées par les campagnols. Ce printemps, il a fallu faire avec le froid. » Alors que le pâturage était bien parti, il a neigé mi-mai. Les vaches ont dû être rentrées. Avec le recul, c'était la bonne décision. Les terrains n'ont pas été abîmés et le jeune couple a préservé le potentiel de pâturage, même si mi-juin, la saison d'herbe était encore incertaine. « Avec une pousse ralentie, les surfaces dédiées au pâturage seront peut-être consommées plus rapidement et il y aura moins de foin à rentrer pour l'hiver prochain, note David. Heureusement, au prix où notre lait est payé (près de 480 €/1 000 l), nous pouvons encore nous permettre si besoin d'acheter du fourrage à des coûts raisonnables. » Celui-ci est alors consommé par les génisses. Le foin produit sur l'exploitation et séché en grange est réservé aux laitières.

1. L'ATTENTE DES ÉLEVEURS

Installé avec ses parents en 2004, David a repris l'exploitation familiale il y a cinq ans. Jusqu'à l'an passé, la ferme avait dû se contenter d'un quota de 214 000 l. En effet, faute de volumes disponibles à redistribuer dans le département, les attributions supplémentaires ont longtemps été quasi inexistantes dans le Doubs. Ce n'est que depuis 2012-2013, avec la constitution du bassin laitier grand Est que le département récupère des litrages supplémentaires. Dans ce contexte, David s'était attaché à construire un système économe et autonome avec des vêlages groupés en fin d'hiver et au printemps pour maximiser la production de lait à l'herbe (70 % du quota annuel), avec des vaches à 6 000 l/an et 800 kg de concentré. De début mai à fin octobre, soit 160 jours par an, les 38 montbéliardes pâturaient intégralement sans autre complément fourrager, avec 1 kg de concentré par vache et par jour.

En 2012, avec l'installation de Valérie et la création d'un Gaec entre époux, 45 000 l supplémentaires ont été attribués à l'exploitation. Cette rallonge constitue une opportunité intéressante pour les associés qui ont des annuités d'emprunts à moyen et long termes élevées (3 300 € par mois pour la ferme et 1 100 € pour le privé). En 2009, ils ont dû acheter 33 ha de terrains, les bâtiments d'exploitation (une étable entravée avec pipeline) et la grande maison d'habitation.

2. CE QUE DEMANDE LA LAITERIE

Le couple livre à la coopérative des Monts de Joux, la plus grosse entreprise fromagère du Doubs, avec 60 millions de litres de lait transformés, 250 exploitations et plusieurs sites de fabrication d'AOC comté, morbier et mont d'or.

« C'est l'une des coopératives les plus dynamiques du département, pointe David. Tout le lait livré est rémunéré en prix A. Malgré tout, dans nos projets, nous intégrons la perspective d'un éventuel prix B. Quand les 45 000 l nous ont été attribués début 2012, nous avons consulté notre coopérative pour savoir si ces litrages supplémentaires pourraient être valorisés. Ici, nous ne sommes pas que des producteurs de lait. Nous nous intéressons à l'équilibre des marchés de nos fromages. Le but est de maintenir, voire d'améliorer encore notre prix du lait. »

3. LES FACTEURS LIMITANTS

Valérie et David ont la structure et l'équipement pour faire le lait. Toutes les parcelles sont accessibles aux vaches. Dans l'étable entravée avec pipeline, ils peuvent traire jusqu'à 50 vaches. Les six griffes avec décrochage automatique ont été renouvelées en 2006, et un tank à lait avec lavage automatique a été acquis en 2012.

Par contre, la nature hétérogène des terrains (pâtures sur sols séchants et roches, prairies de fauche sur terrains modérément à fortement hydromorphes) constitue un facteur limitant. Le potentiel de pousse correct (3,5 t de matière sèche à la première coupe, et 1,5 à 2 t pour la repousse) peut être fortement altéré par les campagnols et les sécheresses. Alimenter correctement plus de 65 UGB n'est pas assuré.

4. LES LEVIERS MOBILISABLES

Dans ce contexte, les éleveurs se sont interrogés sur les conditions dans lesquelles il serait intéressant de se rapprocher de leur nouveau droit à produire (279 000 l dont 20 000 l d'attributions supplémentaires au titre des petits producteurs) en modulant leur volume de production selon l'année fourragère et le prix du lait.

Avec l'aide de Vincent Cassez, de la chambre d'agriculture du Doubs, deux scénarios ont été étudiés (voir infographie).

Le premier baptisé « voie alimentation » prévoyait au préalable de limiter le nombre de génisses élevées à 20-25 % de renouvellement (contre 47 % initialement, soit 11 génisses par an au lieu de 18) et de porter l'effectif des laitières à 50, soit 12 de plus. Dans ce scénario, l'alimentation des vaches était modulée selon l'année fourragère, l'efficacité technique du concentré, le coût de ce dernier et le prix du lait.

Le second scénario faisait varier les effectifs en cours de campagne en jouant sur la rétention ou la vente des réformes et des génisses.

Les conclusions de l'étude ont conforté Valérie et David dans l'orientation qu'ils ont prise en 2012-2013. Pour produire les 45 000 l supplémentaires qui leur avaient été attribués sur cette campagne, ils ont en effet choisi de diminuer le nombre de génisses et d'augmenter celui d'animaux en production (jusqu'à 49 laitières malgré les soucis liés à la maladie de Schmallenberg et les 7 vaches réformées pour infertilité).

La campagne 2012-2013 s'est révélée être une bonne année test pour approcher le potentiel de production de l'exploitation. « Dans de mauvaises conditions, nous avons réussi à faire 45 000 l supplémentaires, constatent les jeunes éleveurs. Avec les mulots qui avaient labouré 40 ha de nos champs l'année précédente, du mauvais foin et un tri tardif fait parmi les vaches, nous avons produit notre nouveau quota sans pousser sur le concentré, avec une tonne par vache. En année favorable avec du foin de qualité et de la pâture disponible, nous pouvons faire 300 000 l. » La rallonge de quota a été réalisée sans travail supplémentaire à l'étable, car l'effectif global du troupeau (80 animaux) n'a pas bougé. Se concentrer sur la traite du lait en passant moins de temps à soigner les jeunes s'est révélé positif. « Nous ne sommes pas équipés en bâtiment pour les génisses, explique David. Une partie des élèves est logée dans un coin de l'étable entravée dépourvu de système de curage. Le reste se trouve sur une aire paillée, aménagée dans le bâtiment attenant, dédié au stockage de foin. Les génisses que nous vendions à l'exportation étaient bien payées mais compte tenu des frais de production, la marge n'était pas si intéressante que ça. »

« PRIORITÉ À LA SÉCURISATION DU POTENTIEL FOURRAGER »

« 50 vaches dans notre étable entravée, c'est un maximum, estime Valérie. Outre la pénibilité, la traite devient vite lourde quand plusieurs vaches sont au pot. Dans trois ans, quand le niveau d'annuités aura baissé, il sera peut-être possible d'investir dans une stabulation libre. Peut-être y aura-t-il, à l'avenir, des opportunités de reprise de parcelles qui permettront de franchir une nouvelle étape. La bonne occasion fera que nous produirons ou non plus de lait. »

Pour les éleveurs, la priorité aujourd'hui est de sécuriser leur potentiel fourrager. « Depuis deux ans, nous sommes plus intensifs sur la surface. Mi-juin, un passage d'azote (30 unités/ha) est désormais effectué sur toute la surface fauchée en première coupe avant la seconde et le pâturage des regains. La conduite du pâturage tournant a été revue. Des parcelles ont été divisées. Les hauteurs d'herbe en entrée et en sortie sont mesurées. Du coup, sur la même surface, nous mettons 5 vaches de plus et nous faisons plus de lait. » Cette année, les terrains de fauche, trop acides (pH 5,3), ont été chaulés. Un suivi de reproduction avec échographie a aussi été mis en place.

L'étude conforte également Valérie et David dans leur choix de continuer à produire économe. « Nous sommes partis sur un système pâturant à faibles charges. Les frais vétérinaires sont maîtrisés (48 €/UGB contre 80 € pour les exploitations de moyenne montagne qui ont opté pour un développement par la voie animale). Nous n'avons ni problème de pattes (un parage par an) ni fièvre de lait. La consommation de fuel est faible. Quand nous avons goûté à un tel système, il n'est pas question de revenir en arrière. De toute façon, le cahier des charges du comté limite notre niveau de production à 4 600 l/ha de SAU, ce qui est une bonne chose pour l'image du produit. »

Même s'ils sont prêts à faire plus de lait pour améliorer leur revenu, Valérie et David ne souhaitent pas s'écarter de leur philosophie de base. « Le volume de lait produit est défini en fonction des disponibilités en herbe à pâturer et de la qualité du foin. Nous ajustons la ration de base avec un peu de concentré. Jamais plus d'1 kg par vache et par jour de pâturage. »

ANNE BRÉHIER

SOURCE : IDELE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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