
L'enquête réalisée au sein du réseau des Cuma révèle l'intérêt économique des chantiers de récolte collectifs. Mais, soucieux de ne pas compromettre la qualité du foin, peu d'éleveurs s'engagent dans cette démarche.
LE PRINCIPE D'INVESTIR EN COMMUN DANS LA CHAÎNE DE RÉCOLTE DU FOIN est une idée difficile à faire avancer dans le Doubs, où les systèmes AOC reposent en grande partie sur la qualité de la première coupe », constate Émilie Castang, animatrice de la FDCuma. Les éleveurs ont peur de ne pas pouvoir intervenir au bon moment et de rater leur foin dans un contexte où, au printemps, les fenêtres climatiques d'une semaine de beau temps sont rares, comme le montrent les conditions d'humidité cette année. Or, chacun a besoin de la presse en même temps. C'est pourquoi l'investissement collectif se limite souvent à un ou deux outils, rarement la presse, encore moins l'ensemble de la chaîne de récolte », explique-t-elle.
En effet, à cette période, l'intérêt de récolter tôt est double : assurer la qualité alimentaire du fourrage et favoriser la repousse. Cela explique le choix de la majorité des éleveurs d'avoir leur matériel en propriété pour intervenir au meilleur moment, « même si cette stratégie d'investissement pèse lourd sur les charges de mécanisation et le temps de travail lié aux allers-retours pour changer d'outils », souligne Richard Wylleman, conseiller machinisme de la chambre d'agriculture de l'Yonne.
JUSQU'À 35 % D'ÉCONOMIE SUR LE COÛT DU FOURRAGE
La vitesse de chantier, permise par l'achat en commun de matériels performants et une organisation collective de la chaîne de récolte, contrebalance la disponibilité partagée du matériel. Certes, l'individuel peut commencer plus tôt, mais lorsque le groupe se met en action, le débit de chantier permet alors de rattraper le retard. L'enquête réalisée au sein du réseau des Cuma montre que ces matériels, souvent trop coûteux pour un individuel, et une organisation rigoureuse permettent d'économiser jusqu'à 50 % sur le temps travail et 35 % sur le coût de la tonne de fourrage stocké (voir graphique ci-dessous).
Si l'investissement collectif permet de rentabiliser du matériel performant, certaines conditions doivent être réunies pour réussir. Tout d'abord, la communication entre les adhérents de la Cuma et la volonté de planifier ensemble chaque intervention. « Souvent, l'organisation se limite à un planning de fauche, chacun gérant par ailleurs son chantier de façon indépendante », constate le conseiller. Or, le travail en entraide, qui consiste pour chaque adhérent à prendre en charge un attelage et à intervenir sur les parcelles définies dans un planning, permet d'optimiser le gain de temps pour intervenir au meilleur moment (réduction du temps passé sur la route, à atteler puis dételer les outils). « Il faut garder à l'esprit qu'une partie du temps économisé doit être consacrée à l'organisation. La clé de voûte de ce système est de travailler par îlots définis en fonction de la précocité et de la proximité des parcelles, mais aussi du rendement de la presse », dit Richard Wylleman
GÉRER LA FAUCHE SELON LA CAPACITÉ DE LA PRESSE
Concernant le volet investissements, deux outils vont définir le rendement du chantier : la faucheuse et la presse. L'erreur à ne pas commettre lorsque s'ouvre une fenêtre climatique favorable est de faucher le maximum de surface, sans se préoccuper de la capacité de pressage qui devient alors rapidement un facteur limitant (surtout si la presse est le seul outil en commun : tout le monde en a alors besoin en même temps). Avec une surface de fauche importante, l'utilisation d'une presse à balles carrées devient possible. L'enquête réalisée sur un échantillon de 164 presses à balles rondes utilisées en Cuma (180 x 120 par chambre variable), à raison de 2 982 balles/an en moyenne et compte tenu d'un prix d'achat constaté de 29 875 €, révèle un coût de revient de 1,87 €/balle (charges fixes et variables, ficelles non comprises). Le même travail réalisé sur un échantillon de 21 presses à balles carrées (90 x 120/haute densité), pour 5 574 balles/an et un prix d'achat de 89 700 €, révèle un coût de revient de 2,76 €/balle. Mais avec un débit (4 ha/heure) deux fois supérieur à celui d'une presse à balles rondes, la presse à balles carrées permet de constituer des îlots de fauche de 30 ha qui pourront être pressés dans la journée. On estime que cet investissement peut être rentabilisé à partir de 5 600 balles/an (2 200 t), tandis qu'une presse à balles rondes l'est à partir de 3 000 balles (900 t).
MUTUALISER LES PERTES DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR
« En outre, le format rectangulaire et la densité de pressage permettent de réduire les coûts de transport, de manutention et de stockage, et l'utilisation d'un tracteur dédié à la presse permet d'optimiser son fonctionnement en limitant les temps morts. L'inconvénient est la moindre imperméabilité à la pluie, qui implique de rentrer rapidement la récolte. »
Ce travail d'enquête permet de chiffrer les gains à attendre d'une organisation collective de la récolte. Reste à savoir si les éleveurs situés en zone d'élevage où le foin est une constituante essentielle de la ration oseront franchir le pas. Dans cet environnement particulier où les parcelles de fauche sont parfois éloignées, l'animatrice de la FDCuma du Doubs rappelle que la chaîne de récolte doit s'organiser de préférence autour d'un groupe de trois à quatre éleveurs maximum. « Il est également possible de prévoir la mutualisation du mauvais foin dans le règlement intérieur de la Cuma. » Ou miser sur la confiance mutuelle, règle de base de toute organisation collective.
JÉRÔME PEZON
Pour optimiser les chaînes de récolte réalisées en commun, le travail s'effectue en entraide, chaque adhérent prenant en charge un attelage et intervenant sur les parcelles définies dans le planning prévisionnel. © CLAUDIUS THIRIET
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