« NOUS AVONS DÉMONTÉ LE ROBOT ET RÉINSTALLÉ UNE SALLE DE TRAITE »

« Un an après le retour à la salle de traite classique, nous avions complètement retrouvé nos marques », note Daniel DuclossonPHOTOS : © ANNE BRÉHIER
« Un an après le retour à la salle de traite classique, nous avions complètement retrouvé nos marques », note Daniel DuclossonPHOTOS : © ANNE BRÉHIER (©)

Au Gaec des Charmassy, l'échec de la mise en route du robot, entraînant le retour à la salle de traite classique, a été un coup dur. Surmonté, celui-ci s'est finalement transformé en opportunité.

TROIS ANS APRÈS LA REVENTE DE SON ROBOT, Daniel Duclosson, du Gaec Les Charmassy, est prêt à en parler. « Avec le recul, je ne crains plus le regard des autres, explique-t-il. Mais sur le coup, ça n'aurait pas été possible. C'était trop dur. » En février 2009, alors en Gaec avec son neveu Yannick, avec une production de 460 000 l de lait IGP tomme et emmental de Savoie en qualité A*, Daniel Duclosson opte pour un robot. La salle de traite, un épi 2 x 4 datant de 1987, avait fait son temps et ne convenait plus à un troupeau de 50 vaches hautes productrices (9 000 kg/VL/ an). « À l'époque, nous avions de la trésorerie. Aucun autre investissement n'était à faire. Yannick n'aimait pas trop traire, précise l'éleveur. Alors que dans le secteur, plusieurs exploitations étaient parties dans cette voie, nous nous sommes dit : un robot, pourquoi pas ? »

Le robot a été installé sur l'un des quais de l'ancienne salle de traite, après un an de réflexion et plusieurs visites dans des exploitations équipées où « tout allait bien ». Une étude économique avait confirmé la faisabilité de l'investissement (130 000 €). Pour que les vaches soient très propres pour le robot, un racloir à cordes avait été installé sur l'aire d'exercice. « Dès le début, nous avons été confrontés à des problèmes de fréquentation, rappelle Daniel Duclosson. Avril et mai ont été meilleurs, mais nous poussions toujours beaucoup de vaches. Après un printemps plutôt correct, l'été a été catastrophique. » Un quart seulement du troupeau se déplaçait spontanément jusqu'au robot. La fréquentation moyenne se situait autour de 1,7 traite par jour. Les vaches stressées perdaient du lait dans les logettes, mais aussi au cours de leurs déplacements. « Les moyennes cellulaires s'envolaient : 340 000 cellules/millilitre en mars, 600 000 en juillet. Nous étions à la limite de l'arrêt de collecte. Le TP se dégradait. » Pour les éleveurs, cette période a été très difficile. Connu pour sa rigueur et son goût de l'élevage, Daniel Duclosson l'a très mal vécue.

« LE RÊVE SE TRANSFORMAIT EN CAUCHEMAR »

« Je travaillais alors dans un esprit de modernité et de performance. J'étais fi er de présenter mes animaux sur les rings des concours départementaux et dans certaines enceintes nationales, telles que le concours d'Épinal. Le fonctionnement chaotique du robot a perturbé ma vie professionnelle et privée. Je n'avais plus envie de me lever le matin. Je me réjouissais même des week-ends où je n'étais pas de garde. Ça n'avait plus de sens. C'était à en pleurer. Alors que mon père avait bossé pour amener le troupeau au niveau génétique où il était, tout partait en vrille. Le rêve que nous avions acheté se transformait en véritable cauchemar. »

Avec le recul, Daniel Duclosson s'interroge. « Peut-être étais je robot incompatible ? Peut-être n'avons-nous pas assez fait confiance aux vaches, peut-être les avons-nous trop poussées ? Mais retrouver une primipare prometteuse couchée dans l'aire d'attente du robot et non traite depuis vingt heures m'était insupportable. Nous n'avons jamais eu autant de gros jarrets qu'à cette époque. 5 vaches ont dû être réformées. » Bien que n'aimant pas l'informatique, Daniel et son associé visualisaient chaque jour l'écran du logiciel du robot. Ce qui n'avait rien d'encourageant à l'époque. « La liste des vaches non traites était toujours aussi longue. Financièrement, la trésorerie était tendue. Heureusement avec mon associé, l'entente était bonne. »

« DES PRÉCONISATIONS ONT ÉTÉ FAITES APRÈS UN AUDIT »

En septembre, alors que les éleveurs et les animaux étaient au bout du rouleau, réunir tout le monde autour de la table est apparu indispensable. « La situation ne pouvait pas durer. » Le 10 septembre 2009, plusieurs représentants du constructeur, le concessionnaire, le contrôleur laitier et le vétérinaire nutritionniste, auquel le Gaec avait fait appel pour établir un audit extérieur de l'élevage, se sont retrouvés sur l'exploitation. Des préconisations ont été faites : modification de l'alimentation, amélioration de l'éclairage autour du robot, diagnostic électrique et géobiologique, délissage des sols. Elles ont été appliquées. Deux mois plus tard, toutefois, alors que la situation ne s'était pas améliorée aux yeux des éleveurs, la décision est prise de remettre une salle de traite. « À partir du moment où nous avons choisi de démonter le robot, nous nous sommes sentis libérés, même si reprendre la traite n'a pas été facile. C'était un peu un retour en arrière. »

« REPRENDRE LA TRAITE N'A PAS ÉTÉ FACILE

La nouvelle salle de traite, un épi 2 x 6 dernier cri avec décrochage, compteurs à lait agréés et alertes au Dac, était posée le 1er février 2010. En moins de trois semaines, la production moyenne par vache présente et par jour est remontée à 32-33 l, les concentrations cellulaires de tank ont baissé de 360 000 cellules/ ml à moins de 150 000 sans aucun traitement, et le TP du lait est remonté à 32,5 g/l. Mise à part la réinstallation du Dac sur l'ancienne aire d'attente du robot, aucun changement n'a été effectué dans le bâtiment. « Depuis mars 2010, nous sommes de nouveau en qualité A, ce qui affecte positivement la paie de lait (800 à 900 € de plus par mois) », se félicite Daniel Duclosson. En lait cru, le niveau d'exigence des grilles de qualité savoyardes est élevé. Les 50 prim'holsteins et les éleveurs avaient retrouvé leur sérénité. « En un an, nous avons repris nos marques. Avec le robot, nous avions mis le troupeau en situation de stress. »

Le retour à une salle de traite classique a fi nalement aidé le Gaec à franchir une nouvelle étape de son développement, l'automne dernier. En effet, l'exploitation s'est regroupée avec celle d'un voisin, portant l'effectif du troupeau à 85 vaches et le quota à 750 000 l. « Avec un robot, nous n'aurions pas pu accueillir le nouvel associé sans investir dans une deuxième stalle diffi cile à rentabiliser. Avec notre épi 2 x 6, c'est possible. Le temps consacré à la traite a “juste” augmenté de 30 minutes, Pour un trayeur seul, qui fait boire les veaux élevés à proximité, il faut désormais 1 h 30 pour traire les 75 vaches. »

« ON PEUT SORTIR PLUS FORT D'UNE ÉPREUVE SI ON EN TIRE DES ENSEIGNEMENTS »

Un coup dur peut aussi se transformer en opportunité. « On peut sortir plus fort d'une telle épreuve si on en tire certains enseignements, estime aujourd'hui Daniel Duclosson dont le regard sur la modernité a évolué. Contrairement à l'introduction de la robotique en industrie, en élevage, on travaille avec du vivant, en l'occurrence avec des animaux qu'on ne manipule pas comme ça. Par ailleurs, comme l'argent l'a longtemps été, le robot est un peu tabou en agriculture. Dans les visites, tout va toujours bien. Ce n'est que quand ça va mal qu'on rencontre des gens mécontents, pas quand on investit. »

Le fait d'avoir des activités extra-agricoles aide dans les moments diffi ciles. « Spontanément, on a plutôt envie de s'isoler et de rester chez soi, observe Daniel, adjoint au maire de sa commune. Mais on risque de déprimer. Sortir fait du bien. »

* 180 000 cellules/ml de concentration leucocytaire.

Initialement surdimensionnée, la stabulation à logettes convient bien aujourd'hui au regroupement des deux troupeaux.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

Tapez un ou plusieurs mots-clés...