Nouvelle pratique. La filière innovante du Bœuf Éthique expérimente en Bourgogne l’abattage mobile à la ferme. Un défi.
Depuis début septembre, en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire, un ensemble routier particulier sillonne les routes de campagne. Composé de deux poids lourds, il s’installe chaque jour dans une ferme de la région pour y abattre sur place des animaux. Deux camions frigorifiques abritent la tuerie et le poste d’éviscération, ainsi que le local de ressuyage et de stockage des carcasses (24 au maximum). Une remorque héberge les vestiaires des cinq opérateurs et le bureau du vétérinaire. La présence de ce dernier, mandaté par l’État, est indispensable.
Les 25 et 26 octobre derniers, l’abattoir mobile du Bœuf Éthique opérait dans une exploitation laitière de l’Auxois. En deux matinées, six vaches simmentals avaient été tuées, saignées, éviscérées, pesées, classifiées, dans une ambiance apaisée. Les après-midi étaient consacrées au nettoyage des équipements.
Fabriqués à partir d’un modèle suédois(1), les véhicules répondent aux normes d’hygiène et de sécurité alimentaire ainsi qu’aux exigences en matière de protection animale prévues par la réglementation française et européenne. « L’isolation et la configuration des camions ont été très bien conçues, souligne Émilie Jeannin, éleveuse en Côte-d’Or, à l’origine du projet. Alors qu’on nous prédisait que le ressuyage des carcasses serait impossible, on y parvient grâce au surpresseur et à l’extracteur d’humidité dont ils sont équipés. Ce ne sont pas de simples camions frigorifiques. »
Carcasses transférées à l’abattoir local
Équipé de deux générateurs, l’ensemble est autonome en électricité, et est également doté d’une cuve d’eau propre (4 000 litres, avec possibilité de recharger à la ferme) et d’un système de stockage des eaux usées. Celles-ci sont récupérées par des prestataires spécialisés.
Une fois par semaine, les carcasses sont transférées à l’abattoir d’Autun (Saône-et-Loire). C’est là que s’effectuent la maturation (quinze jours), la découpe, la préparation des commandes et l’envoi des viandes via Chronofresh. C’est là également que sont acheminées les peaux, préalablement salées et déposées dans des bacs spécifiques. Les déchets issus de l’abattage sont placés dans un conteneur fermé, puis collectés sur l’exploitation par des sociétés d’équarrissage en contrat avec Le Bœuf Éthique.
L’abattage à la ferme ne s’effectue pas sans un travail minutieux en amont. Lors d’une visite préalable de l’exploitation, le responsable qualité de la filière vérifie l’adéquation des accès routiers et identifie l’emplacement où s’installera l’abattoir mobile. Une déclaration ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) est nécessaire à chaque exploitation, pour attester de son impact environnemental.
Polyvalentes, les équipes participent à la fois au déplacement de l’abattoir mobile, à son installation dans les fermes, et sont en relation directe avec les éleveurs. Les agents sont formés à la protection animale en abattoir (qualification Responsable protection animale-RPA) et au bien-être animal par des experts de l’Institut de l’élevage. Le nombre volontairement limité de bêtes abattues par jour (4 en moyenne actuellement, 10 au maximum à terme) permet d’instaurer une cadence lente, avec du temps entre chaque animal. Ce qui offre aux opérateurs des conditions de travail optimales ainsi qu’une meilleure prise en charge de l’animal. Entre l’éleveur, présent tout au long du processus, et le vétérinaire, les échanges sont facilités.
Une stratégie de valeur ajoutée
Le coût de l’abattage, nécessairement élevé dans de telles conditions, n’est pas supporté par l’éleveur, mais par la filière Le Bœuf Éthique, qui achète les bêtes (vaches et veaux essentiellement). À cette dernière de générer une plus-value suffisante, afin de couvrir les charges mais aussi pour rémunérer correctement les producteurs (lire l’encadré). « Nous ne nous inscrivons pas dans une stratégie de volume mais de valeur ajoutée, précise Émilie Jeannin. Notre objectif est de 1 000 tonnes par an. Mais si on trouve un équilibre économique avec moins de bêtes, ce sera tant mieux. »
Trois mois après son démarrage, l’abattoir mobile se considère toujours en rodage. « L’essentiel est de bien caler les choses, souligne Émilie Jeannin. Nous sommes très regardés. Nous n’avons pas le droit au faux pas. » Le planning de travail est organisé deux mois à l’avance, de façon à rationaliser les déplacements de l’abattoir, de l’équipe et du vétérinaire. C’est l’une des clés de la réussite. Fin octobre, les bêtes étaient déjà sous contrat pour être abattues en janvier-février.
Rendu possible par la loi Égalim, qui prévoit une expérimentation de ce type, l’abattoir mobile a été soutenu dans le cadre du plan France Relance : 1,8 million d’euros ont été investis dans le projet. Mais outre de nombreux déplacements improductifs d’une ferme à l’autre, et la nécessité d’une disponibilité indéfectible du vétérinaire mandaté par l’État, le concept réclame un grand nombre d’opérateurs : cinq à l’abattoir et huit actuellement pour la commercialisation des viandes. Le tout pour un petit tonnage. Idéal pour les animaux comme pour les opérateurs, le concept peut-il s’avérer économiquement viable ? L’expérience en cours en Bourgogne le dira.
(1) Le seul abattoir mobile suédois fonctionne depuis 2014.



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