Pourquoi la filière laitière doit-elle suivre avec attention les négociations qui se dérouleront à Copenhague ?
Sophie Bertrand : A la signature des accords de Kyoto, en 1997, l'activité agricole a été épargnée faute de connaissances suffisantes sur ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Depuis, la recherche a progressé. L'élevage, en particulier bovin, est en ligne de mire. Selon un rapport de la FAO publié en 2006, toutes productions confondues, il était responsable de 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Avec leurs rejets de méthane, les bovins sont les principaux contributeurs. Seulement, l'estimation de la FAO est partielle. D'une part, elle n'intègre pas le stockage de carbone par les prairies. D'autre part, elle ne précise pas la responsabilité des différents secteurs de l'élevage ni des différentes régions du monde.
La FAO apportera-t-elle un meilleur éclairage sur les émissions animales mondiales au Sommet de Copenhague ?
S. B. : Son objectif est d'actualiser son estimation d'ici au 7 décembre en insérant ces lacunes dans son modèle de calculs. Il lui a été demandé d'indiquer le degré d'incertitude des résultats qu'elle proposera. La recherche n'est pas suffisamment avancée pour fournir des résultats précis. La FAO est décidée à défendre l'inclusion de l'agriculture dans les prochains accords. Elle n'est cependant qu'une voix parmi d'autres et n'a qu'un rôle consultatif. Aux États appartient la décision.
Existe-t-il un consensus pour intégrer l'élevage aux efforts de réduction ?
S. B. : Non. L'Union européenne suit la position de la FAO. Elle vient de se prononcer pour l'inclusion de l'agriculture mais sans préciser quels leviers elle souhaite actionner. À l'inverse, la Fédération internationale laitière dont est membre l'industrie laitière française s'y oppose. Elle affirme être suffisamment responsable pour s'emparer de ce problème sans y être contrainte. En fait, bon nombre de pays présents au sommet n'ont pas encore clairement indiqué leur position. Les pays émergents et en développement – qui n'ont pas été impliqués dans les négociations de Kyoto – refusent toute réduction des GES s'ils ne sont pas aidés financièrement.
Avec 74 % des émissions animales mondiales, le rapport 2006 de la FAO les place parmi les principaux contributeurs agricoles, leurs systèmes de production n'étant pas très efficaces. En contrepartie, ils ont un potentiel de réduction plus important. Ils demandent aujourd'hui une aide financière. Si le principe en est acté, qui financera l'effort qui leur sera demandé ? La position des États-Unis dépendra de l'issue du projet législatif de réduction des émissions américaines de Barack Obama. Dans ce cadre, adopteront-ils une position défensive pour leur agriculture à Copenhague ? Cela reste l'inconnue.
Quels outils de réduction des émissions agricoles seront adoptés si l'agriculture figure dans le prochain accord ?
S. B. : Là encore, le débat est ouvert. Plusieurs options s'offrent aux pays signataires. La taxe carbone en est une. Si elle est retenue, qui la paiera ? Si l'on juge qu'elle sera plus facile à prélever au niveau des consommateurs ou des industriels, il y aura forcément des répercussions au niveau des producteurs. Dans le secteur laitier, cela supposera de définir le degré de responsabilité des transformateurs et des producteurs, même si tout le monde reconnaît que les exploitations laitières ont la contribution la plus importante dans le produit laitier final avant sa commercialisation. Une autre piste est de rétribuer les efforts de stockage de carbone. Avec le stockage par les prairies, l'élevage européen a une carte à jouer. Une autre encore serait de soutenir les bonnes pratiques, en particulier dans les pays émergents et en développement. Quels mécanismes seront mis en place pour les financer ?
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