Innovant. Associer la culture des arbres à celles des champs et prairies est une pratique vertueuse sur de nombreux points : agronomiques, environnementaux… Mais l’intérêt premier est le bien-être animal, associé à une optimisation du pâturage.
L’agroforesterie, pratique qui intègre l’arbre dans les parcelles agricoles, connaît un regain d’intérêt. S’il est difficile d’obtenir des chiffres nationaux, les demandes adressées aux chambres d’agriculture dans les Pays de la Loire se multiplient ces derniers mois. « En 2021, nous avons déjà réalisé 25 dossiers qui concernent entre 1 et 17 ha. Les pionniers, qui ont commencé à planter il y a quinze ans, servent de référents dans leur territoire et font des émules », explique Jean-Charles Vicet, conseiller agroforestier à la chambre régionale. L’agroforesterie consiste à planter des arbres dans les parcelles de prairies ou de cultures : ce peut être des haies bocagères en limite de parcelle mais aussi des lignes d’arbres à l’intérieur de la parcelle.
Offrir de l’ombre aux animaux
Dans l’Ouest, les candidats à l’agroforesterie sont majoritairement des éleveurs, avec comme motivation première le bien-être animal, en lien avec le réchauffement climatique. Objectif : fournir de l’ombre aux animaux. Les producteurs de volaille label qui possèdent des parcours extérieurs et les éleveurs laitiers qui font pâturer leurs vaches y sont particulièrement sensibles, notamment afin de limiter l’altération des performances des animaux pendant les périodes de fortes chaleurs.
« Chez les éleveurs laitiers, l’agroforesterie se raisonne globalement avec l’organisation du pâturage. Comment vais-je placer et cloisonner mes paddocks dans la parcelle ? Où sont les points d’eau, les accès ? L’augmentation de la taille des troupeaux pâturant impose cette optimisation et l’agroforesterie, en dessinant des lignes d’arbres, s’y intègre parfaitement », insiste Jean-Charles Vicet. Il rappelle que chaque projet, chaque parcelle est unique. Le copier-coller n’existe pas. La plantation de haies et de lignes d’arbres nécessite d’établir un plan bien raisonné avec l’éleveur.
Une capitalisation à long terme
La norme est d’implanter entre 30 et 50 arbres par hectare de façon que les arbres ne prennent pas le dessus sur la culture ou la prairie intercalaire. En général, les lignes d’arbres sont espacées de 25 à 30 m et orientées nord-sud. Mais des adaptations sont possibles selon les situations. Le choix des essences se fait toujours en fonction du contexte pédoclimatique et du terroir. Il doit répondre à plusieurs critères : fournir du bois d’œuvre après plusieurs décennies, assurer l’ombre nécessaire et ne pas gêner le passage des machines. « Ce choix n’est pas toujours simple car il faut se projeter trente ou quarante ans dans le futur. Je constate que les chênes pédonculés ou sessiles sont souvent en difficulté. En Pays de la Loire, nous travaillons avec du merisier, du tilleul, de l’orme Lutèce, du charme, de l’érable sycomore, de l’alisier torminal, etc. », détaille Jean-Charles Vicet.
L’agroforesterie constitue une capitalisation à long terme qui donne de la valeur à la parcelle. Celle-ci profitera à la génération suivante (quarante à soixante ans après la plantation). Les produits de coupe et d’élagage sur les haies peuvent offrir des revenus à plus court terme. Mais l’agriculteur qui plante des arbres est motivé par d’autres bénéfices : protéger les animaux du soleil et du vent, bien sûr, mais l’arbre est aussi au service de la culture intercalaire. Ses racines, qui explorent le sol profondément, limitent le lessivage, protègent la ressource en eau et font remonter des nutriments dans les horizons supérieurs. En hiver, l’eau s’infiltre profondément en suivant les ramifications racinaires. En conditions sèches, cette eau remonte plus facilement par capillarité et est plus disponible pour la culture. Les lignes d’arbres protègent aussi la ressource du sol en prévenant l’érosion et en apportant de la matière organique. L’effet brise-vent d’une haie limite l’évapo-transpiration, donc la demande en eau de la culture.
L’arbre sert aussi de niche écologique pour de nombreux auxiliaires qui participent au contrôle des ravageurs et à la pollinisation. « Certes, tous ces bénéfices mettront un peu de temps à s’installer. L’optimisation du pâturage par une meilleure organisation parcellaire, elle, est immédiate, avec potentiellement une meilleure valorisation de l’herbe. Et avec 50 arbres par hectare, on ne condamne que 3 % de la surface cultivée. C’est négligeable en matière de rendement pluriannuel, surtout avec une rotation intégrant de la prairie. Plus tard, avec des arbres très développés, une baisse de rendement de l’ordre de 20 % au maximum à l’âge de leur abattage, liée à l’ombrage important, est à craindre. Mais avec le réchauffement climatique, ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. » Autre avantage : contribuer au stockage du carbone, avec la possibilité d’être rémunéré pour cela. Enfin, la future Pac ouvrira des aides intéressantes aux planteurs d’arbres.
Un entretien minimum
Les inquiétudes sur une possible gêne pour le passage des outils sont généralement vite levées. En conventionnel, la largeur de l’interrang se définit en fonction du pulvérisateur ou du semoir. « On est souvent plusefficace avec des lignes parallèles de 25 ou 30 m de large, plus besoin de barre de guidage sur le tracteur. » L’agroforesterie nécessite un travail d’entretien supplémentaire. Il faut faucher la bande enherbée pour maîtriser les adventices. Si la parcelle est pâturée, les animaux ont accès à cette bande sous la clôture et se chargent de l’entretien. De même, un maïs semé au plus près limite le développement de l’herbe. Une taille des arbres est également indispensable pour obtenir à terme des fûts de bois d’œuvre de 4 à 6 m. Il faut se former à cela, et y consacrer environ 1 h/ha pendant l’hiver.
Commencer modestement
L’agroforesterie est-elle accessible à tous ? La première des conditions est d’être propriétaire de la parcelle ou de demander l’accord du propriétaire. Les parcelles drainées ne sont pas compatibles car les racines des arbres risquent de boucher les drains. La préparation du terrain nécessite de travailler le sol en profondeur à l’emplacement des arbres pour favoriser un enracinement profond et rapide : soit un sous-solage sur le rang, soit un travail à la pelle mécanique au niveau des points de plantation. « Je conseille de commencer l’agroforesterie modestement, sur une parcelle facile à organiser, avec un sol profond pour avoir une croissance rapide des arbres. Et de préférence proche des bâtiments, pour le plaisir de la voir évoluer. Car l’aménagement paysager, agréable à l’œil, est aussi un des atouts de l’agroforesterie », ajoute Jean-Charles Vicet. L’investissement de départ est variable selon le travail du sol préalable. Pour une haie, il se situe entre 7 et 10 € du mètre linéaire, tarif « clé en main ». En intraparcellaire, la fourchette va de 800 à 1 100 €/ha, en comptant le travail du sol, les plants, les protections et les clôtures. Ces coûts peuvent être pris en charge par des fonds européens, via la Région. D’autres aides publiques sont accessibles au niveau du département ou d’une commune. Certains mécènes privés offrent aussi des fonds : Reforest’Action, WWF, Système U en Pays de la Loire, etc. « Ces dispositifs de soutien sont assez complexes. Il est préférable de se rapprocher d’un conseiller en chambre d’agriculture pour les appréhender et y avoir accès. »
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