
Les éleveurs français ne sont pas rémunérés pour les peaux vendues aux tanneries par les abatteurs. Pourtant, les utilisateurs recherchent des peaux impeccables, sans taches ni griffures. Le Pôle d’excellence rurale cuir de la Dordogne tente l’expérience d’aider financièrement les producteurs adhérant à une charte qualité. Un article paru dans Terre-net Magazine n° 40 – Novembre 2014.
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En effet, sur les cinq millions de peaux de bovins qu’elle transforme chaque année, seulement 10 % sont de qualité supérieure, qualité convoitée par les maisons de luxe.
Cicatrices de fils barbelés
« C’est paradoxal. La France est le premier producteur de bovins d’Europe, mais les tanneries et les grandes maisons peinent à trouver des peaux indemnes de traces de blessures, de parasites ou de souillures », explique Charlyne Vincent, ingénieur cuir pour la sellerie Cwd et chargée de mission pour la Chambre économique de Dordogne.
« La demande en cuirs de premier choix est très soutenue, peu stable et les prix peuvent facilement s’envoler, poursuit-elle. Par exemple, une peau de veau brute de haute qualité atteint parfois une centaine d’euros en sortie d’abattoir. » La filière tend même à s’intégrer. Lvmh, Vuitton ou Hermès ont acheté des tanneries pour sécuriser leurs approvisionnements. Aujourd’hui, les 19 tanneries (bovins) et 26 mégisseries (agneaux, chèvres...) françaises réalisent leur chiffre d’affaires en bonne partie grâce au luxe, qui a relancé leur activité après des années 1980-1990 tendues.

et peuvent être utilisées dans le secteur du luxe.
(©Per Cuir 24)
« C’est un double marché avec d’un côté, les peaux de qualité, exploitées par les tanneries françaises, et de l’autre, celles de jeunes bovins et de vaches, souvent plus difficiles à valoriser et en majorité exportées, vers l’Italie notamment. Mais aucune peau n’est jetée », rassure Denis Geissmann, président du Syndicat général des cuirs et peaux.
Si le cuir de veau, le plus recherché, provient essentiellement des veaux de boucherie issus de troupeaux laitiers, les meilleures peaux, les plus fines et souples, sont celles des races à viande, en particulier des veaux sous la mère abattus vers six mois.
Les marques de luxe recherchent de préférence du cuir de veau uni pas trop gras, plus facile à teinter, et ont besoin de grandes pièces d’épaisseur constante, sans taches ni griffures.
Certains pays anglo-saxons, comme l’Irlande, informent et rémunèrent les éleveurs sur la qualité des cuirs. Les producteurs français, eux, ne sont pas payés pour les peaux et se préoccupent donc assez peu de leur état. « Pourtant, des conditions d’élevage adaptées permettent de limiter la plupart des défauts présents sur un cuir », fait remarquer Charlyne Vincent.
+ 40 €/animal
Le problème en France vient principalement des fils barbelés, qui laissent de longues cicatrices sur l’épiderme, visibles une fois les poils enlevés. « Quelle manie ces barbelés en France ! » s’exclame Denis Geissmann. « Cela blesse les animaux sans être plus efficace qu’un fil lisse pour les empêcher de s’échapper. »
« Les coups de corne ou d’aiguillon, ainsi que les pièces métalliques qui dépassent dans les stabulations, laissent aussi des traces irréversibles. Trouver des peaux saines pour faire un sac à main est déjà compliqué, alors imaginez pour un fauteuil ou un canapé ! »
En Dordogne, la Chambre économique départementale et l’Etat ont créé un pôle d’excellence rurale cuir afin d’améliorer les conditions d’élevage et de garantir un approvisionnement local efficace des tanneries. En expérimentation pendant quatre ans, ce pôle d’excellence rural verse 40 € par peau (30 € de la part du fabricant et 10 € de l’abatteur) aux éleveurs qui adhèrent à une charte qualité. Ces derniers sont également aidés à hauteur de 50 % pour remplacer leurs clôtures barbelées par des fils électriques ainsi que pour éliminer, de l’exploitation, les pièces métalliques sur lesquelles les animaux peuvent se gratter et s’érafler. Les producteurs doivent aussi réaliser un suivi vétérinaire pour lutter contre les parasites externes, comme les poux et les teignes, responsables de piqûres sur le cuir.
Initié il y a un an, ce programme regroupe désormais 28 éleveurs allaitants de Dordogne, soit une production d’environ 1.800 peaux par an. « Notre initiative intéresse d’autres départements limitrophes, où l’activité de cuir est un secteur économique non négligeable », assure l’ingénieur du Pôle d’excellence rurale de Dordogne.
La peau appartient à l’abatteur
Cette expérience reste encore anecdotique en France. En effet, les éleveurs sont parfois pénalisés financièrement pour les bêtes qui arrivent à l’abattoir avec une robe souillée ou abîmée. Mais ils ne sont jamais rétribués sur la qualité. « Le cinquième quartier, dont la peau fait partie, appartient à l’abatteur, pas au producteur », rappelle le président du Syndicat général des cuirs et peaux. Néanmoins, les abatteurs répercutent indirectement le prix des peaux vendues sur celui de la viande, via la grille de plus-value sur le cinquième quartier. Donc, si les éleveurs font davantage attention à l’état des peaux de leurs bêtes, cela profitera à l’ensemble de la filière. »
Durant trois ans, l’interprofession du cuir a financé près de deux millions de doses de vaccin contre la teigne, pour les producteurs de veaux notamment. Elle édite des plaquettes de bonne conduite d’élevage et dispose également de techniciens pour faire la « chasse aux boulons » dans les fermes, sensibiliser au remplacement des fils barbelés et au traitement des poux, galles et autres tiques. « Ces actions menées à l’échelle de l’élevage sont bénéfiques à la qualité des peaux dont le marché français du luxe a besoin », affirme-t-il.
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