
Jusqu’alors limitée à la région bretonne, la levée de boucliers contre la mise en place de l’écotaxe sur le transport routier prend désormais une dimension nationale. A l’appel de la Fnsea notamment, les agriculteurs d’une cinquantaine de départements ont mené mardi 22 octobre 2013 des actions symboliques pour exiger « l’ajournement » d’un nouvel impôt pour l’heure insupportable pour les filières agricoles et agroalimentaires.

La fronde contre l’écotaxe change de braquet ! Initiée cet été par les acteurs économiques et agricoles bretons et relayée depuis plusieurs mois par Coop de France et le Snia, la mobilisation pour demander la suppression de la « taxe poids lourds », qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2014, est désormais nationale.
A l’appel de la Fnsea, par la voix de Xavier Beulin dimanche dernier sur l’antenne d’Europe 1, les agriculteurs Fdsea d’une cinquantaine de départements ont mené ce mardi 22 octobre 2013 des actions symboliques pour exiger l’ajournement de la mise en place de l’écotaxe.
Ainsi, en Seine-Maritime, une dizaine d’agriculteurs ont bâché un portique d’enregistrement de l’écotaxe à Eslettes, au nord de Rouen. En Seine-et-Marne, c’est une opération escargot avec distribution de salades aux automobilistes qui a été organisée par la Fdsea. Les représentants syndicaux de la Sarthe, eux, ont rencontré leur préfet pour demander la suspension de la taxe.
Dans l’Oise, le syndicalisme majoritaire s’est associé aux organisations patronales locales – Medef et Cgpme – pour cibler un portique de la N31, entre Clermont et Beauvais.
A travers ces actions, la Fnsea veut utiliser sa force de frappe nationale pour relayer une revendication essentiellement portée jusqu’ici par les représentants agricoles bretons et par les Coop de France.
D'ailleurs, le mot d’ordre de Dominique Barrau, le secrétaire général de la Fnsea, est clair : « Nous demandons l’ajournement de l’écotaxe à une date indéterminée, jusqu’à ce que l’économie agricole ait repris le chemin de la croissance. » Pour le syndicat, il n’est pas même question de demander une exonération de certaines productions en difficulté. « Les autorités nous disent que le lait est exonéré. C’est en partie faux. Car les textes d’application précisent que les véhicules articulés, par exemple, sont soumis à la taxe, quelle que soit la marchandise transportée ! »
Alors que les agriculteurs étaient mobilisés à bâcher de nombreux portiques, les représentants des chambres d'agriculture, réunis en conseil d'administration à Paris, ont officiellement apporté leur soutien, au nom des chambres d'agriculture, à la protestation du monde agricole, lui donnant un peu plus de force.
Surcoût du transport de 4,1 %
Dans son appel à mobilisation, le président de la Fnsea a estimé que « la situation économique des secteurs agricoles et agroalimentaires ne permet pas d’ajouter de nouvelles taxes ». « Le Gouvernement propose 15 M€ dans un plan d’urgence pour la Bretagne alors qu’elle va en reprendre 200 avec l’écotaxe. Ca rentre et ça sort dans la même poche », expliquait-il dimanche dernier.
Ecotaxe : la « patate chaude » de la Droite au Gouvernement Ayrault
Alors qu’il était en 2009 le principal instigateur du Grenelle de l’environnement et de l’écotaxe, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Environnement sous la précédente majorité et actuel président de l’Udi, s’est prononcé en faveur d’une « remise à plat » de l’écotaxe, et donc d’un report de sa mise en œuvre. De même, Bruno Le Maire, député Ump et prédécesseur de Stéphane Le Foll au ministère de l’Agriculture, a affiché sur Twitter et à l'antenne de France Inter son soutien aux agriculteurs s’opposant à sa mise en place. « J'avais déjà émis des réserves sur certaines dispositions du Grenelle. (...) Laissons tomber cette écotaxe pour le moment! »
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A croire qu’à Droite, la patate de l’écotaxe semble suffisamment chaude pour la refiler à l’actuel Gouvernement. Or le Gouvernement de François Fillon avait lui-même essuyé les critiques des transporteurs et des professionnels agricoles lorsqu’il s’agissait d’en définir les modalités.
Devenu le symbole d’une « pause fiscale » que les agriculteurs ne voient pas venir, l’écotaxe engendrera un surcoût du transport de l’ordre de 4,1 %. Mais, selon les organisations agricoles, le secteur agroalimentaire français sera très pénalisé par rapport aux marchandises importées. « Alors que ces dernières ne seront taxées qu’une seule fois, la volaille française par exemple, « sera taxée cinq ou six fois ». Et cette logique s’appliquera à toutes les productions agricoles.
Le Snia, avec le pôle animal de Coop de France, a estimé à 25 M€ le surcoût engendré par l’écotaxe pour la seule filière de l’alimentation animale. Un montant qui sera, selon les fabricants, répercuté pour moitié sur les factures d’aliments adressées aux éleveurs. L’autre moitié serait prise en charge par les fabricants eux-mêmes.
Ecologie idéologique
Au-delà des impacts économiques négatifs sur des filières déjà en difficulté, le monde agricole dénonce à juste titre une écotaxe qui n’a d’écologique que le nom. Le nouvel impôt, décidée par l’ancienne majorité gouvernementale lors du Grenelle de l’environnement, est censé être « un signal prix, dans une logique écologique, pour inciter à modifier les comportements en faveur de modes de transport plus durables ». Or pour de très nombreuses productions agricoles, et pour tous les transports régionaux, il n’existe aucune alternative au transport par camion ! « Cette taxe est le fruit d’une écologie idéologique, et non d’une logique environnementale. »
Lors du Space, à Rennes, mi-septembre, Philippe Mangin, le président de Coop de France, dénonçait déjà cette aberration. « Vous avez vu le fret ferroviaire s’améliorer depuis 2009 ? Vous avez vu ce que devient le débat sur l’amélioration des voies navigables ? » s’insurgeait-il.
Resté muet jusqu’à présent, le Gouvernement est sorti de son silence lundi 21 octobre, face aux proportions que prend cette levée de boucliers. Le ministère des Transports a assuré que la Bretagne « serait largement bénéficiaire de l’effet redistributif de l’écotaxe ». « Pour 42 millions d'euros de contribution chaque année, elle recevra 135 millions d'euros chaque année et pendant les cinq prochaines années pour l'amélioration de son infrastructure de transport » a-t-il expliqué dans un communiqué.
Stéphane Le Foll, lui, a reconnu que « des améliorations étaient possibles pour la mise en oeuvre ».
Quant à Jean-Marc Ayrault, il s'est contenté, par la voix de Najat Vallaud-Belkacem, d'assurer qu'il « travaille à la mise en oeuvre de l'écotaxe sans difficultés et complexités supplémentaires ».
Certes « l'écotaxe poids lourds ne peut pas expliquer la grave crise que traverse en ce moment le secteur agroalimentaire en Bretagne », comme le souligne le ministère. Mais, quelle que soit la production ou la région, ce n’est pas la redistribution « pour améliorer les infrastructures de transport » qui redonnera, à court et moyen terme, de la compétitivité à des filières malmenées.
Quoi qu’il en soit, la Fnsea semble avoir fait de cet « ajournement de l’écotaxe » l’une de ses priorités. Dénonçant aussi la faible rentabilité de l’impôt – les frais de collecte et de gestion couteront 20 % de la taxe – et « l’écologie idéologique » sous-jacente, Dominique Barrau espère que la journée d’actions de ce 22 octobre 2013 suffira à faire infléchir rapidement la position du Gouvernement. « Le monde agricole n’est pas seul dans ce combat. Et si la réponse n’est pas satisfaisante, nous nous mobiliserons à nouveau. »
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