Pieds et poings liés avec l’export

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Pieds et poings liés avec l’export

Le modèle canadien « tout export » de la filière allaitante est-il pertinent ? C’est tout l’objet d’une étude réalisée par l’Institut de l’élevage, présentée à l’occasion des dernières rencontres 3R à Paris.

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« Le Canada s’est fixé comme objectif d’ouvrir un
contingent beaucoup plus important vers l’UE. »
(© Terre-net Média)

A l’inverse du secteur laitier canadien, la filière allaitante a tout misé sur l’export. Aujourd’hui, il représente plus de la moitié des volumes de viandes produites sur le sol canadien.

Le poids économique de la filière est important, puisque ce cheptel bovin est surtout à viande (encadré) : « 82 % des vaches dénombrées en janvier 2010 étaient allaitantes. Et les deux tiers de ces dernières étaient élevées en Alberta et dans le Saskatchewan, avec en moyenne 62 vaches par exploitations », détaillait Philippe Chotteau, de l’Institut de l’élevage en décembre 2010 à Paris.

Depuis la crise de l’Esb, les comptes des éleveurs sont au plus bas, aux alentours de 4.600 €/an selon les calculs d’Agriculture et Agro-alimentaire du Canada (moyenne 2004-2008).

À l’inverse de leurs collègues laitiers, leurs coûts de production sont pourtant très limités. À cela, plusieurs raisons : des vaches rustiques dehors toute l’année ; des prairies permanentes souvent louées à bas prix à la Couronne (domaine public) ; des investissements limités pour l’essentiel à l’aménagement de points d’eau et des clôtures ; très peu de travail salarié.

Décapitalisation

Mais la crise économique s’est greffée à une situation déjà tendue. « Après 20 ans d’expansion, et un apogée de 5,44 millions de vaches en 2005, le cheptel allaitant est revenu à 4,36 millions en juillet 2010. La décapitalisation s’est même accélérée depuis un an (-5 %) » précisait Philippe Chotteau.

Le principal marché, les Usa, s’est en effet rétréci suite à l’accumulation de deux phénomènes : d’une part, un cas d’Esb découvert en mai 2003 a stoppé les exportations canadiennes vers les Usa jusqu’à l’été 2005, et encore, pour les seuls animaux âgés de moins de 30 mois. Puis, les Usa ont imposé « un étiquetage de l’origine de la viande finie (règles dites Cool), distinguant les animaux nés-engraissés et abattus localement des autres » ce qui a eu pour conséquence d’entrainer « une décote des animaux maigres canadiens ».

Cette nouvelle réglementation a entrainé la chute des exportations : ces dernières sont passées de 730.000 bœufs et génisses finis exportés vifs en moyenne en 2006-2008 à moins de 500.000 en 2009, sur un total de 2,5 millions abattus chaque année au Canada.

Déprime des marchés

Conséquence immédiate : depuis 2004 les prix des broutards mâles de 227-272 kg vif sont tombés et varient entre 1,48 à 1,56 €/kg vif en 2008 et 2009. « La situation est pire encore pour les broutardes. Quant aux vaches de réforme dont les prix avaient été amputés des 2/3 en 2003, leur prix n’a remonté en 2009 qu’à 75 % de la moyenne 1999-2002, à l’équivalent de 1,23 €/kg carcasse. »

Organisation de la filière

Lors du dernier recensement (2006), un tiers des fermes canadiennes (83.000) détenaient des vaches allaitantes et 27 % étaient spécialisées en viande bovine. Ces fermes allaitantes vendent le plus souvent les broutards sevrés, n’ayant pas les ressources fourragères pour l’hivernage. Des fermes céréalières les achètent pour réaliser la phase de post-sevrage (backgrounding), avant de les revendre aux engraisseurs spécialisés.
L’engraissement canadien est concentré aux deux tiers dans l’Alberta. Dans cette province, une centaine de grosses unités (les feedlots) de plus de 1.000 places assurent les trois quart de l’engraissement.
Seule embellie notable, les animaux finis on vu leur cours se redresser ces dernières années. De même, si les éleveurs sont au plus bas, « les engraisseurs gardent un rapport de force favorable par rapport aux naisseurs grâce à leur taille qui leur a permis de beaucoup moins subir de baisse des prix, à la fois en niveau et en volatilité ».

Mais face à l’industrie d’abattage-transformation extrêmement concentrée, ces engraisseurs n’ont pas les cartes en main. Comme le rappelait Philippe Chotteau, « les deux principaux groupes – Cargill Meat Solutions et XL Foods – font désormais 95 % des abattages de bovins agréés à l’export au Canada, dans seulement quatre usines, dont trois en Alberta ». Concentrée ou non, la filière industrielle subit, comme d’autres, « les effets de la revalorisation du dollar canadien par rapport au dollar américain ».

Le pari asiatique

Sauf que depuis dix ans, elle s’était organisée et restructurée à l’export pour faire face aux profonds changements économiques : « ils ont profité de la crise Esb pour faire tourner leurs outils au maximum, et pour investir, notamment avec des aides publiques ». Mais avec la réduction du marché américain, les abatteurs n’ont d’autres solutions que de trouver de nouveaux marchés.

Aujourd’hui, ils misent sur l’accord de libre-échange entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada (Alena, 88 % en valeur des exportations canadiennes en 2008 et 2009) ainsi que sur la conquête de nouveaux marchés en Asie, à commencer par le Japon et la Corée du Sud, Taiwan et la Chine. « Et le Canada s’est fixé comme objectif d’ouvrir un contingent beaucoup plus important vers l’UE, même s’il conteste toujours les " barrières réglementaires " européennes (non utilisation d’antibiotique, de promoteurs de croissance…). »

Pour aller plus loin

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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