La référence laitière conditionne directement les résultats d’exploitation. Handicapés sur leurs coûts de production par rapport à leurs voisins européens, mais forts d’un outil performant, les éleveurs laitiers français auront tout intérêt à diluer leurs charges de structure.
Si la taille de l’exploitation contribue à la rentabilité, c’est essentiellement par dilution des charges de structure. Le coût marginal du lait supplémentaire est faible. « Seul vient s’ajouter le coût alimentaire », développe Guy Lemercier, directeur marketing et communication de la 1ère association de gestion et de comptabilité française Cogedis (1) lors du dernier congrès de la Sngtv (Société nationale des groupements techniques vétérinaires). « Et encore, pas dans toutes les situations. On s’aperçoit que les éleveurs surstockent du fourrage, et certains disposent de fourrages suffisant à une augmentation de production, seul le concentré supplémentaire viendra à être acheté. »
Mais l’agrandissement doit être étudié au regard de deux paramètres essentiels. D’une part, la rentabilité progresse, mais jusqu’à un certain seuil. Le cabinet de gestion a fixé cette limite au volume de 500.000 litres produits. « Jusqu’à 500.000 l, le moyen de production est de plus en plus saturé, la productivité de la main d’œuvre optimisé et le résultat net amélioré. » Au delà, il faudra augmenter les charges de structure, agrandir le bâtiment, changer la salle de traite,… Par ailleurs, une opération d’agrandissement, même rentable, peut poser des problèmes sous l’angle de la trésorerie, du fait des engagements financiers et des besoins privés. « C’est seulement en comparant le prix d’équilibre du litre de lait au prix payé par la laiterie que l’on peut juger si le projet est réalisable au plan de la trésorerie », analyse Guy Lemercier.
Les charges alimentaires n'augmentent pas avec le quota
Lorsqu’elle est rendue possible, une référence laitière importante a une incidence directe sur les résultats de l’exploitation. Dans l’échantillon suivi par Cogedis de plus d’un millier d’exploitations laitières spécialisées, il apparaît nettement que les meilleurs résultats par Uth sont observés pour les références supérieures à 400.000 litres. « Et contrairement à une certaine réputation, les charges alimentaires des exploitations situées entre 400 et 500.000 litres sont inférieures à celles dont les quotas n’atteignent pas 200.000 litres : 86,4 €/ 1.000 litres de lait contre 93,1€. Les détenteurs de référence laitière importantes, qui optent pour des systèmes plutôt intensifs, ne sont pas plus coûteux en matière d’alimentation que des systèmes extensifs», voilà ce que révèlent les chiffres de gestion.
![]() Comment font les meilleurs éleveurs pour avoir de bons résultats ? « Ils sont meilleurs sur tous les postes des coûts de production, y compris dans les charges opérationnelles et y compris dans les charges de structure », répond Guy Lemercier, directeur communication et marketing de Cogedis, premier centre de gestion indépendant français. (© cogedis) |
Ceux qui ont beaucoup investi dans du matériel ont mobilisé leurs moyens d’investissements. D’un autre côté, ils sont équipés et sont plus en avance sur la mise aux normes que les autres bassins de production européens. Ils vont devoir engager des moyens financiers pour s’agrandir et ce sont les facteurs humains qui feront la différence. Les banquiers le savent bien et sont très vigilants à la composante humaine et psychologique.
Une chute jusqu'à 2,4 lactations par vache
« Si la trésorerie des producteurs français se porte bien à ce jour, elle ne garantit pas la capacité à faire face, dans 5 ans à la suppression des quotas et celle des Dpu, partielle ou intégrale », prévient Guy Lemercier. Aujourd’hui, à coûts de production supérieurs et productivité inférieure, les éleveurs français s’en sortent tout aussi bien que leurs voisins car ils tirent plus de valeur ajoutée de leurs produits. Et c’est la limite à une analyse économique exclusivement basée sur les coûts de production. « En France nous sommes très forts sur la valeur ajoutée par une tonne de lait. Dans le nord de la France, chaque tonne de lait produite dans une exploitation laitière spécialisée rapporte 515€ de produits, dont la rémunération du lait compte pour 313€ mais auxquels s‘ajoutent la valorisation des veaux, vaches de réforme, ainsi que les cultures », illustre Vincent Châtellier. « Nous avons aussi un peu plus de céréales et surtout plus d’aides directes qu’au Royaume uni, tout simplement parce que nous sommes éligibles à la prime du maïs fourrage, laquelle prime est généralement attribuée aux producteurs laitiers. »
Un des atouts de la France est sa maîtrise des coûts alimentaires. « C’est un très bon point dans un contexte où l’augmentation du prix des céréales et de la valeur des végétaux (développement énergétique) va poser des questions aux systèmes alimentaires qui sont gourmands », commente Vincent Châtellier. Les deux spécialistes se rejoignent sur l’intérêt de se pencher sur le taux de renouvellement. Et de recommander de viser un taux à 25% qui permette d‘amortir les vaches sur 4 lactations. « Il y a là un levier intéressant pour améliorer le coût de production », constate Guy Lemercier. « Le taux de renouvellement n’a cessé de se dégrader ces dernières années, jusqu’à atteindre l’aberration économique, comme on l’observe dans certains départements où nous sommes à 2,4 lactations par vache. »
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