
L’EARL Saint-Joseph a actionné plusieurs leviers pour se libérer des astreintes. La délégation des génisses finalise le projet de se ménager en fin de carrière et de présenter un outil attrayant.
Jean-Paul Houis est président de Seenovia, une responsabilité qui l’oblige à s’absenter de l’exploitation deux à trois jours par semaine. Difficile dans ces conditions de gérer, avec son épouse, un troupeau de 70 vaches sur 85 ha de SAU. Les époux ont donc embauché un salarié à plein temps, puis investi dans un robot de traite en 2011. « Nous ne pouvons assurer qu’un mi-temps chacun, cela fait deux UMO. C’est trop juste quand en fin de carrière, on aspire à se ménager un peu », explique Jean-Paul.
Leurs objectifs : prendre ensemble un week-end sur deux, du vendredi soir au lundi matin, et trois semaines de vacances par an, mais surtout se libérer davantage de l’astreinte quotidienne. Le robot de traite a été choisi pour cela et depuis vingt ans, la distribution des rations est assurée par une mélangeuse automotrice et son chauffeur, en commun avec onze autres éleveurs.
C’est une belle avancée, mais une étude réalisée par Seenovia a évalué le temps de travail global sur l’exploitation à 4 946 heures par an. En retirant le travail du salarié (1 600 heures), il reste aux époux Houis à se partager 3 346 heures, soit près de 60 heures par semaine à se répartir entre Marie-Claire et Jean-Paul. Cette simulation montre, au passage, le besoin exceptionnel de main-d’œuvre nécessaire à la production laitière.
380 heures économisées
La délégation de l’élevage des génisses pourrait-elle apporter un peu de souplesse ? Toujours d’après Seenovia, déléguer l’élevage de 20 génisses par an doit permettre d’économiser 380 heures, soit l’équivalent de sept heures par semaine. La simulation tient compte de l’augmentation de 10 ha de cultures de vente et de l’engraissement de cinq bœufs supplémentaires.
« Le temps gagné peut paraître modeste. Mais il faut surtout s’intéresser à la contrainte journalière qui sera ainsi levée : suivre le plan d’allaitement et d’alimentation, surveiller les croissances, soigner les animaux malades, etc. Tout cela est difficilement mesurable sur le papier. Idem pour l’alimentation des vaches : on peut se dire que cela ne prend que peu de temps dans la journée, mais quand cette contrainte n’est plus là, l’organisation du travail est différente, avec davantage de souplesse », explique Jean-Paul.
L’EARL Saint-Joseph était aussi menacée par une contrainte environnementale, liée au bâtiment des génisses. Sa plateforme non couverte engendrait quelques ruissellements l’hiver vers un plan d’eau assez proche. « La seule solution était de refaire un nouveau bâtiment pour les génisses. À 56 ans, sans successeur, investir 100 000 € serait une hérésie économique », explique le couple.
« Notre outil peut être repris par une personne seule »
Mais les éleveurs ont un autre objectif : s’ils n’ont pas de successeur désigné, ils entendent bien, au moment de la retraite, pouvoir transmettre leur exploitation à un jeune agriculteur. « Pour y parvenir aisément, il faut proposer un outil performant techniquement, économiquement mais surtout humainement. Comment attirer un jeune en lui promettant plus de soixante-dix heures de travail par semaine avec une astreinte 7 jours sur 7 ? Il faut aussi envisager que l’outil puisse être repris par une personne seule. La délégation de l’élevage des génisses, associée à un système robot et pâturage, doit lui permettre de se débrouiller sans être débordée, en faisant appel ponctuellement à de la main-d’œuvre extérieure (ETA, Cuma, service de remplacement, etc.). En outre, il sera plus pertinent économiquement pour un repreneur d’investir, s’il le souhaite, dans le bâtiment pour les laitières plutôt que celui des génisses. » Autre argument majeur en faveur de la délégation des génisses : « Techniquement, nous n’étions pas très bons. L’élevage des génisses est souvent le parent pauvre. Inconsciemment, on s’occupe des vaches et ensuite de la relève. » Délég’Génisse garantit des croissances et un âge au vêlage qui sera avancé de plusieurs mois (de 30 mois aujourd’hui, ils arriveront à 27 mois en race normande).
Tout cela n’a-t-il pas un coût important ? La simulation de Seenovia tord le cou à ce préjugé : à productivité par vache égale et prix du lait stable, l’impact sur l’EBE est nul. Le coût supplémentaire de la délégation est compensé par les surfaces en céréales supplémentaires et une augmentation du produit viande avec les bœufs. « Nous avons commencé en septembre à faire partir les premières génisses. Je n’ai pas assez de recul pour donner des chiffres réels, mais je reste persuadé que nous y gagnerons économiquement. Car un élevage de génisses moyennement maîtrisé engendre des coûts qu’on ne soupçonne pas », assure Jean-Paul.
Aujourd’hui, le bâtiment des génisses accueille les bœufs sur litière couverte exclusivement, sans utiliser les surfaces extérieures. La contrainte environnementale est donc levée. Avec la robotisation de la traite, la délégation des génisses et de l’alimentation des vaches laitières, l’exploitation est dimensionnée pour 1 UMO exploitant, sans baisser le niveau des prélèvements. « Une journée classique commence à 7 heures du matin et se termine à 18 heures, sans que l’on soit bousculés. »
Après la Prim’Holstein, la Génétique Haute Performance débarque en Normande
Logettes ou aire paillée ? Comment sont logées les vaches laitières françaises
Ils rétrofitent un John Deere en électrique : le verdict après un an d’utilisation
Dermatose dans le Rhône : de nombreuses races renoncent au Sommet de l’élevage
En Suède, la ferme historique DeLaval passe de 250 à 550 vaches laitières
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
La FNSEA appelle à « une grande journée d'action » le 26 septembre
Comment préparer une vache à la césarienne
Face à une perte de compétitivité inédite, accompagner davantage les agriculteurs
T. Bussy (FNSafer) : « Beaucoup de monde pense que la Safer, c’est opaque »