« J’ai relevé le défi de passer de 30 à 23 mois au premier vêlage »

Article réservé aux abonnés.

(©)

Dans une logique de rentabilité, Thierry Sevaer s’est fixé l’objectif de gagner 7 mois d’âge au premier vêlage. Grâce à la préparation au vêlage et à un suivi rigoureux de la mise à la reproduction, il a réussi en moins de deux ans.

Thierry Sevaer s’installe seul en 2009, à la suite de ses parents, sur 40 ha et 270 000 litres de lait. L’année suivante, il s’engage dans les travaux de mise aux normes largement autoconstruits. Ceux-ci prévoient la transformation d’un hangar de stockage en stabulation de 50 places en logettes paillées sur béton raclé, équipée d’une salle de traite 2 x 5 postes. L’étable entravée est reconvertie en logement pour les élèves et les taries.

L’objectif de l’éleveur est alors de saturer cet outil. En 2016, il saisit l’opportunité de racheter un contrat Lactalis de 180 000 litres et de reprendre des terres en location, en vue de préserver son autonomie fourragère. Ici, le pâturage est la clé de voûte du système fourrager d’un troupeau à 9 000 litres de lait : « Compte tenu de mon besoin d’EBE en début de campagne, je me suis fixé l’objectif de ne pas dépasser 70 € de coût alimentaire. Une stratégie qui m’a conduit à accepter cette année une légère sous-réalisation pour y parvenir. J’essaie toujours de me remettre en question pour rester compétitif. D’où ma réflexion sur la maîtrise du coût de renouvellement, à travers la réduction de la durée de vie improductive de mes animaux. Je me suis donc lancé le défi d’un âge au premier vêlage de 23 à 24 mois », explique-t-il.

« Des veaux plus vigoureux grâce à une bonne conduite du tarissement »

Dans son système de vêlages étalés, l’âge moyen au premier vêlage enregistré au contrôle de performances, en 2014-2015, était de 30 mois. En 2015-2016, il passe à 27 mois, puis à 23 mois à l’issue de la dernière campagne. « Le vêlage précoce exige une croissance soutenue et cela commence par une bonne conduite du tarissement, qui permet d’avoir un colostrum de qualité et des veaux vigoureux », souligne Thierry. Depuis un an et demi, il a mis en place une phase de préparation au vêlage en deux temps, dans deux box en aire paillé séparés :

- un tarissement brutalpendant une semaine avec de la paille à volonté et de l’eau puis, pendant trois semaines, de la paille à volonté, 2 kg de maïs et 300 g de correcteur ;

- une préparation au vêlage de quatre semaines avec de la paille à volonté, 4 kg de maïs, 800 g à 1 kg de colza et un minéral spécial taries enrichi en chlorure de magnésium pour réduire la Baca. « Ce minéral fonctionne bien, il favorise les bonnes délivrances. »

Les primipares suivent la même période de quatre semaines de préparation au vêlage. Immédiatement après la mise bas, quelle que soit l’heure, la mère a à sa disposition deux à trois seaux d’eau tiède à boire, enrichie en propylène (pas de drenchage).

Une pratique qui vise à prévenir retournements et torsions de caillette. Le nouveau-né reçoit systématiquement le colostrum de la mère : deux litres à la tétine, puis deux litres à la traite suivante. Ensuite, les veaux restent dix jours en case individuelle avant de passer en case collective, par lot de six ou sept génisses qui restera inchangé. Les mâles sont vendus à trois semaines.

Contrôle de la croissance, mais aussi de la taille, à l’aide d’un ruban

Le plan d’allaitement au lait reconstitué prévoit deux repas par jour jusqu’au sevrage. La buvée se fait au seau sans tétine, à une concentration de 145 g de poudre/litre, soit 20 g de plus que la dilution recommandée. Les températures de dilution (50°C) et de distribution (40°C) sont strictement respectées. Il s’agit d’une poudre dosant 21 % de protéines et 30 % de PLE (Vitalor et Denkavit). Dès les premiers jours, les veaux ont un aliment premier âge très appétent et de la paille renouvelée quotidiennement. Le sevrage est précoce, entre soixante-dix et quatre-vingts jours. Les veaux consomment alors près de 3 kg d’aliment, pour un poids minimum de 95 kg. L’éleveur contrôle la croissance à l’aide d’un ruban, mais aussi la taille. Une pratique qu’il renouvellera deux à trois fois lors de la phase d’élevage, pour s’assurer que les élèves ont bien le poids minimum requis de 200 kg à 6 mois et de 400 kg à 13 mois, lors de la mise à la reproduction.

Une première mise à l’herbe dès l’âge de 4 mois

En hiver, la ration post-sevrage comprend de la paille à volonté et 3 kg du même concentré premier âge, distribué jusqu’à 5 ou 6 mois. « Conserver le même aliment facilite les transitions, souligne Thierry. Cette ration sèche fonctionne bien. Je suis convaincu de l’intérêt d’investir dans un aliment de qualité au cours de cette phase d’élevage décisive de 0 à 5 mois. »

La maîtrise du coût alimentaire se joue après, avec la mise à l’herbe. Selon la date de vêlage, celle-ci peut avoir lieu dès l’âge de 4 mois. Les petites génisses ont alors du foin en complément et 1,5 kg par jour d’un ­concentré de production, équivalent à du maïs aplati. Elles sont conduites en pâturage tournant dynamique, dans des paddocks de 60 ares de trois à quatre jours pour six ­génisses. « Mettre à disposition une herbe de qualité participe à leur croissance. Ce système demande une surveillance quotidienne. C’est plus de temps passé, mais la croissance est au rendez-vous. » Deux mois après la sortie, elles sont systématiquement vermifugées. Thierry considérant l’immunité acquise contre les strongles, c’est le seul antiparasitaire qu’elles recevront dans leur carrière. À la rentrée à l’étable, leur poids est contrôlé et leur ration se compose d’enrubannage de qualité à volonté et de paille.

Les meilleures femelles pointées à PHF reçoivent des doses sexées

À partir de 12 mois, les génisses sont équipées du collier de détection de chaleur Heat-Time. « L’un de mes meilleurs investissements », estime Thierry. Il faut un mois pour étalonner l’accéléromètre avant les premières alertes. En pâture, un râtelier cornadis est prévu pour les inséminations réalisées par l’éleveur. Une échographie est faite après trente-cinq jours, pour une moyenne de 1,7 paillette par génisse. Le taux de ­réussite obtenu en première insémination artificielle sur génisses atteint 80 % en 2016-2017, 77 % l’année précédente. C’est déterminant pour tenir l’objectif d’un vêlage à 23 mois. « Cette année, j’ai avancé à 13 mois l’insémination de trois ou quatre génisses. Ce n’est pas l’âge, mais leur gabarit et un poids d’au moins 400 kg qui décident de la mise à la reproduction. » Les meilleures génisses pointées à PHF sont inséminées avec des doses sexées, issues des meilleurs taureaux canadiens (jusqu’à 60 €/dose).

Sur ce schéma, un quart des femelles sont inséminées avec des doses sexées de haute valeur génétique, pour assurer le renouvellement, c’est-à-dire toutes les femelles dont la note de pointage est au moins égale à 85. Le reste, soit la moitiédu troupeau, est inséminé avec des doses blanc bleu payées 3 €. « Après avoir travaillé le lait, je privilégie désormais la sélection sur les caractères de conformation, ce qui facilite le bon développement des génisses issues de ces accouplements », explique Thierry.

En bâtiment, la ration jusqu’à la préparation au vêlage se compose de 4 à 5 kg de maïs, 1,5 kg de colza, du minéral et de la paille à volonté. Les primipares démarrent leur lactation entre 27 et 28 kg de lait, avec une ration semi-complète équilibrée à 30 kg. « Mon objectif est de faire vieillir mes vaches et de limiter le renouvellement à 25 % pour développer la vente de génisses prêtes à vêler de haute valeur génétique. »

Assurément, la mortalité des veaux de 6 % en moyenne depuis trois ans, et même de zéro depuis le début de l’année civile, lui permettra d’optimiser cette option.

Jérôme Pezon
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

Monitoring

Tapez un ou plusieurs mots-clés...