Moins de travail. La ferme expérimentale de la Blanche Maison va mener ses élèves en pâturage tournant dynamique pour la deuxième année. Elles changent de paddock tous les deux à six jours. La conception demande du temps, pour en gagner ensuite.
Il y a un an, Romaric Lecointre était sceptique à l’idée de proposer aux élèves, femelles et mâles (bœufs), de pâturer les prairies en système tournant dynamique. À la ferme expérimentale de la Blanche Maison, il est responsable de l’élevage des génisses et du suivi de la reproduction des vaches. Il est aujourd’hui convaincu et aborde sereinement la nouvelle saison. « Je craignais que ce système génère davantage de travail. C’est en fait tout le contraire. »
De mars à mai 2017, à 2 km de la stabulation laitière, sur quatre prairies permanentes de chacune 4 à 5 ha d’un seul tenant, 40 paddocks de 0,5 ha sont créés pour les génisses et bœufs de 9 à 15 mois. Les animaux sont répartis en quatre lots de grosso modo quinze à vingt élèves de même âge. Un cinquième est composé des génisses gestantes et des vaches taries. Les moins de 9 mois sont dans un sixième lot. Ils sont dirigés vers 7 paddocks de 0,25 ha. « La taille des paddocks de 0,5 ha et 25 ares a été décidée arbitrairement. Au vu de notre expérience avec les vaches laitières, cela nous a semblé cohérent. »
Les animaux sont apprivoisés en douceur
Les miniparcelles sont conçues pour deux à six jours de présence, selon la pousse de l’herbe au printemps et en été et le nombre de jeunes animaux dedans. Si la quantité d’herbe est insuffisante, ils reçoivent du foin et 2 kg d’un mélange de 60 % maïs grains et 40 % tourteau de colza, ainsi que 100 g de minéraux. Des chemins longent les paddocks pour le passage de l’un à l’autre. Comme un seul chemin, empierré, était déjà en place, il a fallu concevoir les autres en empruntant une bande de 3 à 4 mètres de large aux prairies. Ils ont été créés en même temps que les miniparcelles.
« Réduire leur taille à deux jours de pâturage facilite leur conduite et la surveillance des élèves. Elles permettent de jeter un œil sur eux rapidement. » Dans l’ancien système, il fallait courir après les animaux car ils pâturaient dans de grandes parcelles de 4 à 5 ha pendant deux à trois semaines. De même, le changement de parcelles tous les deux jours permet de les apprivoiser en douceur. « Au bout d’un temps, il suffit de les appeler pour qu’ils viennent vers moi. » La disposition des abreuvoirs les habitue également à se déplacer régulièrement. « Pour simplifier le travail et limiter les coûts, nous avons choisi d’installer un bac à eau pour quatre à cinq paddocks dans les chemins. Les animaux sont obligés de rentrer dans le chemin, ce qui les accoutume », précise Lucie Morin, la chargée d’expérimentations. Leur emplacement juste à la sortie du paddock ou à quelques mètres en face est conditionné par la canalisation d’eau existante qui est enterrée.
Une heure de travail économisée chaque jour
Romaric n’a donc plus besoin d’un collègue pour changer les animaux de parcelles mais aussi pour les rentrer définitivement à l’étable l’hiver. « Je pose la bétaillère à l’entrée du chemin. Ils parcourent celui de 800 mètres sans aucune difficulté et montent directement dedans. »
Le salarié estime avoir économisé l’an passé une heure de travail par jour pour s’occuper des 75 génisses et des 27 mâles (bœufs) de 1 à 18 mois. « En contrepartie, il faut accepter de consacrer du temps à la mise en place de ce pâturage tournant, mais c’est une fois pour toutes », insiste-t-il.
La Blanche Maison a choisi une installation pérenne. Des clôtures permanentes (poteaux en bois et fils fixes) le long des haies et des parcelles voisines sont posées. « Les animaux ne peuvent ni traverser la haie ni aller chez le voisin. Ils sont en sécurité. » Les poteaux en bois sont plantés à un mètre de la haie. « À cette distance, il n’y a pas besoin de les enlever pour le passage de l’épareuse-débroussailleuse. » De même, les chemins et les entrées de paddocks sont fixes. « Ces clôtures permanentes ont demandé trois jours de travail par semaine à une ou deux personnes de début mars à fin mai, au fur et à mesure de la sortie des animaux. Ce ne sont pas des journées pleines. Nous les posions une fois les soins quotidiens aux animaux effectués. »
Ce n’est plus à faire cette année, ni les années suivantes. Avant la mise à l’herbe, il faudra « seulement » reconstituer les clôtures mobiles des 40 paddocks. Romaric y avait consacré trois jours seul l’an passé. Avec des clôtures fixes, il serait très compliqué d’épandre les déjections sur les 20 ha et de les faucher.
« La première saison de pâturage tournant dynamique des élèves nous donne satisfaction, reprend Lucie Morin. Les animaux ont pâturé une herbe jeune. Il y a moins de gaspillage et le trèfle blanc s’est mieux épanoui. C’est à nos yeux important car l’herbe est au centre de notre rotation. Et surtout, la croissance des génisses est correctement assurée. » Elle appuie cette analyse sur le lot des génisses de 1 an mises à l’herbe début avril. Une croissance de 900 g par jour était visée jusqu’à leur insémination. Elle a été dépassée : en moyenne 983 g/jour du 5 avril au 17 septembre. « C’est donc mieux que le lot de 2016 du même âge qui était en full grass sur 4 à 5 ha : 730 g/jour. »
Une démarche possible si le pâturage des vaches est déjà bien maîtrisé
À partir de la mi-juillet, leur croissance est un peu supérieure car elles ont reçu 2 kg de concentrés. « Nous avons complémenté l’herbe cet été car nous n’avions pas assez de paddocks. Nous apprenons en faisant », plaisante-t-elle. Une parcelle de 7 ha vient donc d’être clôturée. Elle sera introduite dans le parcours après sa fauche au printemps. « La définition de la taille des paddocks et de leur nombre conditionne la réussite du pâturage tournant dynamique des génisses. Il ne faut pas négliger cette étape préalable (voir encadré). » Cela suppose en particulier de connaître le temps de retour dans la parcelle. « Se lancer dans cette démarche sera plus compliqué si l’on ne connaît pas le délai de retour des prairies pâturées par les vaches », estime Lucie. À la Blanche Maison, il est de 21 jours au printemps et de 36 jours en été. Elle applique aussi ses repères de hauteurs d’herbe utilisés pour les vaches aux génisses : entre 12 et 15 cm en entrée de paddock, 5 cm en sortie. Elle a recours à l’herbomètre pour calculer le stock sur pied.
La ferme attend les résultats des coprologies faites à l’entrée des élèves en bâtiment pour réaliser le bilan complet de cette expérience. Elle a bon espoir qu’elles ne révèlent pas d’infestation parasitaire. C’est ce qui est constaté pour les génisses mises à l’herbe quinze jours après leur naissance dans le cadre d’une autre expérimentation.
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