« L’analyse fine du lait, un plus pour piloter son troupeau »

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Grâce à l’analyse du profil en acides gras du lait, le Gaec des Courlis gère mieux les vaches­ en difficulté en début de lactation et ajuste plus finement la nutrition du troupeau.

Dans le Doubs et le Territoire de Belfort, les échantillons de laitparlent de santé et de nutrition. Cela à travers deux services proposés par Conseil Élevage 25-90 : NRJ’Mir et Profil’Age (coût de 0,20 €/VL traite-contrôle, 0,30 € pour les deux).

Le premier, NRJ’Mir, lancé il y a trois ans, est le pendant du suivi Cétodétect qui permet d’identifier les vaches en acétonémie, mais adapté aux montbéliardes au foin-regain, moins sujettes à ce trouble métabolique que des holsteins au maïs. Pour ce faire, les vaches à problèmes en début de lactation ne sont pas seulement suivies sur la teneur de leur lait en corps cétoniques (BHB et acétone), qui signe les animaux en acétonémie subclinique (note 1 et 2). L’analyse de la teneur en acides gras longs permet aussi de pointer celles en fort déficit énergétique (note 0+), stade précédant la cétose subclinique.

Le fonctionnement du rumen mis en indice

Profil’Age, développé depuis le début d’année, s’intéresse aussi à ces acides gras du lait mesurés en routine par infrarouge. Plus précisément à la part des acides gras impairs parmi les acides gras courts et moyens, dont des études montrent le lien avec les acides gras volatils acétique-propionique produits par la flore du rumen. D’où l’idée de Conseil Élevage 25-90 d’en faire un outil de mesure du fonctionnement de cette boîte noire. Profil’Age, avec son critère digestion de la fibre, est aujourd’hui opérationnel dans le Doubs et le Territoire de Belfort. Dans un proche avenir, il pourrait être décliné dans d’autres départements via le réseau France Conseil Élevage.

Ancien responsable des conseillers d’élevage du Doubs passé au métier d’éleveur, Jean-Eudes Meier et son épouse Virginie, du Gaec des Courlis, ont vite vu l’intérêt de ces nouveaux outils pour piloter un troupeau. Et cela d’autant que celui qu’ils ont repris en 2014 a été sélectionné en privilégiant la production laitière (troupeau indexé à + 332 kg) et le TP (troupeau indexé à + 0,4), au détriment du TB. Il en résulte un faible écart TP/TB avec même quelques vaches aux taux inversés… Une situation pas toujours évidente à interpréter avec les critères classiques (lait produit, taux, urée). « On avait parfois des vaches en alerte qui, en fait, allaient bien. Ou des vaches sans alerte qui souffraient visiblement de troubles métaboliques », illustre Jean-Eudes.

Retour à un minéral spécial taries

Le suivi NRJ’Mir a notamment été précieux pour identifier les animaux en risque d’acétonémie (voir infographie). Avec un pic de vêlages marqué sur septembre-octobre, on a compté sur trois mois de l’automne-hiver 2015-2016, 30 % (octobre-février) et même 60 % (décembre) de vaches en alerte. Parmi elles, surtout des primipares très sollicitées avec leur production moyenne au vêlage proche de 28 kg de lait (32,7 kg sur les multipares) cette année-là. Ces vaches en alerte ont été traitées sur ordonnance vétérinaire au propylène glycol (200 ml/j sur trois à quatre jours) pour éviter de les mettre plus en difficulté. « J’ai aussi corrigé le tir en augmentant la part d’énergie dans la ration via des céréales pour doper la production d’acide propionique dans le rumen », précise Jean-Eudes. Mais au-delà du curatif, il a surtout corrigé certaines pratiques. Au tarissement d’abord. « La tête dans le guidon, j’avais oublié la base : que les taries méritent un apport de minéraux spécifique. Pour des raisons économiques, je me contentais de leur distribuer 0,5 à 1 kg d’aliment dosé trop faiblement en minéraux. J’ai rectifié. Aujourd’hui, j’assure le coup avec des bolus spécial vaches taries. »

Les pratiques de déparasitage ont été réajustées

Autre correction apportée : le déparasitage, un sujet crucial ici. Les 42 ha voués à la pâture des laitières sont sur une zone humide propice aux réinfestations. « Auparavant, on traitait trois fois dans l’hiver contre la douve pour contenir le problème. On a arrêté quand ont disparu les produits sans délais d’attente… Cela n’est sans doute pas étranger à la flambée de vaches en alerte sur l’hiver 2015-2016. »

Aujourd’hui, le déparasitage se gère au tarissement avec un traitement contre la douve, le paramphistome et les strongles (digestifs et pulmonaires). S’y ajoute, l’été, sur les vaches en lactation un traitement pour-on contre les strongles (produit sans délai d’attente). À ces interventions systématiques s’ajoute du cas par cas. « Dès que le lait d’une vache doit être détourné, on en profite pour la traiter contre la douve et le paramphistome. »

Les résultats de ces ajustements de pratique se sont rapidement fait sentir. Sur l’automne-hiver 2016-2017, le taux de vaches en alerte est retombé entre 5 et 8 % par mois. « Depuis le début de l’hiver 2017-2018, je n’ai eu que huit animaux notés 0+ ou 1, soit seulement un à trois animaux par mois. Je les ai gérés sans propylène glycol, juste en augmentant la quantité de céréales apportées de 1 kg/j. »

Concentré distribué quarante-cinq minutes après le foin grossier…

L’hiver 2016-2017 a aussi été riche d’enseignements pour tester l’intérêt de Profil’Age. Sur janvier-février, Jean-Eudes revoit l’ordre de distribution de la ration de foin-regain (deux tiers-un tiers) séchés en grange, complétée de concentrés (4 kg d’un VL orge-maïs et 2 kg de tourteaux gras – soja-colza-tournesol – pour 30 kg de lait). En cause, ces fibres non digérées observées dans les bouses.

Pour résoudre ce souci tout en simplifiant le travail, le concentré est distribué avant le foin, suivi du regain après la traite comme précédemment. Et pour gratter sur le coût de concentré, la composition du VL utilisé s’enrichit aussi en sous-produits, aux dépens des céréales et du soja. « Mauvaise pioche, on a mis le troupeau dans le rouge. » En trois mois, la production passe de 28 kg de lait/VL/j à 23 kg en mars. La dégradation du critère digestion de la fibre observée confirme le dysfonctionnement aggravé du rumen.

Fort de ce constat, Jean-Eudes part sur une nouvelle base l’hiver suivant. Tout d’abord, distribution du foin le plus grossier (4 kg). Quarante-cinq minutes après, apport du concentré et du regain pour tenir les vaches dans leurs logettes alimentaires, 2 à 3 kg maximum/VL. Et ce n’est qu’après la traite, soit une heure trente au moins après le regain, que la table d’alimentation est chargée du bon foin de séchage, le premier récolté. Le Gaec des Courlis en a toujours à disposition. Il organise son stockage de fourrage en cours de récolte. « Et on ne repousse plus le foin comme avant trois à quatre fois par jour. Les vaches étaient trop stimulées et ne ruminaient pas assez. » Ce nouveau rituel matin et soir a payé. Cela s’est vu sur l’indice de digestion de la fibre, quasi optimal depuis la rentrée des vaches à crèche et sur la valorisation de la ration de base (voir infographie). Elle a frôlé les 20 kg de lait avec un niveau de concentré descendu à 179 g/kg de lait pour un troupeau contrôlé à 33,5 kg/VL/j.

« L’augmentation de la valorisation de la ration de base, de 15,7 à 19,6 kg de lait entre décembre et janvier, tient au changement du regain distribué, une ­deuxième coupe au lieu d’une troisième coupe. Cette dernière était d’une bonne valeur(1), mais inférieure au premier regain(2). Et cela nous a permis de diminuer de 1 kg par laitière et par jour le concentré apporté, sans perdre en lait. » Et Jean-Eudes de conclure : « La performance de cet hiver, c’est la conjonction idéale d’un niveau génétique laitier élevé, d’une excellente qualité des foin-regain 2017 et d’outils de pilotage fins du troupeau. »

Jean-Michel Vocoret

(1) 12 % de MAT, 12 % de sucres solubles, 0,72 UFL, 75 de PDIN, 78 de PDIE.

(2) 13 % de MAT, 14 % de sucres solubles, 0,81 UFL, 85 de PDIN et PDIE.

10,90 €/1 000 l gagnés sur le concentré avec des rumens efficients
Indicateur « digestion de la fibre »
Hiver 2016-2017 non satisfaisant satisfaisant
Nombre de constats faits sur près de 900 élevages en test 864 886
Lait (kg/VL) 18,6 23,4
TB (g/kg de lait) 38,6 38,2
TP (g/kg de lait) 32,9 32,5
Urée (mg/kg de lait) 321 292
Concentrés (g/kg de lait) 300 271
Lait permis par la ration de base (kg) 6,3 9,5
Coût de concentrés (€/1 000 l) 93,70 82,80
Source : Conseil Élevage Doubs-Territoire de Belfort
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
Vaches, charolaises, R= France 7,23 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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