
Dans un contexte séchant, les expérimentations menées dans la Drôme privilégient la diversification fourragère pour constituer des stocks visant à faire face aux aléas climatiques.
Le programme Climfourel, lancé dès 2003, confirme que le climat dans un vaste pourtour sud du Massif central (de Toulouse à Valence) se « méditerranéise ». Une tendance surtout marquée en été : ainsi, entre 1979 et 2009, la hausse de température de mai à août s’élève en moyenne à + 2,2°C. Cela se traduit par une période de pousse de l’herbe raccourcie au printemps et une production estivale incertaine qui appelle à distribuer des fourrages à l’auge. « Plus que la température, c’est surtout l’augmentation de l’évapotranspiration potentielle (ETP) qui pose problème, précise Jean-Pierre Manteaux, conseiller à la chambre d’agriculture de la Drôme. En 1980, le déficit hydrique enregistré de mai à août était de - 280 mm, en 2009, il est de - 400 mm. Dans ce contexte, pour sécuriser les stocks, nous travaillons sur la diversification des ressources fourragères, à travers le choix d’espèces et de variétés adaptées au changement climatique. »
Intérêt de la double culture méteil + sorgho
Les pistes privilégiées pour préserver l’autonomie des troupeaux bovins sont le maïs, de la luzerne ou des prairies multi-espèces, et la double culture méteil + sorgho.
« Dans les terres profondes de bon potentiel agronomique, il est inutile de miser sur le sorgho. Le maïs reste incontournable pour faire du stock, rappelle le conseiller. Mais dans des sols séchants de moindre qualité, s’il n’y a pas d’irrigation, l’idée est de sécuriser le bilan fourrager avec la double culture méteil + sorgho. » Ces deux cultures sont complémentaires et bien adaptées au réchauffement climatique : le méteil pousse à une période où il n’y a pas d’aléas. Dans les systèmes bovins laitiers, il est récolté début mai au stade floraison du pois en vue d’obtenir un fourrage riche en MAT. Puis intervient le semis de sorgho, dans un sol réchauffé (12°C), c’est-à-dire pas avant le 15 mai pour une récolte fin septembre-début octobre. Cette pratique de la double culture permet de viser un objectif de 16 t de MS/ha sans irrigation, c’est-à-dire 4 à 5 t de méteil + 8 à 12 t de sorgho. Le sorgho fourrager se distingue par une valeur énergétique élevée (0,91 à 1,08 UFL dans les parcelles d’essai), une faible valeur MAT (5,2 à 6,5 %) et une bonne résistance à la sécheresse. « Ses besoins en eau représentent 60 % de ceux du maïs ensilage, et la plante a la capacité d’attendre l’eau en été pour reprendre sa croissance et faire l’essentiel de sa pousse au cours du dernier mois. » Dans le nord de la Drôme, la baisse de rendements du sorgho observée en 2015 et 2017 (années sèches avec un déficit hydrique estival de 600 mm) est de - 20 %. « Dans le même temps, les rendements du maïs ou des premières coupes de foin de prairies naturelles chutaient respectivement de 40 et 50 %. »
Mélanger les variétés de sorgho pour gagner en matière sèche
Comme alternative au maïs, la chambre d’agriculture distingue quatre variétés de sorgho BMR fourrager monocoupe.
Le sorgho grain BMR : c’est le plus précoce, mais avec des rendements plus faibles, de 6 à 8 t de MS. Il est récoltable dès 100 à 110 jours après la levée à 27 % de MS. L’avantage est de pouvoir réaliser le chantier en même temps que le maïs ensilage. La teneur en amidon et en sucre est équilibrée (12 à 13 % chacun), ce qui présente un vrai intérêt dans les systèmes herbagers pauvres en amidon.
Le sorgho mâle stérile BMR : il est récoltable 120 à 135 jours après la levée à 27 % de MS. Récolté sans grains, il se comporte comme une betterave : riche en sucre (25 à 28 %), pauvre en amidon (7 à 8 %) et très appétent, il est très complémentaire du maïs pour diluer la teneur en amidon de la ration.
Le sorgho intermédiaire : pauvre en UF, il est utilisé pour les animaux à faibles besoins ou dans les méthaniseurs.
Le sorgho PPS BMR : c’est le plus gros potentiel de rendement avec 15 à 18 t de MS/ha. Grâce à des teneurs en sucre de 20 %, pour 2 à 4 % d’amidon, il est aussi très complémentaire du maïs. Mais c’est aussi le plus tardif : récoltable 150 jours après la levée. Le semis fin mai début juin induit une récolte souvent trop tardive, ou un fourrage trop humide (20 à 23 % de MS). Il doit donc être mis en silo sur une couche de maïs ou d’herbe riche en MS pour remédier aux pertes de sucre par écoulements de jus. De plus, le sorgho PPS est aussi très sensible à la verse. « Cela explique de nombreux échecs et l’abandon de la culture par les éleveurs laitiers », observe Jean-Pierre Manteaux.
Dès lors, le mélange de variétés typées grains (30 %) plus courtes et de mâles stériles (70 %) – ou de PPS si l’on peut récolter tard dans des terres portantes – présente plusieurs avantages : sécuriser le rendement, réduire le risque de verse et atteindre plus rapidement un minimum de 27 % de MS. La culture peut ainsi s’envisager dans les zones séchantes du nord de la Loire. « Le principal obstacle à la culture du sorgho est qu’il faut semer dans un sol réchauffé (12°C), c’est-à-dire pas avant le 10 juin dans certaines zones. Il faut donc au préalable s’assurer d’avoir les sommes de températures suffisantes. »
À l’instar de la betterave, le sorgho ensilé doit être limité à 4-5 kg de matière sèche dans la ration. Au-delà, il est laxatif en raison de sa teneur en sucre.
Luzerne : les mélanges de variétés plus performants
Autre option pour faire du stock : la luzerne, ou la prairie multi-espèce lorsque les terres s’y prêtent moins ou que l’on souhaite faire pâturer la parcelle. « Nous recommandons la luzerne pure, car l’équilibre de l’association luzerne + dactyle est difficile à préserver. »
Pure ne signifie pas pour autant une seule variété. Pour sécuriser les rendements, le semencier Jouffray-Drillaud a testé, par exemple, des mélanges de variétés de luzerne de même dormance (4), mais aux caractéristiques différentes vis-à-vis de leur résistance aux maladies : « Avec une culture implantée pour quatre ans, l’idée est d’obtenir une production plus régulière dans le temps, car les années se suivent et ne se ressemblent pas, explique Cédric Pasquier, responsable technique du semencier. Les résultats montrent qu’en moyenne le mélange est toujours plus performant. »Désormais, Jouffray-Drillaud aborde les mélanges de dormance 4 et 6, c’est-à-dire de variétés de type nord (4) et de type sud (6). Pour rappel, l’indice de dormance (ID), noté de 2 à 9, traduit la capacité de la plante à faire des réserves pour l’hiver.
Pour faire simple, moins il y a de réserve, plus la note est élevée. Cela correspond à des variétés adaptées au sud de la Loire d’ID 5 à 7,5 (au-delà, ce sont des variétés méditerranéennes). Elles sont plus précoces, ont une pousse plus régulière (repousse plus rapide) et prolongent leur cycle plus tard à l’automne. Elles sont aussi moins productives en première coupe et moins résistantes que les variétés de type nord. « Là encore, l’idée du mélange de variétés est de cumuler les complémentarités dans un contexte de changement climatique. »
La chambre d’agriculture de la Drôme a lancé un premier essai visant à comparer les mélanges et la luzerne pure (semis septembre 2016, récolte 2017). « Le résultat devra être confirmé, précise Jean-Pierre Manteaux. En première année, le mélange à quatre variétés de dormances différentes a le meilleur rendement sur chacune des trois coupes, soit 14 t de MS. »
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