« Chercher la performance à travers la sélection »

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Le troupeau simmental de Michel André et de sa fille Céline est numéro un en France en production laitière. Mais les éleveurs misent aussi sur les qualités bouchères de la race pour maximiser le produit d’exploitation.

À l’EARL du Coteau, l’élevage de la simmental est une affaire de famille dont Céline André reprend le flambeau. Lorsque son père Michel s’installe en 1978 avec son grand-père, le troupeau compte 20 vaches de ce que l’on nommait alors la pie rouge de l’Est. Elles étaient conduites en étable entravée au cœur de la commune et la SAU s’élevait à 80 ha. « À l’époque, je ne me suis pas laissé influencer par la “holsteinisation”ambiante, se souvient Michel. La sélection des meilleures laitières était déjà une passion et la qualité bouchère de la race assurait un bon complément de revenu. » Après le départ à la retraite de son père en 1981, il s’associe avec son beau-frère (Jacky Chrétiennot) : la taille du troupeau et la SAU sont multipliées par deux. Puis, des reprises successives permettent de poursuivre la croissance de l’exploitation. En 1989, l’élevage est délocalisé et la nouvelle stabulation aire paillée, équipée d’une salle de traite 2 x 5, est construite en dehors de la commune. La mise aux normes aura lieu en 2005-2006, en même temps que la conversion de l’aire paillée en logettes et l’agrandissement de la salle de traite à 2 x 7 postes.

« Difficile de faire du lait à l’herbe sur des terres très séchantes en été »

Au fil de la croissance du troupeau, le pâturage est progressivement réduit à quelques hectares de pâtures autour de la stabulation. Il faut préciser que celle-ci est située à environ 400 mètres d’altitude, sur des terres argilo-calcaires superficielles, donc lourdes en conditions humides, mais aussi froides en sortie d’hiver et séchantes en été. « Dans ces conditions, il est difficile de miser sur l’herbe pour produire du lait, explique Michel. Or, j’ai toujours cherché la performance laitière à travers la sélection, afin d’amortir les coûts d’élevage et les charges de structure. L’avantage avec la simmental, c’est que je cumule le produit lait et un produit viande élevé. » Les cultures de vente (environ 50 % du chiffre d’affaires) et le maïs sont implantés dans les terres les plus profondes. Les rendements moyens en blé sont de 65 quintaux, 35 q en colza et entre 10 et 12 tonnes de MS en maïs ensilage.

En mars 2007, à l’âge de 20 ans, Céline s’associe donc avec son père Michel, après un bac professionnel productions animales. Elle prend ainsi le relais de son oncle, à un an de la retraite, et apporte à la société un quota supplémentaire de 300 000 litres de lait livrés chez Bongrain et 150 ha de SAU.

L’exploitation dispose ainsi d’un droit à produire de 960 000 litres et de 505 ha de SAU, dont 150 ha situés à 15 km : 60 ha de terres labourables, et 80 ha de prairies humides dans le Bassigny.

« Nous avons choisi le robot pour consacrer du temps à des responsabilités extérieures »

En 2012, le départ d’un des deux salariés va amener Michel et Céline à investir environ 300 000 € dans deux robots de traite DeLaval. « Je penchais davantage pour le roto, mais cela impliquait d’être deux à la traite, rappelle Céline. Nous avons finalement opté pour le robot, afin de nous libérer un peu de temps et de pallier les engagements extérieurs de mon père. » Un détail qui a son importance, puisque Michel consacre l’équivalent d’un mi-temps à ses diverses responsabilités : maire de la commune depuis 1998 (1 400 habitants), président du conseil d’administration du lycée agricole, président de la caisse locale du Crédit agricole et représentant d’Elitest à l’OS Simmental. De son côté, Céline, passionnée de concours et de génétique, est présente chaque année à Paris, à Épinal, à Cournon et, pour la première fois, cette année à Rennes, sans oublier les concours locaux. Le troupeau compte 5 mères à taureaux, il détient la première place de la race au niveau national sur les critères de l’Inel et de la matière ­protéique. « Nous avons toujours privilégié la diversité des souches à la logique destaureaux stars. Mais avec une priorité : la production laitière. Dans tous les cas, jamais de taureaux à moins de 600 litres. »

À travers les pratiques de rationnement, les éleveurs mettent tout en œuvre pour exprimer ce potentiel génétique. La ration à l’auge est équilibrée à 24 kg de lait, elle se compose de 30 kg bruts de maïs, 1,5 kg de pulpe, 1,5 kg de farine de maïs, 2 kg de tourteau colza-soja et de foin (4 à 5 kg). Au robot, la complémentation est assurée par un VL haut de gamme très appétent et du tourteau, pour optimiser sa fréquentation. Pas de propylène en début de lactation, les quantités de concentré ­augmentent progressivement pendant les vingt premiers jours, pour atteindre un maximum de 7 kg de VL et 3 kg de tourteau par jour pour les très fortes productrices (supérieures à 50 litres), soit une production de 9 560 kg de lait par vache laitière. Cette performance s’explique par la génétique, mais surtout par un effet troupeau de plus de 3000 kg de lait résultant de la conduite alimentaire et des bonnes conditions d’élevage. Ceci, malgré des fourrages dont la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Ici, la stratégie, en lien avec celle de la laiterie qui ne limite pas les volumes livrés, est de produire le plus possible de lait avec 120 places en logette, pour diluer un ­montant d’annuités élevé.

« Toutes les génisses sont élevées et inséminées »

La consommation de concentrés doit aussi être analysée à l’aune de la valeur bouchère des vaches de réforme : des animaux finis avec la ration des taurillons, pour un poids carcasse supérieur à 500 kg. Dans un souci d’accélérer le progrès génétique, toutes les génisses sont élevées et mises à la reproduction. « Si leur production est inférieure à 20 litres en début de lactation, elles sont très rapidement réformées. Le poids carcasse est de 350 kg. Je peux ainsi amortir le coût d’élevage grâce à la viande, à condition d’avoir des vêlages précoces. » Là où la moyenne de la race s’élève à 34 mois, l’âge au premier vêlage sur la ferme est de 29 mois.

Sur la ferme, les petites génisses sont élevées au Dal avec du mélange fermier (céréales autoproduites + tourteau) et du foin tardif à volonté. Le sevrage est programmé à 4 mois et les vêlages sont étalés tout au long de l’année : selon la date de mise-bas, les génisses sont mises à l’herbe (+ 1 kg de concentré) à partir de 6 mois sur le second site d’exploitation. Des prairies naturelles sur lesquelles les éleveurs ont contracté pour cinq ans une Maec « prairies humides » en 2015, à la suite d’un diagnostic réalisé par la chambre d’agriculture (120 € x 80,9 ha).

Le dispositif implique de ne pas apporter d’azote et de ne pas faucher avant le 5 juin. Les rendements obtenus en foin sont de 5 tonnes de MS, valorisées par les taurillons, les veaux et les génisses. « Les terres sont dispersées, souligne Michel. L’idéal serait de les regrouper à proximité de l’exploitation pour pouvoir cultiver de la prairie temporaire et miser sur une part d’ensilage d’herbe de qualité. »

« Je préfère la délégation de travaux pour rester maître de mes décisions »

À 59 ans, l’éleveur envisage son départ à la retraite dans trois ans. La question de la main-d’œuvre va se poser rapidement pour Céline. « Je reste prudente sur l’idée d’une association en raison des conflits ou des difficultés relationnelles dans les gros Gaec que j’observe sur le terrain. Je préfère miser sur la délégation des travaux et le travail en commun pour rester maître de mes choix et de mes décisions. »

Jérôme Pezon
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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