SURMULOTS, CORVIDÉS, SANGLIERS, VOILÀ SANS DOUTE LE TRIO DE TÊTE DES ESPÈCES les plus citées pour les dégâts commis sur les cultures et les prairies. Dans chaque département, les groupements de défense contre les organismes nuisibles (FDGDon) ont en charge l'organisation de la lutte collective. Ces fédérations ont parfois créé des filiales qui assurent un conseil individuel et distribuent les équipements et les produits nécessaires à cette lutte. Les pressions exercées par les nuisibles sur les cultures augmentent d'année en année avec des conséquences économiques fortes. Dans un même temps, la réglementation en lien avec les demandes sociétales et environnementales affaiblit l'arsenal disponible, jusqu'à conduire à des impasses.
DOMINIQUE GRÉMY ET JEAN-MICHEL VOCORET
En collaboration avec la FRGDon Franche-Comté, la FDGDon 44 et Prophy Végétal 44
LE PIÉGEAGE : DANS LE CADRE D'UNE LUTTE COLLECTIVE
- Depuis l'arrêt de l'anthraquinone comme protection des semences, les dégâts des corvidés prennent des proportions inquiétantes, notamment sur les semis de maïs. Le piégeage dans le cadre d'une lutte collective, autorisé par un arrêté préfectoral, est l'un des moyens les plus efficaces pour réguler les populations.
Notons que l'agrément de piégeur n'est plus nécessaire dans le cadre de cette lutte collective organisée sur quelques semaines.
Seule une courte formation permettra de reconnaître les espèces protégées (choucas des tours, etc.). Le piège se compose de plusieurs compartiments avec, au centre, l'oiseau dit « appelant » qui peut être fourni par un piégeur agréé. Cet oiseau doit être abreuvé et alimenté dans le piège. Les pièges sont relevés quotidiennement avant midi et les prises sont répertoriées et euthanasiées.
Le piégeage peut être pratiqué toute l'année par des piégeurs agréés mais la meilleure période est le printemps.
- À savoir. La lutte collective s'organise à l'échelle communale ou cantonale. Elle implique une mobilisation sans faille de façon à couvrir tout le territoire. Il s'agit de placer un piège pour 50 ha. En Vendée, une opération de piégeage dans six cantons, avec 400 cages par canton, a permis de prélever 10 500 individus, en mobilisant 590 personnes pendant 15 jours.
CONTACTER DES CHASSEURS POUR ORGANISER DES FURETAGES
- Plusieurs témoignages d'agriculteurs signalent des dégâts importants causés par les lapins, souvent à l'échelle de plusieurs hectares. Contrairement aux sangliers, il n'y a pas d'indemnisation possible par les fédérations de chasseurs. Un furetage bien organisé, aux bonnes périodes, peut être efficace. Si l'espèce a été déclarée nuisible par arrêté préfectoral, l'agriculteur a la possibilité de réguler lui-même la population de lapins.
- À savoir. En France, la détention des furets est libre mais leur utilisation à la chasse est soumise à un arrêté préfectoral.
© ELENA CHERNYSHOVA/WOSTOK PRESS/MAXPPP
L'EFFAROUCHEMENT UNE LUTTE INDIVIDUELLE
- La technique consiste à diffuser une bande-son qui imite le cri d'effroi de l'espèce. Elle peut être combinée à des tirs sonores ou des fusées éclairantes et crépitantes. Les corvidés réagissent bien aux cris de détresse mais le problème est l'accoutumance. Pour y remédier, les nouveaux équipements permettent d'obtenir des rythmes d'émission aléatoires avec des séquences plus ou moins longues et des sons variables.
L'effarouchement est une lutte individuelle qui permet de protéger 1 ou 2 ha par équipement, selon la configuration du terrain. Le coût d'un tel équipement peut dépasser 1 500 €.
- À savoir. Un effarouchement ponctuel, le plus souvent par tirs de fusées à proximité des dortoirs et au printemps, oblige les oiseaux à déserter les nids entraînant la mort de l'embryon. Comme les adultes continuent à couver des oeufs non viables, une seconde ponte n'a pas lieu, ce qui limite ainsi les populations.
MORCELER LA COLONIE
- Outre le bruit et les accumulations de fientes, les grosses colonies d'étourneaux peuvent faire des dégâts dans les emblavures et sur les silos. Le seul moyen de lutte est l'effarouchement acoustique et pyrotechnique. L'objectif est de déstructurer la population au niveau du dortoir avec des détonations, les mouvements d'un leurre ou en imitant les cris d'effroi de congénères ou ceux de prédateurs. Le dérangement aboutit au morcellement de la colonie. Des groupes d'oiseaux se réfugient sur d'autres sites. Moins nombreux, ils occasionnent moins de dégâts.
SEULE SOLUTION : UNE CLÔTURE ÉLECTRIQUE
- Les dégâts de ces gibiers sont de plus en plus fréquents et exaspèrent bien des agriculteurs. La première démarche est de se rapprocher des fédérations départementales de chasseurs, chargées de l'indemnisation des dégâts, et d'organiser les tirs ou les battues nécessaires. Mais chacun sait que l'efficacité de ces dernières est aléatoire. Dans plusieurs situations, la clôture électrique permanente est une mesure préventive efficace. Avec trois fils électriques elle est plus efficace et résistante pour se protéger des sangliers qu'une clôture de barbelés à quatre rangs. Elle est aussi plus économique (925 €/100 m contre 1 716 €/100 m en barbelés) et sa pose est plus facile. Mais attention, elle nécessite une technique spécifique. Les fédérations de chasseurs peuvent apporter une aide financière à l'investissement.
- À savoir. Pour de longs périmètres avec une végétation conséquente, des électrificateurs de 5 joules et plus seront nécessaires. Il faut aussi soigner la qualité de la prise de terre. Elle est trop souvent insuffisante pour assurer un bon fonctionnement de la clôture. La pose des piquets d'angle et de bout de ligne est essentielle à la solidité de la clôture. Des formations sont proposées par les FDGDon ou les chambres d'agriculture.
PIÉGEAGE : LE TOPCAT PLUS PRATIQUE QUE LA PINCE
- Le piège d'origine suisse Topcat a pris le pas sur le classique piège pince, bien moins cher (moins de 2 €/piège), mais plus délicat à mettre en place. Compter au moins 30 € pour un Topcat sans la tarière et la sonde (qui peut se bricoler) indispensables. Une fois la galerie repérée, on creuse avec la tarière un trou cylindrique pour y glisser le piège et l'armer, les deux galeries étant dégagées. C'est le campagnol qui, à son passage, touche une tringle qui déclenche une guillotine, lui cassant le dos ou la nuque. Reste à relever le piège dont la tige extérieure est redressée, retirer la prise et le remettre en place.
Pour « attaquer » une parcelle, compter au moins une quinzaine de pièges qui seront posés par bande. On avance tache après tache, mais seulement quand il n'y a plus de prises en relevant les pièges trois à quatre fois par jour.
- Attention : si le Topcat est très efficace contre les campagnols, il l'est beaucoup moins contre les taupes dont les galeries sont plus profondes.
GAZAGE : UNE TECHNIQUE TRÈS ENCADRÉE
- Le gazage s'applique aux taupes car le réseau de galeries qu'elles créent et entretiennent facilite la colonisation des prairies par les campagnols. D'où l'intérêt d'en maîtriser les populations par piégeage classique à la pince ou gazage. Ce dernier, très efficace et sans effet sur la faune non-cible, repose sur l'utilisation de pastilles génératrices de phosphure d'hydrogène (PH3). Son principe : une fois la galerie localisée avec une sonde, introduire deux pastilles par trou à l'aide d'une canne distributrice (150 à 300 € avec la sonde) qui formeront, en présence d'humidité, un bouchon de gaz asphyxiant. Et cela à raison de 3 à 5 points d'application par foyer de taupe. L'utilisation du PH3, gaz mortel, est très réglementée. L'opérateur doit être certifié (stage de trois jours), son exploitation agréée (responsabilité civile). Les normes de sécurité exigent de disposer d'un masque avec cartouche filtrante A2B2 pour toute manipulation des pastilles. Mais aussi d'un détecteur de PH3, d'une armoire de stockage spéciale (inviolable et ininflammable) à l'abri de l'humidité dans un local spécifique aéré… L'utilisation du PH3 n'est autorisée que sur les taupes, pas sur les campagnols.
- L'inconvénient de ce travail fastidieux et chronophage pourrait être bientôt levé. Un prototype en cours de réalisation au lycée de Vesoul (Haute-Saône) devrait, à terme, reproduire ce qu'un opérateur fait de façon manuelle.
LUTTE CHIMIQUE : LA BROMADIOLONE TOUJOURS D'ACTUALITÉ EN BASSE DENSITÉ.
- La réinscription, le 15 avril 2011, de la bromadiolone dans la directive européenne 91/414 (concernant les produits phytopharmaceutiques antiparasitaires à usage agricole) prolonge la possibilité de lutter avec du blé empoisonné, mais toujours dans le cadre d'un programme de lutte raisonnée à basse densité de population de campagnols… C'est la condition sine qua non, confirmée en Franche-Comté, d'absence de dégâts sur la faune non-cible. Un arrêté interministériel environnement-agriculture devrait préciser, d'ici à la fin de l'année, ses modalités d'utilisation et notamment le seuil d'interdiction réglementaire.
- Selon le degré d'infestation de la parcelle, la mise en oeuvre de ce traitement chimique peut s'opérer à la charrue sous-soleuse en ne « traitant qu'au terrier ». Traduisez : en plantant la charrue distributrice de blé empoisonné à la bromadiolone avant le tumulus de campagnol et en la relevant après.
Il est aussi possible en tout début d'attaque des campagnols d'utiliser un « fusil à blé ». Le principe consiste à repérer les galeries autour des tumulus à l'aide d'une sonde, puis d'y déposer avec une canne distributrice 3 à 5 fois 10 g de blé par foyer. Terminer en rebouchant le trou. Reste à éparpiller les tumulus de terre pour voir si au bout de 10 jours, les campagnols terrestres ont retravaillé ou pas.
- Attention : ne pas mettre de blé empoisonné directement dans le tumulus de terre. Le campagnol en repoussant la terre pourrait le rejeter à l'extérieur… avec des risques pour la faune non-cible.
TRAVAIL DU SOL : CASSER LA MONOCULTURE D'HERBE
- La monoculture d'herbe est l'un des facteurs principaux de pullulation des campagnols. Les observations franccomtoises validées au niveau national le prouvent : le risque augmente proportionnellement au rapport STH/SAU. D'où l'idée de réintroduire le travail du sol et le labour avec une rotation des parcelles. Objectif : casser son habitat et ralentir sa progression dans les zones d'openfield. C'est aussi l'une des vertus des haies, en plus d'abriter des prédateurs naturels du campagnol (hermine, belette, renard, rapaces…).
- L'idéal dans ces zones herbagères d'openfied serait, selon les chercheurs, de revenir de 5 à 10 % de céréales implantées. Mais ce choix se heurte à la réglementation de la PHAE et à l'interdiction de retourner les prairies, sauf pour les réimplanter… en prairies.
PRÉDATEURS NATURELS : FAVORISER LEUR HABITAT
- Favoriser la prédation naturelle est un axe complémentaire important aux méthodes de lutte principales (piégeage, lutte chimique, utilisation de PH3 sur les taupes, travail du sol). Cela passe par l'entretien ou l'implantation de haies, la préservation des murets, sites privilégiés des hermines, prédateurs spécialisés des campagnols, contrairement au renard, prédateur généraliste. Autre solution à utiliser : l'installation de perchoir à rapaces dans les zones d'openfield (photo), la mise en place de nichoirs pour rapaces, belettes et hermines…
- Le broyage des refus ou l'exploitation des parcelles en « gazon court » pour limiter le couvert végétal, qui protège les campagnols, est très favorable à l'action de leurs prédateurs.
PIÉTINEMENT, ROULEAU À PLOTS, DÉCOMPACTEUR... POUR L'OBLIGER À SE MANIFESTER
- Tout ce qui contribue à détruire les galeries existantes est bon pour freiner le développement des campagnols et les obliger à se manifester, permettant après de mieux cibler la lutte. C'est l'objet des méthodes de lutte complémentaires comme l'alternance fauche-pâture quand cela est possible (éloignement des parcelles, présence d'un système de traite mobile…). L'utilisation d'un rouleau à plots tiré par un tracteur est un moyen de simuler le piétinement des vaches. Bémol : le coût de ce matériel spécifique. Celui qui tourne dans le Doubs, doté de trois rouleaux, coûte environ 20 000 €. Des expérimentations sont en cours en Franche-Comté et en Auvergne pour évaluer son effet dans le temps à raison de deux passages par an, une fois au printemps, l'autre à l'automne.
Autre technique pour détruire les galeries tout en aérant la prairie, le passage d'un décompacteur. Cet outil nécessite néanmoins une puissance de traction importante.
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