
L'homéopathie n'est pas réservée à l'élevage bio. Les vétérinaires qui la maîtrisent constatent que la demande pour cette pratique augmente dans l'élevage conventionnel.
L'HOMÉOPATHIE EST SOUVENT CONSIDÉRÉE COMME UNE ALTERNATIVE à l'allopathie pour les élevages bio, au même titre que l'ostéopathie ou l'aromathérapie. Loïc Guiouillier, vétérinaire homéopathe en Mayenne, ne le voit pas ainsi : « L'homéopathie n'est pas une médecine alternative à l'allopathie, mais bien une médecine avec des règles de mise en place et une évaluation de son efficacité qui lui sont propres et qui différent des moyens conventionnels. Dans ce cadre, la pratique de l'homéopathie constitue une corde supplémentaire à mon arc thérapeutique. »
Loin d'opposer les deux techniques, Loïc Guiouillier utilise l'une ou l'autre, en fonction de la demande de l'éleveur. Et cela lui donne des chances supplémentaires d'aboutir à la guérison de l'animal malade. La première spécificité de l'homéopathie est liée au fait que l'on ignore comment cela fonctionne. On en connaît seulement le principe de base, la loi des semblables : « Toute substance capable de provoquersur un organisme sain et sensible un ensemble de symptômes est capable, à dose extrêmement faible (infinitésimale), defaire disparaître un ensemble de symptômes semblables sur l'organisme malade. »
L'ÉLEVEUR A UN RÔLE CRUCIAL POUR OBSERVER
À partir de là, l'action de l'homéopathe est fondée sur l'observation des symptômes. La méthode et le raisonnement sont tout aussi sérieux qu'en allopathie. En médecine vétérinaire, le rôle de l'éleveur est crucial. À lui de connaître ses animaux et de repérer les modifications inhabituelles de comportement. La méthode peut sembler complexe car elle est individualisée. Chaque animal est soigné en fonction de ses propres symptômes. Il n'existe pas de recettes miracles susceptibles de fonctionner à tous les coups.
Sur la base de cet échange avec l'éleveur et de ses propres observations, l'homéopathe devra trier ces symptômes. Par exemple, pour une vache mammiteuse, outre l'existence de grumeaux dans le lait, on pourra observer une perte d'appétit, des écoulements dans les yeux, un changement dans la démarche… Une fois identifiés les symptômes particuliers, l'homéopathe se réfère au tableau des remèdes pour prescrire un traitement adapté. « Le changement doit être rapide, net et durable », précise Loïc Guiouillier. L'efficacité doit être d'autant plus rapide que les symptômes sont graves. Mais l'appréciation d'une évolution positive peut être différente de ce que l'on pratique en allopathie. Ainsi, quand on soigne une mammite chronique par homéopathie, la congestion de la mamelle et l'aspect caillé du lait peuvent-ils s'accentuer dans un premier temps, et c'est bon signe. Au final, le critère de guérison sera toujours la baisse du taux cellulaire.
UNE ACTION RAPIDE
Mais quelle que soit la pathologie, l'état de l'animal doit s'améliorer sensiblement dans les 12 à 72 heures. Sinon, il faut changer de remède ou de thérapeutique. L'éleveur devra donc rester attentif au comportement de l'animal durant cette période. Mais en homéopathie comme en allopathie, si le diagnostic est mal posé, le traitement ne sera pas adapté. À cause de ce besoin impérieux d'observation, la consultation avec un vétérinaire homéopathe prend davantage de temps et coûte donc plus cher. En revanche, le prix des médicaments est négligeable. Un tube de granules revient à environ 1,80 €, et il n'y a pas de délai d'attente pour le lait.
A priori, on peut tout soigner avec l'homéopathie, sauf bien évidemment ce qui relève de la chirurgie. Il n'existe pas plus de mesure officielle de l'efficacité qu'en allopathie. « On peut répondre à des situations aiguës,mais ça fonctionne bien aussi sur des états cliniques chroniques, comme la persistance de taux cellulaires élevés. »
La question du recours à l'homéopathie doit se poser face à des vaches qui récidivent, malgré plusieurs traitements antibiotiques. Après trois rechutes de mammites, par exemple, ne vaut-il pas mieux essayer autre chose ? Parce qu'elle est fondée sur l'observation des symptômes, l'homéopathie ne propose pas de traitements préventifs ni de vaccin. En revanche, cette démarche s'inscrit bien dans une logique de gestion préventive sur l'élevage. « Quand un bâtiment ou une ration fonctionne mal, on en voit les effets sur les animaux, avant d'arriver à des pathologies », précise Loïc Guiouillier.
Un éleveur habitué à observer ses animaux détectera plus vite ces signes (observation des bouses, des poils, des mouvements…). Dans le cadre d'un suivi d'élevage, le vétérinaire peut l'aider à trouver des solutions avant que la situation ne se dégrade. Même si ce type de problème ne se résout pas avec des médicaments.
PRÉVENIR LES PROBLÈMES
Cette volonté de prévenir se retrouve aussi très souvent chez les éleveurs bio pour lesquels le recours aux traitements allopathiques est limité. Ils doivent être plus techniques puisqu'ils ont moins de solutions pour rattraper les erreurs. Souvent plus enclins que les éleveurs conventionnels à recourir à l'homéopathie, ils représentent un véritable laboratoire pour les médecines différentes. Et l'expérience acquise ainsi se révèle très utile pour l'ensemble des éleveurs.
« Aujourd'hui, j'utilise autant l'homéopathie chez les éleveurs conventionnels que chez les bio », témoigne Loïc.
Malgré tout, les vétérinaires compétents en homéopathie restent peu nombreux. Loïc Guiouillier s'y est intéressé très tôt. Depuis 1990, il suit une formation continue au Centre Liégois d'homéopathie (Belgique). Il propose aussi des formations aux éleveurs sur ce thème, à la demande des chambres d'agriculture ou des GVA. « Les vétérinaires ont intérêt à travailler en réseau sur ce type de problématique », estime-t-il. Ainsi, ceux qui ne pratiquent pas l'homéopathie peuvent renvoyer leurs éleveurs demandeurs vers des vétérinaires qui connaissent cette pratique.
La demande augmente notamment du fait de l'accélération des conversions bio. Mais plus généralement, l'intérêt des consommateurs pour la qualité de l'alimentation tout comme le souci de réduire les risques d'antibiorésistance militent pour une évolution des soins vétérinaires vers une moindre utilisation des antibiotiques ou un raisonnement plus fin de leur usage.
PASCALE LE CANN
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