Une veille sanitaire est nécessaire

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Dans certaines régions, les sangliers, les blaireaux, les cervidés, voire les renards, constituent un vecteur potentiel de transmission de maladies. En France, le ­premier cas de tuberculose bovine sur faune sauvage avait été découvert en 2001 en forêt de Brotonne (Seine-Maritine) sur des cerfs tués à la chasse.
Dans certaines régions, les sangliers, les blaireaux, les cervidés, voire les renards, constituent un vecteur potentiel de transmission de maladies. En France, le ­premier cas de tuberculose bovine sur faune sauvage avait été découvert en 2001 en forêt de Brotonne (Seine-Maritine) sur des cerfs tués à la chasse. (©Christian Watier)

La présence d’une faune sauvage infectée à proximité des cheptels domestiques fait peser un risque sanitaire aux élevages.

Tuberculose bovine, brucellose, influenza aviaire et, peut-être demain, peste porcine africaine : la faune sauvage intervient de plus en plus dans les problématiques de santé animale et publique. Début 2018, un débat a eu lieu à la Fesass, la Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire(1).

En Côte-d’Or, alors que la tuberculose bovine de masse touche à sa fin avec trois foyers détectés lors de la dernière campagne de prophylaxie, contre quarante-cinq en 2010, Pascal Martens, polyculteur-éleveur laitier et président du GDS, pointe depuis des années le rôle de la faune sauvage dans la recontamination de certains élevages (jusqu’à quatre fois !)

Les études réalisées sous l’égide de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et de l’Oncfs (Office national de la chasse et de la faune sauvage) lui ont donné raison. Certaines espèces, telles que les blaireaux, les sangliers et les cervidés, sont désormais considérées comme des facteurs de risques, aux côtés de la voie bovine et de l’environnement (persistance des mycobactéries responsables de la maladie dans des sols humides et froids).

En Haute-Savoie, des bouquetins dorment avec les vaches en pâture

Même si, initialement, ce sont les bovins qui ont contaminé la faune sauvage, les éleveurs se retrouvent en première ligne face aux risques sanitaires que fait peser sur leur troupeau une faune de moins en moins sauvage.

Ainsi, en Haute-Savoie, tout près du Grand-Bornand, des bouquetins potentiellement infectés par la brucellose menacent, depuis six ans, la filière au lait cru reblochon AOP. Certains d’entre eux dorment l’été avec les vaches en pâture.

En Côte-d’Or, la cohabitation dans les prés comme dans les bâtiments est bien réelle. Elle a été constatée aussi bien par des scientifiques que par des éleveurs. Nombreux sont ceux à avoir vu, par caméras interposées, des sangliers rôdant la nuit dans leurs bâtiments ou à avoir repéré des traces de blaireaux près des silos, des auges, des points d’eau, des pierres à sel...

Les modifications des conditions d’élevage, mais aussi de chasse, ont favorisé le contact des bovins et de la faune sauvage. Avec la mise aux normes, de nombreuses exploitations ont quitté les villages pour se délocaliser au milieu des prés. Dans certains secteurs, le nombre de piégeurs s’est fortement réduit et une partie des bois communaux a été louée à des chasses commerciales. Le développement de ces dernières a favorisé l’extension des sangliers au détriment des agriculteurs (dégâts dans les cultures et contamination éventuelle des prés).

Dans les régions infectées, cette proximité entre les troupeaux et la faune sauvage inquiète les éleveurs. « Une dizaine de sangliers ont élu domicile à 20 mètres de l’une de mes stabulations, explique ainsi Jean-Pierre Renault, éleveur allaitant à Thenissey (Côte-d’Or). Ils sont sortis des forêts à la suite de l’été sec en 2017 et sont descendus à la rivière proche de ce bâtiment. Ce site est bordé de buissons. Il est devenu un lieu de reproduction. Pendant deux jours, au mois de novembre dernier, les mères chassaient les bovins pour protéger leurs petits. » Et d’exprimer son impuissance face à ces animaux sauvages potentiellement porteurs de tuberculose, un sanglier infecté ayant été abattu dans le secteur. « Le plan de chasse en vigueur sur ma propriété a été abrogé il y a deux ans, créant ainsi une zone de protection du sanglier. »

Intervenir efficacement sur la faune sauvage n’est actuellement pas simple. « Certaines décisions sont difficilement prenables compte tenu de l’état actuel du Coderural, explique Pascal Martens. Dans certains départements, des arrêtés préfectoraux pris pour éliminer les terriers des blaireaux, espèces protégées, ont été cassés sous la pression d’associations environnementalistes. Alors que la gestion sanitaire des sangliers et des cervidés est laissée aux chasseurs, les représentants des éleveurs sont démunis si les prélèvements demandés pour connaître l’état sanitaire du gibier ne sont pas réalisés. »

Les relations entre chasseurs et agriculteurs pas toujours au beau fixe

Les relations entre les agriculteurs et les fédérations des chasseurs constituent l’une des clés du problème. Malheureusement, elles ne sont pas partout au beau fixe. « En Côte-d’Or, les responsables de la chasse ne veulent pas admettre qu’une partie des sangliers contaminés par la tuberculose constitue une menace sanitaire pour l’élevage bovin, déplore Jean-Pierre Renault. Les sociétés de chasse doivent arrêter de gérer leur gibier de façon conservatoire (en ne tirant pas les animaux d’un certain âge ou d’un certain sexe). Il faut réduire la pression des sangliers dans les prés. En même temps que l’on délivre les bracelets, il faut obliger les sociétés de chasse à faire des prélèvements sur les premiers sangliers tués et à envoyer les informations prévues dans le programme de surveillance de la tuberculose sur la faune sauvage. Dans mon secteur, le travail sur les blaireaux a été réalisé il y a deux ou trois ans grâce à une bonne concertation avec les éleveurs. Celui sur les sangliers, dont les effectifs ont étonnement explosé ces dernières années, reste à faire. » Et de s’interroger : « Alors que les piégeurs de blaireaux peuvent intervenir sur l’ensemble du territoire, les chasseurs de sangliers sont limités par décret. Pourquoi ? »

Un cas de brucelloseaiguë chez un enfant

Dans ces dossiers sensibles, la question de l’acceptabilité sociale intervient également. Depuis le mois de janvier 2012, date du premier cas de brucellose aiguë chez un enfant et de la découverte du premier foyer de brucellose dans un élevage laitier des Aravis, dans les Préalpes, l’opération d’assainissement des bouquetins est ainsi source de polémique entre les agriculteurs et les associations environnementalistes.

Après de nombreuses études et plusieurs arrêtés préfectoraux non appliqués, un nouveau programme doit permettre d’ici deux à trois ans de lever la menace qui pèse sur les élevages AOP reblochon du secteur.

Cette année, cinquante abattages sont annoncés dans le cœur du massif, là où le taux de prévalence est le plus élevé, ainsi que cinquante captures sur le pourtour. Téléanesthésiés, les bouquetins capturés seront soumis à une analyse sérologique rapide. Les animaux négatifs seront relâchés après la pose d’un collier GPS, VHS ou d’un fanion. Patience, patience.

Actuellement non concerné par cette problématique (hors l’influenza aviaire), le Grand-Ouest reste vigilant. « La surveillance de la faune sauvage est nécessaire », estime Gilles Lavollée, élu du GDS Bretagne et vice-président de la Fesass.

Anne Bréhier

(1) Réseau européen des GDS, la Fesass compte neuf pays adhérents représentant près de 70 % des cheptels bovins, porcins et ovins de l’Union euro­péenne.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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