
En Espagne. Parce que la terre est rare, Manuel cherche, comme tous ses collègues galiciens, à maximiser la production par vache. Malgré la dépendance aux achats de concentrés, il dégage une bonne rentabilité.
Les Galiciens aiment dire que leur région ressemble à la Bretagne. Il est vrai qu’en cette fin juin, alors que le nord de l’Europe est écrasé par la chaleur, une fraîcheur surprenante règne sur le nord-ouest de l’Espagne. Les collines verdoyantes et boisées séparent les villages où se nichent quelques élevages. Une multitude de petites parcelles ensemencées en herbe ou en maïs découpent le paysage. On y voit peu d’animaux.
C’est là, à Pontevedra, que s’est installé Manuel Iglesias Canda, avec son frère José, sur la ferme de leurs parents. C’était en 2000. L’élevage comprenait 17 ha pour 40 vaches laitières. En 2007, ils s’associent avec leur voisin et beau-frère. « Nous voulions rationaliser le travail et avoir plus de temps libre », explique Manuel. La structure actuelle de la ferme découle de cette rupture. Ils ont créé la société SAT O Chope et investi 120 000 € pour doubler la surface du bâtiment.
Aujourd’hui, ils élèvent 227 vaches et produisent 2 Ml quand la ferme moyenne galicienne en livre 341 000. L’exploitation dispose de 100 ha dont 40 % en propriété. Cette surface est divisée en 156 parcelles dont la plus grande fait 5 ha. « Un remembrement a été fait en 1972, raconte Manuel. Mais depuis, au gré des successions, un nouveau découpage est apparu. Tout le monde possède un peu de terre et personne ne veut vendre. » Le loyer moyen payé par la société s’élève à 260 €/ha. Le prix des terres varie entre 15 000 et 20 000 €/ha. Dans ces conditions, les éleveurs galiciens maximisent le lait produit par hectare. Sur la ferme de Manuel, le chargement atteint 4 UGB/ha. Il produit 25 000 l de lait/ha, élève 250 truies et vend 7 000 porcs par an.
La nature a bien servi la région en lui accordant 2 000 mm d’eau et 2 000 heures de soleil par an. La température dépasse rarement 30 °C et les gelées sont rares. Les sols sableux drainent facilement cette pluviométrie.
« Nous n’avons pas encore de contraintes de fertilisation »
Ces conditions favorisent les fourrages. Sur 49 ha, Manuel effectue une rotation de maïs et RGI-trèfle violet. Il réalise deux ou trois coupes d’ensilage d’herbe entre deux maïs, avec un rendement de 8 t de MS/ha/an. Le maïs, non irrigué, produit autour de 15 t.
Le reste de la surface porte des prairies temporaires ou permanentes à base de RGA, récoltées en ensilage. Les vaches pâturent un peu en été quand il ne pleut pas. Pour atteindre ces rendements, l’exploitation ne lésine pas sur la fertilisation. Le maïs reçoit 200 UN et 40 m3 de lisier. Soixante tonnes de lisier sont épandues sur les prairies après chaque fauche. « Nous ne sommes pas en zone vulnérable. Nous n’avons pas de contraintes de fertilisation. On s’attend à un durcissement de la réglementation l’an prochain. »
Cette productivité des terres couvre les besoins en fourrages. Les vaches reçoivent une ration complète comprenant 24 kg bruts d’ensilage de maïs, autant d’ensilage d’herbe et 5 kg de concentré. S’y ajoutent 5 kg de concentré identique que Manuel donnait au Dac avant d’installer des robots de traite. Ce concentré se compose de 2,5 kg de tourteau de soja, 1,5 kg de maïs grain, 0,5 kg de tourteau de colza et 0,5 kg d’orge. La part donnée au robot contient en plus des vitamines et des minéraux. Conscient des risques d’acidose, l’éleveur distribue du bicarbonate à raison de 200 g/VL/j. L’élevage achète le mélange à une coopérative dont il détient 20 % des parts. Elle compte 70 adhérents et produit 1 000 t d’aliment par mois. « Comme nous achetons beaucoup de concentrés, nous sommes très sensibles aux fluctuations de prix et nous essayons de nous en protéger. »
Les matières premières négociées à l’année par contrat
La coopérative achète les matières premières dans les ports. Elle négocie des contrats à l’année. Le prix payé par la SAT varie entre 230 et 270 €/t. Cela pèse sur les charges opérationnelles qui s’élèvent à 2 000 €/vache. Mais ramenée au volume de lait, cette charge se situe dans la moyenne du groupe des éleveurs du réseau EDF (voir ci-dessus). On retrouve la pertinence du choix de produire beaucoup de lait par vache afin de diluer les charges opérationnelles. Les taries reçoivent une ration nettement moins concentrée : 16 kg bruts d’ensilage d’herbe, 8 kg bruts d’ensilage de maïs, 4 kg de paille et 2 kg de concentré (le même que pour les vaches en production). Toute la paille est achetée à 90 €/t dont 25 € de transport.
Le recours à la traite trois fois par jour constitue une autre voie pour augmenter la productivité. Manuel l’a pratiquée mais la contrainte est lourde en matière de travail. C’est l’une des raisons qui ont poussé au choix des robots de traite. Les deux premières stalles ont été posées ce printemps. Deux autres devaient suivre cet été. « Nous avons investi 380 000 € pour quatre stalles GEA et un pousse-fourrage. La société voulait s’implanter par ici, ce qui nous a permis de négocier le prix. » La santé du troupeau est bonne. Un vétérinaire passe tous les six mois. Il s’agit d’un contrôle obligatoire de la santé, mais aussi du bien-être des animaux. S’il y a un problème, l’éleveur a deux semaines pour corriger. S’il ne réagit pas, il risque la perte d’une part de ses primes Pac.
En cas de mammite (environ une par mois), Manuel administre un bolus (AHV, entreprise néerlandaise) à base de produits naturels car il veut éviter les antibiotiques. Il le juge efficace, pour un coût de 36 €/bolus. Ce traitement agit aussi contre les métrites. L’âge au premier vêlage est de 26 mois. Il faut 1,3 paillette pour remplir les primipares et 2,3 pour les multipares. Un traitement hormonal est appliqué à partir de la troisième insémination. Les vaches portent des colliers mesurant l’activité, pour détecter les chaleurs et repérer les signes de problèmes de santé. La réussite à la reproduction représente cependant un point faible. Manuel cherche à l’améliorer avec le contrôle laitier (voir infographie).
En moyenne, chaque vache produit 35 776 kg au cours de sa carrière. Manuel espère monter à 50 000. « Nous avons dû réformer avant l’arrivée du robot. C’est devenu notre premier motif de réforme. » Outre les trois associés, six salariés travaillent sur l’élevage. Deux s’occupent des porcs, deux autres des cultures et du matériel, et deux se chargent du troupeau laitier. « Les trois associés sont polyvalents. Nous travaillons un week-end sur deux et nous prenons des vacances. »
Les salariés travaillent huit heures par jour. Ils bénéficient de six jours de repos par mois et trente jours de congé par an. Ils perçoivent en moyenne un salaire de 1 150 €/mois, soit 300 € de plus que le minimum légal.
L’arrivée du robot modifie l’organisation du travail. « Nous nous orientons vers des journées continues avec une personne d’astreinte en permanence », explique Manuel.
Le lait est livré à la société Reny Picot, qui se définit comme la première multinationale laitière espagnole. Manuel a signé un contrat avec elle et n’est pas limité en volume. Le prix payé est assez stable, mais bas. En 2016-2017, l’exploitation a perçu en moyenne 300,69 €/t (prix de base 284,54 €).
S’agrandir pour gagner en autonomie fourragère
Pour améliorer la rentabilité et sécuriser l’avenir, les associés veulent augmenter leur autonomie alimentaire. Pour cela, il faut plus de surface. « Notre commune compte un autre élevage de 200 vaches et cinq fermes d’environ 40 ha, sans successeur à l’approche de la retraite. Nous espérons donc nous agrandir d’ici quelques années. » Ces surfaces seront mises en prairies. « On fera de la fauche précoce pour produire un fourrage de meilleure qualité, diminuer les concentrés et le coût de production. » Manuel est satisfait des résultats économiques de l’élevage. Il aime son métier. En dehors des périodes de récolte, la charge de travail est bien gérée. Les associés ont atteint leur objectif d’autonomie pour l’essentiel des tâches. Les deux ateliers sont complémentaires. Manuel a 37 ans et vient de se marier. Le modèle de production qu’il a construit avec ses associés convient parfaitement à ses projets de vie.
(salarié de Glaücor, entreprise qui a installé les robots de l’exploitation)
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