Hervé Loussaut a parié sur le développement du lait, mais plus de la moitié de sa référence est payée au prix B. Il mise sur les généreux pâturages bretons pour réduire son coût alimentaire et maximiser son EBE.
Fin octobre, l’herbe pousse encore à l’EARL des Cerisiers, dans le nord du Finistère. Hervé Loussaut se réjouit de cette arrière-saison clémente. Ses 120 vaches pâturent nuit et jour. Alors que ses livraisons seront payées au prix B jusqu’à la fin de la campagne (1), il cherche à réduire son coût de production.
La situation actuelle résulte de choix majeurs effectués en 2014. Hervé a dû s’adapter au départ de son salarié, démissionnaire après quatorze ans de collaboration. L’exploitation produisait alors près de 700 000 litres de lait, dont plus de 100 000 litres pour nourrir des veaux de boucherie. Le troupeau comptait 90 vaches pour 65 ha. Avec une vieille installation en 2 x 5 postes, la traite l’occupait plus de cinq heures par jour. Comme aujourd’hui, Hervé avait des responsabilités professionnelles qui lui prenaient, en moyenne, trois jours par semaine. Il est notamment membre du bureau de la coopérative Even. Enfin, avec un système herbager, l’élevage affichait un coût alimentaire à 67 €/1 000 litres.
« Même avec une surface faiblel’herbe reste un atout »
Entre le maintien ou le développement de la production, l’investissement dans une salle de traite ou un robot, l’agrandissement ou la transformation du bâtiment, Hervé a étudié de nombreuses options. À la veille de la suppression des quotas, et alors qu’il n’avait pas bénéficié du moindre litre supplémentaire depuis son installation en février 1984, il était tenté par le développement du lait. Il a décidé d’arrêter l’élevage des veaux.
La laiterie acceptait d’augmenter sa référence, mais avec du volume B. « Cela m’a paru jouable, à condition d’être vigilant sur les coûts. » L’élevage avait une autorisation d’exploiter pour 125 vaches. Hervé a d’abord réfléchi au logement. « En supprimant le stockage de paille entre deux rangs de logettes, je pouvais passer à trois rangs. » Pour pallier le manque de cornadis, il a installé une auge de 40 places à l’extérieur.
Restait la question de la traite et de la main-d’œuvre : « J’ai pensé au robot. » Il fallait deux stalles à temps plein, ce qui impliquait l’abandon du pâturage et l’explosion du coût alimentaire. « Beaucoup trop cher », estime Hervé. Et puis, il souhaitait conserver un système pâturant. « Même avec une surface faible, l’herbe représente un atout. Ce serait dommage d’y renoncer. » Finalement, il a choisi une salle de traite 2 x 16 postes en simple équipement, installée à la place des veaux de boucherie. Pour 140 000 €, il a atteint son objectif de traire en un temps raisonnable pour une personne.
Au total, Hervé a investi 350 000 € pour passer de 74 à 116 logettes, installer des racleurs, quatre Dac, une salle de traite avec des compteurs à lait et une fosse géomembrane (2 000 m3). Faute d’opportunités, la surface de l’exploitation n’a pas bougé. Les vaches disposent de 30 ares accessibles pour le pâturage. L’exploitation achète 10 à 15 ha de maïs ensilage chaque année.
Pendant les travaux en 2015, Hervé s’est appuyé sur son groupement d’employeurs. Il a aussi eu recours à une association (Partag’emploi). Puis, en septembre 2015, son fils Adrien, salarié dans une autre exploitation, a souhaité le rejoindre. S’il s’était installé, la référence supplémentaire allouée par la laiterie aurait été attribuée en A. Mais il préférait commencer comme salarié.
Pendant les travaux et lors de la mise en service des Dac, le coût alimentaire a un peu dérapé, frisant les 100 €/1 000 litres. Moins disponibles, les éleveurs ont été moins rigoureux. L’utilisation des Dac demande aussi un temps d’adaptation. Enfin, la croissance du troupeau s’est faite sans achat, ce qui a pu aussi augmenter les besoins. L’an dernier, les vêlages étaient nombreux et les fraîches vêlées bénéficient de 1 kg de concentré de production en plus. Depuis un an, les éleveurs ont tout fait pour retrouver le niveau de coût alimentaire d’avant. Des chemins ont été aménagés pour faciliter l’accès aux prairies. Hervé a créé des paddocks pour deux jours ou deux nuits. « Une seule personne peut faire entrer et sortir le troupeau, avec l’aide d’un quad. »
« Les concentrés sont supprimés pendant au moins trois mois »
La saison de pâturage débute en février et, fin mars, les vaches passent la nuit dehors. La ration comprend toujours 5 kg de MS de maïs ensilage, mais les concentrés sont supprimés au moins jusqu’en juin (voir ci-dessus). Les vaches rentrent de nouveau la nuit à partir de la Toussaint, mais elles continuent de sortir jusqu’en décembre.
L’objectif de coût alimentaire est fixé entre 70 à 80 €/1 000 litres. Avec le recalage effectué cette année, il a été atteint, contrairement à l’an dernier. Les vaches n’ont pas reçu de concentrés d’avril à septembre. « Le prix B est descendu à 217 € l’an dernier. Ce devrait être autour de 280 € cette année. La marge sur coût alimentaire devrait donc aussi s’améliorer. »
« On croise pour augmenter les performances moyennes »
Si le coût alimentaire représente un poste de dépense majeur, la rentabilité passe aussi par l’adaptation des animaux au système. Depuis huit ans, Hervé croise la moitié des vaches. Cette stratégie vise à améliorer la résistance des animaux et leur adaptation au pâturage. L’éleveur veut aussi maximiser la valorisation du lait grâce à un compromis optimal entre le volume et les taux. « Compte tenu du manque de surface, nous avons besoin de produire 10 000 litres par hectare, ce qui nécessite des vaches productives. Mais nous voulons aussi des taux pour maximiser le prix. »
La holstein représente toujours la moitié du troupeau. Sur les autres, Hervé utilise des mâles montbéliard, jersiais, norvégien ou normand, en fonction des postes à corriger.
Les génisses sont génotypées et les femelles qui ne sont pas retenues pour le renouvellement sont inséminées en blanc bleu belge. Les performances de reproduction progressent sans doute grâce au croisement. Peut-être aussi parce qu’Hervé et son fils se chargent des inséminations. « L’intervalle entre deux vêlages est passé de 427 à 403 jours en trois ans. » Le taux de réussite avec deux inséminations est de 78 % pour les vaches, 83 % pour les génisses. Il a fallu 1,9 paillette pour remplir les vaches cette année, contre 2,6 en moyenne depuis quatre ans.
Aujourd’hui, Hervé est plutôt serein. Le gros point noir du volume B ne durera pas. Ce système a toujours été annoncé comme provisoire. La trésorerie représente un autre point faible et il faudra du temps pour la renflouer. « Nous avons eu deux incendies ici et c’est difficile de s’en remettre financièrement. Les années de crise n’arrangent pas les choses. »
Hervé pense avoir bien choisi en investissant dans son développement. Aujourd’hui, il va avec plaisir à la traite. Sans cette évolution, il aurait été difficile de trouver un jeune pour venir travailler. La conduite technique est presque calée. Cet hiver, les éleveurs vont terminer les aménagements des bâtiments et des abords pour rationaliser le travail. Hervé a atteint l’objectif d’un week-end libre sur deux, mais pas encore celui de quatre semaines de vacances par an.
La prochaine étape sera de préparer la succession. Adrien a 25 ans et a le projet de s’installer. Toutes les décisions récentes ont été prises à deux. Hervé a 56 ans et se donne encore six ans avant de cesser son activité. D’ici là, une partie des prêts sera soldée. Le troupeau devrait être stabilisé. Et Hervé espère que l’EBE aura remonté.
(1) Chez Laïta, la campagne laitière commence le 1er avril et l’éleveur livre d’abord son volume A. Les livraisons en B se font en fin de campagne. Le prix B est calculé à partir de la valorisation beurre-poudre (référence Cniel), avec un ajustement en fonction des valorisations propres à l’entreprise. Ce prix est lissé sur douze mois.
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