Grâce à la nouvelle valorisation de leur lait sous la marque des consommateurs C’est qui le patron ? !, Régis et Damien Paquelet remettent à flot leur trésorerie et recommencent à faire des projets.
Le Gaec de l’Étang, à Chevroux, dans l’Ain, est l’une des cinquante exploitations dont le lait est commercialisé sous la nouvelle marque des consommateurs C’est qui le patron ? !, avec un prix rémunérateur à 390 € les 1 000 litres. Distribuée dans un premier temps dans les seuls magasins Carrefour, la brique de lait, proposée aux consommateurs à un prix de 0,99 € le litre, est désormais disponible dans de nombreuses enseignes (lire p. 22).
« Depuis le 19 septembre 2016, le lait de notre coopérative Bresse-Val de Saône ne part plus en Italie, mais est livré à la laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel dans le Loiret, se réjouit Régis Paquelet, associé à son frère Damien sur une exploitation de polyculture-élevage, en limite de Bresse et du Val de Saône. Ça change tout ! Au lieu d’être payé à un prix misérable, il est enfin rémunéré à un juste prix. »
« Une partie de notre lait est payée 390 € les 1 000 litres »
En février, 82 % du lait de l’exploitation a été valorisé sous la marque C’est qui le patron ? ! à 390 € les 1 000 litres. Le reste a été payé au prix de la laiterie LSDH (308 €), moins 15 € de frais de participation au transport. « On retombe sur une paie du lait qui va enfin nous permettre de rémunérer correctement notre travail. » Pour bénéficier de la plus-value C’est qui le patron ? !, les éleveurs se sont engagés à respecter un cahier des charges fondé sur un pâturage de trois mois au minimum, la charte des bonnes pratiques d’élevage, et une alimentation non OGM. « Nous avons fait évoluer notre complémentation azotée : d’un tiers de tourteau de colza et de deux tiers de soja, nous sommes passés à deux tiers de colza et un tiers de drèche de blé. »
Après des années de vaches maigres liées au démantèlement de l’URCVL en 2009, aux difficultés de la fromagerie de Leyment(1), puis aux déboires avec leur dernier acheteur italien Alpicom, Régis et Damien se remettent à espérer. Car 2016 a été particulièrement dure. « Avec un prix de misère tombé plusieurs mois à 200 € les 1 000 litres et un contexte laitier globalement tendu, nous n’avions aucune perspective. Nous avons aussi subi une année climatiquement très difficile, un printemps excessivement humide, puis un été sec, avec de mauvaises récoltes de céréales et de fourrages. On a dû se priver de l’argent de la vente d’une partie de nos céréales, habituellement 20 ha de blé et orge, et 15 ha de maïs grain. »
Pour tenir le choc, Régis et Damien ont tapé dans leur réserve de trésorerie, ont décalé les factures d’un mois ou deux, réduit les charges autant qu’ils le pouvaient, repoussé les investissements, gardé le vieux matériel, et fait l’impasse sur des travaux d’entretien de l’exploitation et de ses abords. « Il ne fallait pas que ça dure six mois de plus. » L’idée d’arrêter le lait n’a toutefois fait qu’effleurer l’esprit des éleveurs, animaliers dans l’âme. « Arrêter le lait, mais pour faire quoi à la place ? » La gestion prudente en vigueur sur l’exploitation ainsi que la bonne maîtrise du troupeau laitier ont aidé les deux frères à passer la période difficile.
La stabulation des laitières, construite en 1995 par Michel, le père de Régis et de Damien, alors en Gaec, et initialement sur aire paillée, a été transformée en logettes sur caillebotis en 2012. Les travaux ont été réalisés dans le cadre de la mise aux normes consécutive à l’installation de Damien (et donc subventionnés à hauteur de 60 % avec deux JA). Un an plus tard, un Dac à trois stalles était installé. Aujourd’hui, avec ses 75 logettes et ses 71 places au cornadis, le bâtiment est saturé.
« Le confort des animaux, une priorité pour nous »
« Avec la conjoncture difficile, il a fallu produire plus pour absorber au mieux les investissements liés au bâtiment (mise aux normes, Dac, silo, salle de traite). Le lait mieux rémunéré va nous permettre de réduire le troupeau de 4-5 vaches. » Ce qui diminuera d’autant la charge de travail et améliorera le confort des animaux. Une priorité pour les éleveurs. Sous le même toit sont hébergées les génisses à inséminer et les taries. Dix à quinze jours avant vêlage, ces dernières reçoivent un peu de la ration des vaches, de la farine de seigle, du tourteau de colza, des minéraux et du chlorure de magnésium. L’été, pour la préparation au vêlage, les animaux sont rentrés. Une case pour les mises bas est également disponible. Elle sert aussi d’infirmerie. « À l’exception des vêlages en début d’après-midi, les vaches restent douze heures avec leur veau, le temps de s’assurer que ces derniers ont bien tété. » Les femelles de renouvellement sont logées dans un ancien poulailler reconverti, à moindres frais, en stabulation paillée, en 2007. Au pâturage de mi-mars-début avril jusqu’à mi-octobre ou mi-novembre, les laitières reçoivent l’hiver une alimentation très diversifiée et riche en herbe. Distribuée le soir (avec rajout d’une balle d’enrubannage le matin), la ration semi-mélangée est établie pour 30 kg de lait. Elle se compose de 5,7 kg de MS d’ensilage de maïs plante entière, 1,7 kg d’ensilage maïs épi, 1,6 kg d’ensilage sorgho BMR, 3,8 kg d’enrubanné fibreux (2,8 kg de prairie temporaire deuxième coupe + 1 kg de ray-grass hybride-trèfle violet première coupe), 2 kg d’enrubanné riche en MAT (couverts RGI-trèfle incarnat), 0,7 kg d’enrubanné de luzerne première coupe, 0,7 kg de foin, 0,5 kg de seigle, 3,4 kg de tourteau de colza, 50 g d’urée, 180 g de minéral 0.30.12, 50 g de carbonate de calcium, 50 g de sel, 50 de bicarbonate de sodium. La complémentation se fait au Dac avec une VL 24 fabriquée à la ferme, comprenant 60 % de seigle et 40 % de drèche de blé (5 kg de VL maxi par vache).
Pour valoriser davantage l’herbe qui occupe la moitié de la surface de l’exploitation, Régis et Damien se lanceront ce printemps dans un pâturage plus dynamique. Ils ont suivi une formation et le potentiel est là : 25 ha de prés sont disponibles autour des bâtiments. Ici, le pâturage est surtout valorisé au printemps (30 ares par vache) et à l’automne, car l’été est généralement un peu sec.
« Nous espérons accroître la part d’herbe pâturée »
En avril-mai, la ration à l’auge est alors réduite de 40 % environ et le tourteau de colza est abaissé au maximum pour amener moins d’azote soluble. La drèche de blé (0,95 UFL, 228 PDIN, 143 PDIE et 34 de MAT) est conservée. Avec une conduite plus rigoureuse du pâturage, les éleveurs espèrent, à surface identique, accroître la part d’herbe pâturée pour gagner en coût de ration.
Les parcelles vont être redécoupées au fil électrique pour une durée de pâturage de trois jours (contre une semaine actuellement). À terme, quand le système sera bien calé, des clôtures plus rigides pourront être posées. Pour l’abreuvement des animaux, des points d’eau seront aménagés.
« Des vêlages ce printemps pour profiter de la pousse d’herbe »
Huit génisses et des vaches ont été inséminées en juin-juillet 2016 pour avoir des vêlages ce printemps afin de profiter de la pousse d’herbe et d’essayer de lisser la production. Avec une paie de lait quasi doublée depuis l’automne, Régis et Damien remettent leur trésorerie à flot et envisagent quelques investissements : un bol mélangeur cette année, un robot racleur pour les caillebotis l’an prochain peut-être. Des génotypages ont été réalisés cet hiver sur les génisses à inséminer cet été et l’hiver prochain dans l’objectif de trier les animaux en amont. Les jeunes éleveurs ont retrouvé le moral et la sérénité. Ils espèrent juste que cela va durer.
(1) Après le démantèlement de l’Union régionale de vente de lait de Rhône-Alpes, les producteurs de la coopérative Bresse-Val de Saône avaient été affectés à la fromagerie du Leyment. Avec les difficultés traversées par celle-ci, ils avaient repris la commercialisation de leur lait en 2013.
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