« Notre objectif en 2016 était d’économiser 20 000 € »

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Gildas et Nicolas Bourdin, et les deux fils de Gildas, Baptiste, l’aîné, et Jules.  
THIERRY PASQUET/SIGNATURES
Gildas et Nicolas Bourdin, et les deux fils de Gildas, Baptiste, l’aîné, et Jules. THIERRY PASQUET/SIGNATURES (©THIERRY PASQUET/SIGNATURES)

Un an après l’installation de Nicolas auprès de son frère Gildas, les éleveurs ont dû faire face à la double crise du lait et du porc. Reportant leur projet de bâtiment, ils se sont consacrés à l’étude de leurs charges afin de réduire drastiquement les dépenses.

En décembre 2015, il n’y avait rien de bon ! On vendait notre lait 310 euros les mille litres. Et avec un cours à 1,03 euro/kg, nous perdions 22 euros par porc. C’était dur. Nous nous sommes donc fixé pour objectif de réduire nos charges de 20 000 € en 2016. »

Gildas Bourdin, 41 ans, s’est installé en 2010 sur la ferme familiale d’Avessac pour remplacer son père auprès de sa mère. En 2015, son frère Nicolas, 31 ans, le rejoint en reprenant une ferme voisine à Fégréac. D’une génération à l’autre, la production laitière est passée de 230 000 à 640 000 litres de lait… avec le même outil de production. Le projet de nouveau bâtiment imaginé avec l’installation de Nicolas a été différé. Subissant la double crise du lait et du porc, les éleveurs mettent la réduction de leurs charges en ­priorité. Depuis l’arrivée de Gildas il y a sept ans, un travail important a d’abord été accompli du côté de la productivité du troupeau : les vaches sont passées de 6 500 kg à 8 600 kg par lactation en moyenne sur les douze derniers mois. Une amélioration conduite sans dégrader la qualité du lait. Ainsi, en novembre 2016, les éleveurs étaient payés 326 euros les 1 000 litres pour un prix de base de 284 euros.

« En décembre, nous avons été pénalisés pour les cellules, indique Gildas. Je pense que c’est la première fois que cela arrive. Ce n’est pas évident d’avoir autant de vaches dans un tel bâtiment. » Construite en 2000, la stabulation sur aire paillée est en effet équipée de 52 places au cornadis pour un troupeau de 80 vaches. Étant donné la durée de la traite dans une salle comptant 2 x 4 postes sans décrochage automatique, la même depuis quarante ans, les vaches peuvent se relayer à l’alimentation. L’obsolescence du bâtiment vis-à-vis de l’évolution du troupeau et le temps de travail qui en découle restent néanmoins les points faibles de l’exploitation.

« Avec un lait à 270 €, il fallait être fou pour investir dans un nouveau bâtiment »

« Je passe trente-huit heures par semaine à la traite, constate Gildas : le matin de 7 h 15 à 10 h et le soir de 16 h 30 à 18 h 30. C’est beaucoup. Mais avec un lait à 270 euros les mille litres, il fallait être fou pour investir dans un nouveau bâtiment à ce moment-là ! »

L’aire paillée sur béton ne pose pas de problème pour obtenir un lait de qualité. Un curage est réalisé chaque vendredi matin, et le paillage chaque matin. En outre, Gildas est intransigeant en salle de traite : il effectue le trempage des trayons, l’essuyage au papier, et il tire les premiers jets pour détecter les mammites au plus tôt. « Dès que je constate une inflammation au toucher ou même à l’œil, je traite immédiatement. »

Malgré les bons résultats obtenus en production et en qualité, les éleveurs savent que la modernisation de leur outil de production est incontournable à terme. Reporté pour éviter d’alourdir les annuités, l’investissement est désormais programmé en 2018, au moment où « deux gros prêts vont s’arrêter ».

Afin de faire fondre leurs charges sur l’exercice en cours, Gildas et Nicolas ont étudié chaque ligne de leur compte d’exploitation et modifié leurs habitudes. Du côté de l’alimentation des animaux, ils ont abandonné l’aliment concentré, puis le soja vendu 376 €/t, et opté pour du tourteau de colza au prix de 225 à 240 €/t.

« Nous nous approvisionnons en tourteau de colza directement chez le fournisseur  »

« Nous nous approvisionnons directement auprès du fournisseur, sachant que nous ­bénéficions de la proximité du port de Montoir », soulignent-ils. Les minéraux sont achetés auprès du même fournisseur dans un conditionnement big-bag plutôt qu’en sacs, ce qui génère encore 200 €/t d’économies (450 € plutôt que 650 € ). Avec chaque jour 150 kg de tourteau de colza intégrés dans la remorque distributrice et 150 kg distribués à l’auge, l’utilisation de concentré représente 150 g par litre de lait produit.

Un dosage optimisé grâce à des fourrages de qualité. L’ensilage d’herbe (25 % de la ration) est issu du ray-grass italien cultivé en dérobé, et des prairies temporaires de ray-grass anglais et de trèfle blanc. Sa valeur moyenne est de 0,95 UFL/tonne de matière sèche. Le foin est récolté sur les prairies naturelles de marais.

De mars à juin, les éleveurs exploitent au mieux le pâturage grâce à une rotation sur neuf paddocks, avec un déplacement du fil matin et soir. « En fonction des saisons, les vaches passent entre quatre et cinq jours par paddock, sachant que nous reculons le fil tous les matins et tous les soirs afin d’éviter le gaspillage. » L’herbe pâturée représente 25 % de la ration des vaches laitières au printemps. Les génisses sont quant à elles alimentées avec du foin à volonté, de l’ensilage d’herbe et un mélange fermier tourteau de colza et orge aplati.

« Nous produisons nos propressemences de ray-grass italien, comme nos anciens »

« La priorité est de développer leur rumen. Elles sont inséminées parfois dès 14-15 mois pour un premier vêlage à 23 mois. Le vêlage précoce est rentable. L’insémination et la mise-bas se passent mieux. La première lactation est modeste, mais la deuxième démarre plus vite et c’est le plein boum ! » Beaucoup d’économies ont été réalisées par ailleurs du côté des intrants nécessaires aux cultures. « Nous produisons nous-mêmes nos semences de ray-grass italien sur 1,2 ha, comme nos anciens le faisaient. On implante cette culture après des céréales et on la détruit avec la charrue le 15 avril ! Donc ça nous ennuie d’y investir 3000 €/an de semences. De plus, la levée est meilleure. En 2016, nous avons également utilisé des semences fermières en orge et blé. Nous avions acheté des semences pour les multiplier sur un hectare de chaque. »

Concernant les semences de maïs, les engrais et les produits phytosanitaires, Gildas et Nicolas ont pris l’habitude de demander plusieurs devis afin de faire le choix le plus économique. « Nous avons besoin de bons ensilages de maïs pour la production laitière, donc nous choisissons des variétés confirmées, avec plusieurs années de résultats, tout en faisant attention au prix, explique Nicolas. Notre objectif est de ne pas dépasser le coût de 167 euros/ha pour des semences traitées. »

Les éleveurs attendent avec impatience leur compte d’exploitation au 31 mars 2017 pour vérifier que l’objectif de réduction de charges de 20 000 € a bien été atteint. « Cette crise très dure nous oblige à nous remettre en question. Nous restons positifs en nous disant qu’on ne connaîtra pas pire… mais nous ne sommes pas à l’abri. En porc, nous avons vendu nos animaux en moyenne 1,47 €/kg en 2016. En lait, on nousannonce un prix de base de316 euros les mille litres pour janvier. »

« Avec l’aide d’un courtier, nous remettons à plat tous nos contrats »

Ce contexte de prix plus favorable qu’il y a un an va permettre à Gildas et Nicolas de reprendre la réflexion à propos du futur bâtiment qui améliorera leurs conditions de travail. Mais ils restent prudents et gardent en ligne de mire la volonté d’optimiser encore leur système. « Il reste des leviers pour réduire nos charges. Par exemple, nous avons fait intervenir un courtier pour remettre à plat tous nos contrats d’assurance privée. Cette année, nous allons faire la même chose pour ceux de l’exploitation. Ce sont des charges que l’on néglige souvent mais il y a de l’argent à économiser. »

Nathalie Tiers

© Thierry Pasquet/Signatures - Atelier porcs. Les deux bâtiments des porcs de 450 places d’engraissement existent depuis 1989. En 2015, les éleveurs ont cumulé un cours faible de 1,03 €/kg et un coût élevé d’aliment en raison du prix des céréales. La tonne d’aliment était montée à 320 € alors qu’elle est actuellement à 208  €. Ils prévoient dans leur futur investissement un outil de fabrication d’aliment à la ferme pour utiliser leurs propres céréales et économiser 5 € par porc vendu.

© Thierry Pasquet/Signatures - Salle de traite. Avec 2 x 4 postes pour 75 vaches, Gildas est occupé par la traite 38 heures par semaine. « C’est long mais je prends mon temps ! C’est important de garder son calme ici car le produit de l’exploitation, il est là. Si on ne fait pas un lait de qualité, ce n’est pas la peine d’en faire. Et quand le prix est à 270 €, il faut faire son boulot encore mieux. On n’a pas le choix. »

© Thierry Pasquet/Signatures - Élevage des génisses. Le coût de production d’une génisse est de 1 267 €, proche des Réseaux d’élevage (1 300 €), pour un âge moyen au vêlage inférieur (26 mois contre 28). « Pour réduire ce coût, elles devraient pâturer davantage, mais Gildas ne veut pas les sortir avant 80 jours après l’IA pour éviter toute mortalité embryonnaire, indique Antoine Sureau, d’Élevage conseil ­Loire Anjou. C’est un choix d’éleveur qu’il faut ­respecter. »Thierry Pasquet/Signatures

© Thierry Pasquet/Signatures - Aire paillée. Le paillage est réalisé chaque matin et le curage toutes les semaines. Une hygiène rigoureuse en salle de traite permet d’obtenir un lait de qualité. Le troupeau n’a pas de problème de boiterie mais les éleveurs savent qu’il faudra être davantage attentif sur ce point avec le futur bâtiment à logettes. Thierry Pasquet/Signatures

© THIERRY PASQUET/SIGNATURES - Ensilage. L’ensilage d’herbe (25 % de la ration) est issu pour partie de RGI cultivé en dérobé. Comme pour l’orge et le blé, il est produit à partir de semences fermières pour réduire les charges. Sa surface est passée de 30 à 20 ha car le stock fourrager était supérieur aux besoins et cette culture dérobée est coûteuse en frais de fertilisation et de récolte . THIERRY PASQUET/SIGNATURES

© Thierry Pasquet/Signatures - Matériel d’occasion. La remorque distributrice-pailleuse a été achetée d’occasion il y a cinq ans et donne satisfaction aux éleveurs. Elle est peu coûteuse en entretien. L’exploitation possède son matériel de fenaison, de semis, de travail du sol ainsi que les tracteurs. Les deux principaux et plus récents ont été achetés d’occasion (160 et 125 ch). Ils sont équipés d’un chargeur. Les éleveurs font aussi appel à la Cuma mais ont arrêté la prestation télescopique, trop coûteuse (jusqu’à 4 000 euros/an). Thierry Pasquet/Signatures

© Thierry Pasquet/Signatures - Pâturage au fil. Au printemps, les éleveurs exploitent au mieux le pâturage grâce à une rotation sur 9 paddocks, avec déplacement du fil matin et soir. « Cela évite le gaspillage, et si nous sommes dépassés par l’herbe, nous fauchons. Nous fauchons aussi les refus pour optimiser la qualité. » À l’automne, les paddocks sont pâturés librement, sans fil. Les éleveurs utilisent aussi cette technique de pâturage au fil avec du colza fourrager, implanté quatre ans sur cinq pour apporter de la matière azotée. Les prairies reçoivent exclusivement du lisier de porc.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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