Il y a dix-sept ans, Linda Anquez et Benoît Vigneron quittaient leur Pas-de-Calais pour le Loiret où le prix des fermes permet à des personnes hors cadre familial d’accéder au métier d’éleveur. Moyennant des aménagements.
Originaires du Pas-de-Calais et non issus de familles agricoles, Linda et Benoît se sont retrouvés confrontés à des tarifs rédhibitoires lorsqu’ils ont voulu reprendre une ferme dans les années 1990. « Au départ, je pensais m’installer avec un associé dans notre région d’origine, relate Benoît. Entre les éleveurs qui préféraient que leur ferme reste dans leur famille et les potentiels associés, prudents sur le fait que nous ne soyons pas issus de familles agricoles, nous n’avons pas trouvé notre bonheur. » Linda et Benoît se sont alors tournés vers un agent immobilier qui constata que dans le Nord-Pas-de-Calais, aucune ferme ne rentrait dans leur budget. « Il nous a alors orientés vers le Centre où les fermes sont deux à trois fois moins chères. Dans le Nord, il aurait fallu reprendre du quota alors qu’ici, il était possible de n’acheter que le fonds de commerce. » Benoît a également tenté de trouver un associé dans le Loir-et-Cher : « Mais le courant n’est pas passé et je ne pouvais pas imprimer ma patte sur la mise aux normes. » Linda et Benoît décidèrent de s’installer ensemble après avoir trouvé la ferme de Cléry-Saint-André en 1999. « Avec 283 000 litres de quotas, 77 ha de terres et une salle de traite, il y avait tout ce qu’il fallait pour commencer notre activité dans un budget raisonnable. Dans le Nord, être propriétaire d’une ferme est inabordable ! »
« Ici, les laiteries sont aux petits soins ! »
Rattachés d’abord à CLHN (Coopérative laitière de Haute-Normandie), Linda et Benoît sont maintenant collectés par la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel. « Quelle que soit la laiterie, elle nous a toujours octroyé facilement des volumes sans rachat grâce à du quota libre dans le département. Nous avons eu porte ouverte à tout ! Ici, les laiteries sont aux petits soins. S’il y a encore quelques années, la LSDH payait un peu moins que d’autres, elle résiste mieux à la crise. Le prix du lait s’est maintenu à 322 €/1 000 litres en octobre et novembre. Nous ne sommes jamais descendus en dessous de 300 €/1 000 litres. Le patron est un personnage dynamique dans la région et il ne lâche pas ses producteurs. C’est très important quand c’est la laiterie qui fait la pluie et le beau temps pour une exploitation. » Benoît a ainsi récupéré 100 000 litres de quota à son installation et 50 000 litres presque tous les ans.
Si les exploitations du Centre sont moins recherchées – et donc moins chères – que celles des gros bassins laitiers, il y a des raisons. Notamment la richesse des terres. « Nous sommes au bord de la Sologne. Les sols sont sableux, donc c’est très séchant en été et très humide en hiver. Pour assurer les rendements, nous avons installé l’irrigation sur les 44 ha de cultures. Cela a aussi un coût. »
Les pâtures ne sont également pas très riches. « C’est bien pour faire du foin. » Le pâturage se fait en deux périodes : de début avril à mi-juin, puis de la fin août à novembre. Les pâtures produisent entre 3 et 3,5 t de MS/ha en foin et 2 tonnes pâturées. Linda et Benoît ont opté pour une stratégie de stocks en ayant une année d’avance pour faire face aux aléas. En parallèle, la proximité de la Sologne apporte son lot de sangliers… et leurs dégâts. « Quand nous avons acheté, nous n’étions pas inquiets. Mais, tous les ans, nous avons entre 0,5 et 1 ha de maïs abîmé. Cette année, 5 ha ont été détruits. Les indemnisations ne couvrent pas tous les dégâts. Nous avons dû acheter de la pulpe surpressée et ensiler de l’herbe de printemps. »
« Nous disposons de paille presque à volonté »
En revanche, la Sologne procure de la paille à un prix défiant toute concurrence : 2 tonnes de fumier contre 1 tonne de paille. La proximité de nombreux céréaliers permet de réaliser ces échanges pour les deux tiers du fumier produit sur l’exploitation. Le tiers restant est utilisé pour les terres qu’ils ont besoin d’enrichir. « Mais nous ne sommes pas restreints et pas encore soumis au plan d’épandage, lance Benoît. Comme nous n’achetons pas la paille, nous sommes généreux pour l’aire paillée. Si nous devions la payer, nous serions peut-être passés à un système de logettes. » Avec le peu d’éleveurs dans le département, les services associés se font aussi plus rares : pas de service de remplacement, ni de Cuma d’élevage à proximité. De plus, leurs familles sont restées dans leur région d’origine, ne pouvant ainsi apporter cette aide si fréquente par ailleurs. « Nous devons nous débrouiller par nous-mêmes, souligne Benoît. Il aurait peut-être fallu dès notre installation que nous allions voir les autres agriculteurs pour monter ensemble une Cuma, par exemple. » Pour ne pas avoir en propre l’intégralité du matériel et en particulier le plus onéreux, les moissons et l’ensilage sont confiés à une entreprise de travaux agricoles. « Nous avons renouvelé au fur et à mesure le matériel déjà présent lors de notre installation : matériel de fenaison, presse, outils du sol, télescopique, bennes et mélangeuse. Certains amortissements courent toujours. »
Si Linda et Benoît ont pu acheter leur ferme à un prix raisonnable, c’est aussi parce que peu d’investissements y avaient été faits.
« Nous avons pu investir selon notre manière de fonctionner »
« Nous avons investi 300 000 € lors de la mise aux normes, mais nous avons fait ce que nous avons voulu, explique Linda. Parfois, c’est compliqué de reprendre une exploitation où des travaux ont été réalisés, mais pas selon notre manière de fonctionner. On pourrait hésiter à casser pour refaire à notre goût. Ici, il y avait une salle de traite et ce qu’il fallait pour commencer à travailler. Ce n’était pas grandiose, mais notre objectif était de faire fructifier cette ferme. » Les bâtiments étaient dimensionnés pour produire les 283 000 litres de quotas à l’époque de la reprise. La mise aux normes a permis d’accompagner l’évolution de la ferme. La salle de traite est passée de quatre à douze postes et un bâtiment en bois a été construit sur aire paillée.
La problématique d’un accès à un vétérinaire est primordiale pour un élevage. Chez Linda et Benoît, le plus proche se situe à quarante-cinq minutes avec les frais de déplacement associés. « Nous faisons en sorte d’avoir le moins possible besoin du vétérinaire, par exemple en faisant très attention aux facilités de vêlage », détaille Benoît. Il faut dire que le coût d’une césarienne dans l’Orléanais fait réfléchir : 380 €. Après plusieurs années avec un vétérinaire local « qui ne pratique pas assez et n’est pas assez disponible », ils ont opté pour un vétérinaire conseil de Dijon venant au moins une fois par an pour les prophylaxies.
« Veiller à la proximité d’un vétérinaire »
Un conseiller nutritionniste belge visite les deux troupeaux (laitier et allaitant) deux à trois fois pas an. « Il faut presque choisir la zone en fonction de la proximité d’un vétérinaire quand on décide de s’installer dans une zone à faible densité laitière, conseille Linda. Au-delà d’une heure de route, cela n’est pas gérable au quotidien. » Le service d’insémination artificielle est assuré tous les jours avec une tournée l’après-midi. « C’est vrai que dans le Nord, il y a deux tournées par jour, constate Benoît. Comme nous avons jusqu’à onze heures pour appeler en cas de chaleur, cela n’a pas d’impact sur notre taux de réussite pour un tarif équivalent (28 € la pose). Je pense de temps en temps à l’IPE (insémination par l’éleveur), mais j’ai déjà beaucoup de choses à assurer. Et après, il n’y aurait plus grand monde qui passerait nous voir sur la ferme ! »
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