L’UE devrait produire moins de lait d’ici à 2035, mais rester leader à l’export
Dans ses projections, la Commission européenne anticipe une décennie charnière pour le lait européen : après des années de croissance, la production devrait reculer jusqu’en 2035, freinée par la baisse du cheptel. Moins de volumes, mais plus de valeur ajoutée : le fromage et le lactosérum devraient tirer la filière, sur fond de demande intérieure solide et de marchés mondiaux porteurs.
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Début 2025, la Commission européenne a publié un rapport de prospective consacré à l’avenir du secteur agricole de l’UE, basé sur des modèles agroéconomiques et des données récentes. Parmi les tendances esquissées, la décennie qui vient s’annonce charnière pour la production laitière communautaire.
Car après dix ans de croissance régulière des livraisons de lait qui ont « consolidé la position de leader de l’UE sur les marchés mondiaux », elle atteint un point de bascule : la hausse de la productivité laitière, attendue deux fois moins forte d’ici à 2035 que sur la décennie passée, ne pourra plus compenser la baisse continue du cheptel laitier.
Résultat : la production européenne de lait reculerait de 0,2 % par an, entraînant une contraction de la disponibilité en matières utiles (protéines et matières grasses). Leur teneur moyenne devrait tout de même encore progresser, grâce à des stratégies d’alimentation plus performantes et à un ajustement des choix des races.
Notons que le changement climatique apporte une dose d’incertitude : il accroît la probabilité d’événements météo défavorables aux prairies et aux animaux (sécheresse, stress thermique), mais son effet sur les rendements laitiers reste « ambigu et difficile à quantifier » selon les régions.
La baisse de production ne sera pas homogène sur tout le continent : certains pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne, ont encore des marges de progression, tandis que des bassins laitiers naguère moteurs – Pays-Bas, Belgique, Danemark - risquent de buter sur des limites structurelles et réglementaires.
Des politiques nationales de réduction des émissions d’azote, notamment, devraient de fait accentuer la baisse du cheptel européen, qui attendrait - 11 % d’ici à 2035 par rapport à la moyenne 2022-2024.
Montée en puissance du fromage et du lactosérum
Contraction de la production ne signifie pas recul de la valeur : la contribution croissante de la production laitière à des objectifs de durabilité pourraient engendrer des majorations de prix pour les produits répondant à des standards élevés, et une diversification des systèmes de production (bio, labels de qualité, etc.), note la Commission. D’où une meilleure différenciation sur les marchés domestiques et internationaux.
Confrontée à la rareté relative en matières utiles du lait, la transformation laitière européenne devra s’adapter. Le rapport anticipe une montée en puissance du fromage et du lactosérum, qui devraient absorber autour de 46 % de la production laitière européenne en 2035, contre 44 % sur 2022-2024.
La croissance de la production de beurre devrait de son côté rester limitée (+ 0,3 % par an), tandis que les poudres connaitraient des trajectoires variables : stabilité pour la poudre maigre et recul marqué pour la poudre grasse, peu compétitive sur le marché mondial.
La demande intérieure devrait rester un pilier pour l’industrie laitière européenne, et la consommation par habitant grimperait même de 2 kg par an, portée par le dynamisme
Les préférences des consommateurs européens – produits allégés en matières grasses ou en sucre, adaptés aux intolérances, enrichis en micronutriments – continueront surement d’influencer la demande ; l’impact des alternatives végétales s’annonce limité.
En parallèle, la consommation de lait liquide poursuivra son déclin, et certains segments devraient se stabiliser (yaourts) ou progresser légèrement (crème).
À l’échelle mondiale, la Commission projette une hausse de la production similaire à celle de la dernière décennie (+ 1,8 % par an), portée par l’Inde, le Pakistan, et « de grands pays consommateurs qui cherchent à gagner en autosuffisance » (Asie, Afrique du nord).
Les importations mondiales de produits laitiers vont continuer de croître, mais à un rythme plus lent : + 1,3 % par an entre 2024 et 2035 (contre + 1,7 % la décennie passée). L’Asie du Sud-Est devrait davantage tirer la consommation laitière asiatique, tandis que la Chine stabilisera ses importations.
Plus de produits à forte valeur ajoutée à l'export
Et l’UE devrait conserver une place prépondérante dans ce paysage laitier mondial. Avec la Nouvelle-Zélande et les États-Unis, elle représenterait près des deux tiers des exportations mondiales d’ici à 2035.
Mais la nature de ses exportations devrait évoluer : moins de volumes (- 0,2 % par an) et plus de produits à forte valeur ajoutée (+ 0,4 %), en particulier le fromage, le beurre et le lactosérum, pour lesquels la demande mondiale va rester dynamique et les prix plutôt élevés.
À l’inverse, les exportations de poudres de lait devraient se réduire, fragilisées par la baisse de la demande chinoise, et malgré la demande soutenue attendue en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.
Pour finir, quid des prix dans les dix ans qui viennent ? D’après les projections de la Commission, on peut s’attendre à ce que le prix du lait cru dans l’UE, porté par l’effet inflationniste, reste supérieur à ses niveaux d’avant 2022, sans retrouver le pic de 2021-2022.
Les prix des fromages devraient progresser régulièrement, « stimulés par la forte demande en matières grasses laitières et par une offre européenne contrainte ». Pour le beurre, on peut s’attendre à un recul relatif après les records récents, en raison de la concurrence d’autres matières grasses, puis à une trajectoire haussière.
Enfin, les prix de la poudre maigre n’augmenteraient que légèrement, et ceux du lactosérum devraient rester stables.
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