Compromis. En redessinant leurs parcellaires grâce à des échanges fonciers, deux Gaec voisins ont augmenté leurs surfaces en herbe accessibles aux laitières. Aidés par un boviduc, ils fondent davantage leurs systèmes sur le pâturage, dans le droit fil des orientations du futur cahier des charges de l’AOP comté.
Amplifier le pâturage et pouvoir se conformer aux exigences du futur cahier des charges de l’AOP comté, où la place de l’herbe sera renforcée, c’est possible. Même si le parcellaire ne s’y prête pas a priori. La filière comté a diffusé ce message au printemps, lors de la journée technique annuelle du Groupe Herbe régional. Elle s’appuyait sur le témoignage de deux élevages voisins. Ceux-ci ont su trouver les compromis fonciers pour gagner en confort et en efficacité de travail aujourd’hui, et pouvoir répondre au cahier des charges rénové qui pourrait s’appliquer d’ici deux à trois ans. Le Comité interprofessionnel de gestion du comté (CIGC) veut y restreindre l’affouragement en vert (interdit avant le 1er juin et limité à un cumul de 75 jours annuels) et fixer de nouveaux critères sur le pâturage des laitières : elles devront disposer de plus de 50 ares de pâtures accessibles à proximité du point de traite et de 1,3 ha d’herbe/VL au total.
La fin d’une traversée dangereuse
Jusqu’en 2017, de telles conditions auraient été inatteignables pour le Gaec Bole-Senot et le Gaec de la Mouttote, en raison de surfaces pâturables très insuffisantes. Tous deux étaient contraints d’affourager complémentairement en vert chaque année, durant quatre à cinq mois. Le Gaec de la Mouttote devait même traire sur un site extérieur, en salle de traite mobile, durant deux mois en été. Surtout, leurs exploitations étant en bordure de la route nationale 83 reliant Besançon à Lons-le-Saunier, faire accéder leurs troupeaux laitiers de près de 100 vaches chacun aux pâtures représentait une manœuvre très dangereuse. Car ils devaient traverser plusieurs fois par jour cet axe fréquenté quotidiennement par 12000 véhicules, dont 1500 poids lourds. Par exemple, au Gaec BoleSenot, il était nécessaire de mobiliser trois personnes pour faire parcourir 500 m aux vaches, jusqu’à un point de franchissement offrant la meilleure visibilité. Ou encore, les jours de brouillard, sortir des tracteurs avec gyrophares se révélait indispensable pour sécuriser la traversée…
Depuis septembre 2017, tout cela n’est plus qu’un mauvais souvenir. Un boviduc construit sous la route est entré en service. Il permet aux deux troupeaux d’accéder en sécurité et sans stress à des parcellaires que les Gaec ont remodelés, au profit du pâturage. Les échanges fonciers conclus au printemps 2017 et permettant cette restructuration ont impliqué au total cinq exploitations aux alentours de Paroy. « En seulement une matinée de réunion entre nos deux Gaec, nous sommes tombés d’accord sur nos échanges », se félicitent Hervé Bole et Yves Sage. Cette coopération a permis au Gaec Bole-Senot de passer de 36 ha d’herbe accessibles initialement, utilisés en totalité pour un pâturage de printemps tournant rationné (40 ares/VL), à 51 ha. Grâce à ce gain de 15 ha de pâtures, 57 ares/VL sont désormais alloués au printemps, dans le cadre d’un pâturage tournant simplifié géré au fil, où le troupeau reste trois jours dans la même parcelle.
« Il faut réapprendre à pâturer »
Quant au Gaec de la Mouttote, il est passé de 29 ha à 50 ha de prés accessibles. Pour cette campagne, 62 ares/VL ont donc été alloués (contre 34 ares/VL auparavant) et gérés en pâturage tournant simplifié à la parcelle, où les vaches restent deux jours. Cette réorganisation parcellaire a, en outre, contribué à rééquilibrer les pâturages de jour et de nuit sur les exploitations, avec des parcelles de nuit qui jouxtent les bâtiments. L’affouragement en vert se trouve réduit, en durée et en quantité. « Nous l’avons mis entre parenthèses, nous ne devrions normalement pas aller à l’herbe cette année, car c’est une vraie contrainte, prévoit Hervé Bole. Nous préférons distribuer du foin. Mais nous garderons la distribution de maïs en vert en fin d’été afin d’assurer la production laitière, tout en respectant le nouveau contexte du cahier des charges. »
Quant aux frères Sage, ils expliquent « pratiquer encore un peu d’affouragement en vert, car il faut réapprendre à pâturer ». Ils pensent être en mesure de « le limiter à 70 jours par an ». Pour eux, cet accroissement de la surface herbagère accessible, gage d’autonomie alimentaire, reste indispensable pour mener à bien un projet précis : ils se trouvent en conversion à l’agriculture biologique, avec un objectif de livraison de lait début 2020.
« Consacrer 40 000 € au boviduc plutôt qu’à un tracteur »
Lors des échanges, les deux Gaec ont construit des solutions pour établir des accords gagnant-gagnant, malgré des différences de situations et de surfaces. « Après le passage du boviduc, il nous reste une route secondaire à faire traverser aux vaches pour rejoindre nos pâtures [NDLR : regroupées sur la droite, voir plan], décrit Yves Sage. Tandis que le Gaec Bole-Senot a, lui, un accès direct à ses parcelles [sur la gauche]. Nous sommes tombés d’accord sur le fait de compenser cela en récupérant plus de surfaces et en participant moins au financement du boviduc que le Gaec Bole-Senot. »
Sur le coût de cet ouvrage, pris en charge aux trois quarts par les collectivités, les deux Gaec ont dû assurer une participation de 70 000 € (56 €/1 000 litres de lait au global). Dans le cadre d’un prêt bancaire à 0 %, sur dix ans, le Gaec Bole-Senot a pris à sa charge 40 000 €, le Gaec de la Mouttote 30 000 €. « C’est l’équivalent d’un tracteur, observe Hervé Bole. Je préfère différer le remplacement de l’un d’eux et avoir réalisé cet investissement ! » Enfin, après le redécoupage des parcelles, des chemins d’accès et tout un réseau de canalisations pour l’abreuvement ont dû être créés. Sur une longueur d’environ un kilomètre pour le Gaec Bole-Senot et de 300 m pour le Gaec de la Mouttote (sur 600 m au total, le reste ayant été fait pas les éleveurs eux-mêmes), ces aménagements ont été réalisés grâce au terrassement du boviduc, par une entreprise, pour un coût de 12 à 15 € par mètre linéaire.
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